Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 14:50

evolution homme


D

ans l’évolution créatrice Henri Bergson écrit "Si nous pouvions nous dépouiller de tout orgueil, si, pour définir notre espèce, nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas « Homo sapiens », mais « Homo faber »".

Depuis toujours l’homme s’instrumentalise. Aujourd’hui cette instrumentalisation ne vise plus seulement à démultiplier la force physique ou à la remplacer par des machines comme durant la révolution industrielle mais bel et bien à appareiller le cerveau humain, ses apprentissages, son mode de fonctionnement, comme une sorte de prothèse de la mémoire, des connaissances individuelles et même de la créativité.

Alors que, pour la première fois de son histoire, l’espèce humaine a la capacité de se faire disparaître dans une apocalypse nucléaire et/ou écologique, l’homme a-t-il perdu le contrôle de la technologie qu’il a créé ?

Nicholas Carr pose en forme de provocation la question de savoir si Google nous rend idiot.  

Il constate que sa fréquentation quotidienne et prolongée de l'ordinateur a des répercussions sur la marche même de son esprit: "Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. (…). Ce n'est plus que rarement le cas. Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages".

L’usage des moteurs de recherche conduit l’utilisateur à papillonner de lien en lien sans jamais prendre le temps de lire des pages entières calmement et en se concentrant.

La lecture devient ainsi une sorte de butinage aléatoire.

Point n’est nécessaire de se creuser les méninges. Il n’est pas plus utile d’aller chercher dans le livre qui se trouve derrière nous une définition, une référence, un texte à lire. Il suffit de quelques mots clés bien choisis pour obtenir pléthore de liens abordant le sujet recherché.

Il est en tout cas clair que nous ne lisons pas sur internet comme nous lisons dans un livre.

Ce nouveau mode d’acquisition de connaissance n’est sûrement pas neutre au niveau du fonctionnement cognitif du cerveau.

Une des découvertes fondamentales des neurosciences est incontestablement l’extraordinaire plasticité du cerveau même à l’âge adulte.

Il n’y a aucune raison que cette merveilleuse capacité d’adaptation reste sourde aux sollicitations permanentes de ces navigations effrénées.

La façon que nous avons de lire n’est pas inscrite dans nos gènes. C’est un apprentissage.

La généralisation de l’usage d’internet et l’apparition des tablettes pourrait bien ne pas être simplement un changement de support mais bien une profonde modification de la manière de lire et par ricochet d’acquérir des connaissances, une sorte de multiplexage plus ou moins voulu des idées.

Le danger est que cette capacité fractale d’exploration, infinie au regard du temps disponible, finisse par engloutir l’homme comme un hyperneurone d’une sorte d’hyper-intelligence globale sans personnalité, sans âme et surtout sans responsabilité.

L’"homo Internautus", dépossédé de son identité, risque de devenir un élément anonyme d’un collectif désincarné.

Mais la crainte que peut susciter cette évolution ne conduit ni à la réflexion ni à l’action.

L’humanisme, s’il se définit comme la recherche avant tout de l’épanouissement personnel de l’homme, suppose que nous ayons la capacité de mettre à distance la technologie.

Non pas pour en négliger les apports mais pour qu’elle s’inscrive à sa place : un moyen, parmi d’autres, au service d’une recherche personnel d’équilibre et de connaissance.

Au fond plus que jamais la question de l’éthique, du sens de nos actions, de la responsabilité ne peut et ne doit se diluer dans l’envahissement technologique.

A cette condition, un nouvel humanisme peut surgir face à ce déferlement.


Patrice Leterrier

25 Novembre 2010

Fichier PDF

Partager cet article
Repost0

commentaires

S
<br /> « N’est-il pas étonnant de voir un jeune poulain à peine sorti du ventre de sa mère se mettre, au bout de quelques courts instants, à gambader sans effort ? »<br /> <br /> J'aime beaucoup cette réponse à nos étonnements :<br /> <br /> « Ce n'est pas cet enfant, ce cheval, cette chose ou cet objet qui m'étonne, c'est moi.<br /> <br /> « Nous ne nous étonnons jamais de ce que nous percevons d’extérieur à nous-même, mais de ce que nous sommes ; et de ce que nous soyons…<br /> <br /> « Pour mieux dire : de cette différence de notre indicatif à notre subjonctif, de cet intervalle vibrant et résonnant qu’implique la vie, rendue en son théâtre aussi vraie que virtuelle. »<br /> (Louis Latourre)<br /> <br /> <br />
Répondre