Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 16:53

la lune


 

P

eut-être avez-vous déjà ressenti cette émotion troublante en contemplant un clair de lune éblouissant au solstice d’été qui donne une lumière si particulière et qui a toujours hanté les grands peintres comme l’immense William Turner grand adepte des clairs de lune ou encore Edouard Manet jouant des bleus et de la lumière sur le port de Boulogne .

Curieuse impression que celle d’une lune qui semble si proche qu’on en distingue tous les détails alors même qu’elle n’était qu’un pâle disque anonyme lorsqu’elle rivalisait avec le soleil la possession du ciel.

Les psychologues Stanley Coren, de l'Université de Pennsylvanie, et Deborah Aks, de l'Université Rutgers du New Jersey se sont penchés sur ces représentations de la lune pour constater que plus les représentations comportaient des repères visuels, comme des maisons, arbres ou bateaux, plus la taille de la lune était exagérés par l’artiste.

Une autre étude menée par Stéphanie John et Alexander Wilson de l'Université du New Brunswick confirme cette perception d’une taille surestimée de la lune lorsqu’elle se rapproche de l’horizon.

Alain Lieury dans la revue pour la science explique que le phénomène est dû à une correction faite par notre cerveau qui tient compte de la taille et de la distance des objets environnants dans une sorte de contagion visuelle étudiée en 1940 par les psychologues américains A. Holway et E. Boring et illustrée en particulier par l’illusion d’optique de Ponzo.

Voilà donc une preuve de plus des biais que prend notre cerveau pour capter le réel.

Mais la contagion perceptive ne se limite pas à de simples illusions d’optique qui nous font voir de splendides lunes énormes sur l’horizon, elle agit incontestablement dans le domaine des idées et des modes.


Elle nous entraine trop souvent à prendre le parti de la majorité pour juger du talent de tel ou tel chanteur, pour apprécier les fantaisies de créateurs en mal d’imagination confondant souvent talent et originalité, pour acquérir tel ou tel accessoire dont nous aurions, quelques temps auparavant, vilipender l’inutilité.

Elle nous pousse aussi à considérer comme vérité établie des opinions proclamées avec assurance par des gourous plus ou moins charismatiques, des savants pas toujours impartiaux, des hommes politiques en quête d’électorat, des philosophes ou des historiens drapés dans le fatras de références censées couper court à toute velléité de contestation.

On se moque facilement de celui qui regarde le doigt du sage montrant la lune mais au fond n’a-t-il pas ses raisons de ne pas céder à l’injonction de celui qui se vante d’avoir acquis la sagesse et de regarder au plus près ce doigt qui ne dissimule rien, pas même sa taille réelle, mais qui nous renseigne si peu sur la pensée de son possesseur.

Certains nous invitent à ne croire, comme Saint Thomas, que ce qu’on voit. L’ennui c’est qu’il ne semble pas si sûr que ce qu’on voit soit digne de foi…


Patrice Leterrier

21 juillet 2010

 

Fichier PDF

Partager cet article
Repost0

commentaires