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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 20:18

bouillabaisse


C 

e qu’il y a d’impressionnant et à la fois d’inquiétant dans la puissance du moteur de recherche Google c’est qu’on est vite, et probablement à tort, convaincu que ses résultats sont exhaustifs au sens qu’ils ne sont pas un filtre sur le sujet que l’on recherche.

Nul ne doute qu’ayant tapé le mot bouillabaisse, il reçoit, en récompense de cet effort énorme, les meilleurs recettes existantes sur ce délicieux et complexe plat si cher au marseillais .

Las, rien n’est moins sûr, étant donné les critères restrictives de sélection de ce puissant outil.

Vous n’aurez probablement pas accès, par exemple, au putatif blog de Fanfan de callelongue  qui détient peut-être la meilleur recette de ce plat typiquement massilien..

Mais, fort de cette puissance apparente et en dépit du mépris des droits d’auteur dont fait preuve Larry Pages , Hal Renold Varian, Chief Economist chez Google, compare sans complexe le rôle de Google à celui de la machine à vapeur, facteur essentiel de la révolution industrielle.

A titre de démonstration de sa thèse, il s’appuie sur une étude de l’université du Michigan montrant que des étudiants qui avaient la possibilité d’utiliser Google  avaient mis seulement 7 minutes pour répondre à une question alors que ceux qui ne disposaient que de l’accès à la bibliothèque de l’université avaient mis 22 minutes.

Avant d’aller plus loin, on notera au passage que cette université est partenaire de Google dans le projet Michigan Digitization Project qui n’est pas sans rapport avec les difficultés actuelles de Larry pages avec la justice.

Comme le fait justement remarquer Nicholas Carr sur son blog, ce gain de temps met en avant le mesurable par rapport au non mesurable, le temps par rapport à la réflexion, la recherche laborieuse.

Peut-on se demander ce que les étudiants utilisant Google ont retenu de la question et de la réponse par rapport à ceux qui ont fait leurs recherches dans la bibliothèque de l’université qui ont eu à retrouver l’auteur pertinent par rapport au sujet traité ?

Les travaux des neurologues nous enseignent que la difficulté que nous avons à traiter un problème cognitif joue un rôle essentiel sur l’imprégnation de la mémoire à long terme.

En dépit des prédictions futuristes sur la puissance de recherche des futures "Knowledge Bases" encyclopédiques comme celles que nous promet Ray Kurzweil, il n’est pas certain que ce "progrès" soit véritablement un pas en avant dans la conscience humaine du monde qui nous entoure.

La connaissance n’est pas l’information mais bien une lente et complexe digestion de l’information et de l’expérience.

Tout le monde sait que la digestion est un processus qui réclame un certain temps avec, en intermède, de possibles et salutaires phases de sommeil.

Hamlet répliquait à Horatio "There are more things in heaven and earth, Horatio, than are dreamt of in your philosophy." (Hamlet, I.5). Sage vision face à l’immense inconnue du monde.

Mais aujourd’hui le simple mot tapé sur Google conduit certains à confondre la facilité de recherche avec la dure entreprise de la connaissance.

Le problème du "copier/coller" devient un mal sournois et récurrent dans le monde universitaire, littéraire et politique.

Inutile d’enfoncer plus Patrick Poivre d’Arvor, seigneur des interviews bidons et des ouvrages outrageusement copiés.

Savez-vous que plus des deux tiers de la thèse du ministre allemand de la Défense, Karl Theodor zu Guttenberg, surnommé depuis le "Baron copier-coller», seraient du plagiat ?

Le pompage de Fréderic Lefebvre n’est plus à démontrer même si son éditeur lui trouve des excuses. Il est vrai que la meilleure des excuses du personnage est qu’il n’a pas d’idée personnelle !

Le copier/coller à l’université devient un problème majeur dont certains commencent sérieusement à se préoccuper.

On est loin des salutaires pompes de nos jeunes années qui n’étaient qu’un ridicule artifice pour calmer notre angoisse du trou de mémoire.

Il est pourtant indéniable que la puissance d’Internet ouvre des voies magnifiques à la connaissance, qu’elle joue un rôle capital dans le grand mouvement de prise de conscience de populations opprimées.

Il ne faut pas pour autant oublier que Google, Facebook, Twitter et autres sont, avant tout, des entreprises commerciales qui visent le profit et qui font l’enrichissement d’un petit nombre de privilégiés membres  de ce nouveau capitalisme numérique.


Patrice Leterrier

 

29 Mars 2011

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