L |
’annonce de la découverte d’une 25ème particule élémentaire "compatible" avec le boson de Higgs a fait un fantastique buzz sur internet.
Pour la première fois un événement scientifique a fait l’ouverture des journaux télévisés où on a pu découvrir un vieil octogénaire du nom de Peter Higgs avouant qu’il n’avait jamais rêvé que son boson soit découvert de son vivant.
Pour autant la vie des gens ne va pas être bouleversée par cette annonce.
Je parierai bien que bientôt la plupart aura même oublié le rôle de "colle universelle" joué par le champ de Higgs.
La notion de champ parle encore moins au public que celle de particule même si ces étranges objets dont on ne "voit" jamais que les "traces" restent des concepts abstraits difficile à se représenter et dont la grande majorité de gens n’ont vraiment pas grand-chose à faire.
Michel Lévi sur son blog analyse la perception que nous pouvons avoir entre la certitude annoncée par les physiciens du CERN et les risques et probabilités alarmantes que nous délivrent depuis des années les experts en climatologie.
Nous n’avons pas beaucoup de difficulté à admettre l’existence de cette particule élémentaire pourtant si mystérieuse pour nous.
Et d’ailleurs comme la nouvelle de son existence ne fait ni chaud ni froid à la majorité d’entre nous, pourquoi irions-nous en contester la découverte ?
Tout aussi considérables qu’en soient les effets indirects, ils nous laissent de marbre et ne pèsent pas lourd dans notre existence malgré qu’ils soient justement responsables de notre poids.
Le fait qu’on lui ait donné le nom de "particule de Dieu", alors qu’à vrai dire Dieu n’a pas grand-chose à faire dans le monde de la physique théorique, ne la rend pas plus importante à nos yeux de profane.
Et puis cette "certitude" n’est-elle pas finalement ce qu’on attend de la science ?
Nous aimons, par-dessus tout, les "certitudes" et détestons les "incertitudes", les "à peu prés" parce qu’intuitivement nous avons tendance à confondre statistique avec hasard et parce que nous sommes génétiquement programmés pour donner du sens à tout prix.
Et puis peut-on vraiment en vouloir au public de ne point s’intéresser au réchauffement climatique, alors que les scientifiques semblent, en partie grâce à l’intoxication des climatosceptiques, se déchirer sur ce sujet ?
Est-ce parce que nous sommes foncièrement égoïstes, parce que les possibles ne nous parlent pas comme les certitudes ou parce que nous attendons de la science des réponses tranchées confondant rigueur scientifique et preuve ?
En retour, il est vrai qu’il est bien difficile de nos jours d’avouer "je ne comprends pas", de demander simplement à un physicien une question aussi simple que "comment marche un aimant" (vous savez ces trucs qui dévient la trajectoire des particules).
Pourtant y-a-t-il de meilleur moyen pour apprendre que de commencer par ne pas accepter qu’on vous assène des "évidences" affirmées péremptoirement ?
Cette méconnaissance idiosyncrasique devrait même être un aiguillon pour que ceux qui sont en charge de nous expliquer se mettent à notre portée sans réclamer de nous de partager leur savoir encyclopédique.
Car tout immense qu’il soit, il ne les distingue pas tant que ça de nous sur la compréhension du monde tant Boileau avait raison d’affirmer "ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement".
Alors nous croyons les scientifiques lorsqu’ils annoncent triomphalement la découverte du boson de Higgs mais nous continuons à faire la moue quand ils nous annoncent les conséquences possiblement dramatiques du réchauffement climatique.
Elles sont pourtant déjà partiellement visibles dans notre vie de tous les jours et risquent d’être encore plus importantes pour les générations futures.
Est-il utopique d’espérer que l’historique nouvelle de cette découverte du boson de Higgs redonne un peu de prestige à la science en général et du crédit à ceux des scientifiques qui n’ont pas la chance de vivre dans le monde des certitudes et qui prêchent désespérément dans le désert ?
Patrice Leterrier
8 juillet 2012