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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 17:59

D

emander pardon est un acte fort qui engage l’offenseur qu’il le fasse pour lui-même ou comme le mandataire d’un groupe, d’une communauté religieuse, d’une organisation politique ou d’un pays. Le pardon accordé consiste à vaincre son ressentiment. Il rétablit le lien qu’avait brisé l’offense. Les psychologues affirment  que le pardon est un acte libérateur dans lequel la douleur se dissout et qui permet à l’offensé de redevenir acteur de sa vie. De qui Ségolène Royal était-elle la mandataire quand elle implore le pardon de nos amis africains? Pas de la France puisqu’elle a perdu les élections (ou alors il s’agit sa part d’une tentative de coup d’état!), pas du Parti Socialiste puisqu’elle a perdu aussi ce combat. Elle n’avait aucune légitimité, même si elle a évoqué "la confidence", en demandant "Pardon pour ces paroles humiliantes et qui n’auraient jamais dû être prononcées et qui n’engagent ni la France, ni les Français". Il est incontestable par contre qu’elle a réussi ainsi un coup médiatique, à provoquer l’indignation de certains, à recevoir le support de Martine Aubry et probablement à rouvrir la blessure et le ressentiment des sénégalais à l’encontre de Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire en la circonstance la voix de la France. Il s’agit avant tout d’une posture que l’on pourrait appeler une pardonitude, à moins qu’il ne s’agisse plus génériquement d’une posturitude, une façon de cristalliser sur un détail son opposition ce qui n’élève pas vraiment le débat politique déjà tellement colonisé par la médiacratie. Et une fois de plus, elle choisit de se positionner par rapport à Nicolas Sarkozy. Un peu comme si la campagne présidentielle n’était pas terminée ou alors comme si elle avait déjà commencé, ce qui paraît tout de même un peu tôt pour 2012! On peut, comme le fait Bernard Kouchner, qualifier de maladroite la formule "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire" à l’origine de la contrition indignée de Ségolène Royal. On peut souligner qu’il ne s’agit que d’une phrase de 6 mots sortie de son contexte dans un discours de prés de 5400 mots. A contrario, on peut fustiger la suffisance intellectuelle d’Henri Guaino, auteur présumé de cet aphorisme audacieux et terriblement réducteur. Mais on peut aussi se placer sur le terrain de la politique – car c’est bien de politique qu’il s’agit - et s’attacher au fond du discours. On pourrait, comme le fait Jean Daniel dans le Nouvel Observateur, souligner les paroles fortes et inédites sur la condamnation du colonialisme : "Les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances et les coutumes de vos pères […]. Ils n’ont pas vu la profondeur et la richesse africaines, ils ont cru qu’ils étaient supérieurs, qu’ils étaient plus avancés, qu’ils étaient le progrès, qu’ils étaient la civilisation.". On pourrait aussi mettre en exergue la conclusion : "Ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est préparer l’avènement de l’Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l’Europe et l’Afrique." Mais voilà, Ségolène Royal préfère passer sous silence ce dessein politique pour ne retenir que l’anecdote plus croustillante. Peut-être parce qu’elle préfère les formules cinglantes, opportunistes, vides de projet politique à la responsabilité ? La gauche a mieux à faire que rechercher l’attention des médias par des formules grandiloquentes et inconsistantes, à mieux à faire que de mettre de l’huile sur le feu aux Antilles ou ailleurs. Pour s’en persuader, il n’y a qu’à revoir l’intervention de Dominique Strauss-Kahn sur France 2. Il démontre avec talent que l’on peut être de gauche et avoir un projet politique qui n’est pas un négatif sans âme de celui de Nicolas Sarkozy. On peut aussi faire de la politique lorsqu’on est de gauche !


Patrice Leterrier

8 Avril 2009

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