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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 18:58
Surveillance et démocratie

Dans l’indifférence presque générale, les députés viennent d’adopter en première lecture le 5 mai 2015 la loi sur le renseignement. Ils l’ont fait massivement par 468 voix pour et 86 contre.

Au passage il y a eu 42 abstentions.

Il est difficile de comprendre qu’un représentant de la nation puisse ne pas avoir d’opinion à moins qu’il s’agisse d’un aveu d’incompétence ou pire d’un désintérêt pour un sujet de cette importance.

Comme l’écrit Thierry Vieville sur son blog «Depuis mardi 5 mai, la France est donc techniquement un état policier.

- On peut pister, ouvrir et lire mes courriers (je n'en ai plus qu'électroniques). On peut surveiller tout ce que je lis, écris, visionne ou écoute (je ne le fais plus que numériquement). Et l'administration a un pouvoir d'investigation qui échappe au pouvoir judiciaire. Pouvoir dont les multinationales américaines qui ne se privent pas d’espionner massivement nos entreprises et nos états, d’analyser nos données personnelles dispose déjà. Il ne s'agit pas ici de faire le procès d'un seul gouvernement.»

Mathieu Nebra analyse cette situation préoccupante comme le résultat de deux faillites des scientifiques :

  • les députés ne maîtrisent pas suffisamment les impacts technologiques de cette loi et ses répercussions sur l’écosystème numérique
  • les citoyens ne perçoivent pas les enjeux de cette loi.

Ce n'est hélas pas le seul domaine dans lequel la démagogie des politiques et l'ignorance et le désintérêt du public conduit à un arbitraire démagogique.

La prise en otage de la science au nom d'un soi-disant intérêt général, voire d'un principe de précaution dévoyé de son sens, est monnaie courante de nos jours que ce soit dans le domaine numérique, comme dans le cas de cette loi dangereuse, mais aussi par exemple dans le domaine des ondes électromagnétiques, des sources énergétiques ou encore celui de organismes génétiquement modifiés,...

La République, la Res Publica (tiens du latin?) au sens premier du terme, s'il n'est pas trop galvaudé aujourd’hui, aurait grand intérêt à consacrer des crédits spécifiques pour que le monde scientifique puisse, comme le font les industriels, faire du lobbying auprès de nos élus pour éviter qu'ils ne votent avec le bandeau de l'ignorance sur les yeux.

La vulgarisation scientifique, au sens noble du terme, si on peut dire, concerne tout le monde et au premier chef ceux qui ont à définir le cadre juridique dans lequel nous pourrions vivre en confiance mais aussi en sécurité dans le grand maelstrom numérique qui a envahi la planète en moins d'un quart de siècle.

D’ailleurs le problème de la désappropriation de nos échanges et de nos données personnelles ne concerne pas seulement la «surveillance étatique» que la loi nouvellement votée semble vouloir organiser.

Comme l’écrivent Serge Abitboul, Benjamin André et Daniel Kapla «Allons-nous continuer à nous contenter d’un Web dominé par des oligopoles, le profilage des individus, la surveillance généralisée ? Est-ce que notre perte de contrôle sur nos propres données nous conduira de plus en plus à devenir les produits passifs d’une économie numérique mondialisée ?»

Curieuse façon en tout cas pour nos élus de célébrer le 70ème anniversaire de la libération que de voter cette loi liberticide et inefficace?

Patrice Leterrier

17 mai 2015

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