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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 19:46

 

Chantier-rue-Imperiale.jpg


 

S

 

i, accablé par la chaleur du soleil de Provence, vous recherchiez sur le vieux Port un lieu pour déguster entre amis un pastis bien mérité, peut-être vous attablerez vous à la terrasse de la Samaritaine.

Cet établissement fait le coin du quai du Port et de la rue de la République face à l’église des Augustins toute fière dans sa nouvelle robe blanche.

Vous pourrez y déguster ce breuvage typiquement marseillais qui était interdit sous l’occupation.

Il ne fut autorisé à la vente dans les débits de boisson qu’en 1951 grâce à la ténacité de Pierre Zutta, propriétaire de la Samaritaine et Président des cafetiers marseillais et à celle, très intéressée, de Paul Ricard.

Mais vous ne pourriez pas non plus vous asseoir à la terrasse de ce café si, lors de sa visite à Marseille, l’empereur Napoléon III accompagné de l’impératrice Eugénie, n’avait signé le 10 Septembre 1860 le décret autorisant le percement de la rue Impériale. Les choses allèrent vite et le 15 avril 1861, l’empereur signât le décret d’utilité publique.

Le projet présenté était moins ambitieux que celui de Jules Mirès qui proposa en mai 1858 "de raser, purement et simplement, les trois collines sur lesquelles Marseille était établie depuis l’antiquité (buttes de Saint Laurent, des Moulins et des Carmes) et qui formaient un écran entre les deux ports"(1).

Il n’aurait pas pu voir le jour si, le 12 août 1862, Emile Pereire n’avait accepté de le financer pour un montant forfaitaire de 6 millions de francs

Le défi qu’il représentait n’en était pas moins impressionnant. Il réclamât la démolition de 935 maisons, le déblai et l’enlèvement de plus d’un million et demi de mètres cubes de roche, de terre et de débris qui servirent dans la construction des quais de nouveau bassin à l’anse d’Arenc et de l’Attaque.(2)

La nouvelle rue a une longueur de très exactement 1 054,19 mètres(3). On dut ouvrir une brèche de 250 mètres de long et de 15 mètres de profondeur dans la butte des Carmes. On peut s’apercevoir de l’importance du percement au niveau de la place Sadi Carnot (ex Place Centrale) par la hauteur des murs de soutènement qui contiennent la vieille ville(1).

Il nécessita la construction de 12 kilomètres de voies ferrées, la mobilisation de quatre locomotives et de 250 wagons(2).

Pas moins de 38 rues disparurent complètement et 23 partiellement.(3)

Le 29 Septembre 1862 le "sémaphore" écrivait "une grande partie de la classe ouvrière qui habitait les logements destinés à tomber sous le pic des démolisseurs a généralement pris son essor du côté d’Endoume et du quartier de la Belle de Mai"(2). L’image était charmante mais "l’essor" ressemblait plutôt à un exode forcé de 16 000 habitants.

Quatre ans à peine après la signature du décret initial par l’empereur, le projet fut terminé et l’inauguration eut lieu le 15 Août 1864 soit juste 2 ans après la signature de l’accord de la ville avec Emile Pereire. 

La démolition terminée la Compagnie Immobilière des frères Pereire fit construire en tout juste 20 mois 99 maisons "de quatre étages surmontée d’un attique" caractéristiques du style haussmannien et couvrant 24 000 mètres carrés de terrains.

Mais ce prestigieux projet n’emporta pas l’adhésion de la bourgeoisie Marseillaise qui la boudât.

La rue Impériale "malgré de prestigieuses façades, ne pouvait rivaliser avec les quartiers sud et est, car les immeubles n'ont ici ni jardins, ni cours intérieures ou écuries pour les chevaux".

Les ventes n’étant pas à la hauteur des attentes des investisseurs, La Compagnie Immobilière fût mise en liquidation en 1872.

La rue sera alors essentiellement habitée par une population plus bigarrée de navigateurs et de travailleurs qualifiés du port et par les sièges des compagnies maritimes avant qu’elles ne périclitent les unes après les autres.

Beaucoup de ces appartements restèrent inoccupés voire squattés ce qui donnait à cette rue un aspect sale et peu engageant malgré les superbes alignements horizontaux voulus dans l’accord signé entre Emile Pereire et le maire de Marseille François Rouvière qui imposait que "les cordons des étages, les corniches et les toitures suivent des lignes horizontales, île par île" en dépit de la pente qui était rattrapée en jouant sur la hauteur des niveaux inférieurs.

Depuis début 2005, cette rue fait l’objet d’un ambitieux programme de réhabilitation financé par des fonds de pension américains (Veuves des Pompiers de Dallas et Caisse de Dépôt du Québec), la Société Générale (à 25 %) et la Caisse d'Epargne (à 25 %).

La réalisation de ce projet a fait fuir les populations les plus défavorisées au profit de populations plus aisées. De nombreuses boutiques de marque essaient aussi aujourd'hui de rendre à cette rue la vocation, que ses promoteurs auraient voulue pour elle à la fin du XIXème siècle.


Patrice Leterrier

11 janvier 2014

 

(1) Evocation du vieux Marseille André Bouyala d’Arnaud

(2)         Les anciennes rues de Marseille 1862

(3)         La rue Impériale de Marseille étude historique et archéologique par M. Gassend 21 février 1867

 

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commentaires

A
Bonjour je suis intéressée par vôtre article sur Marseille, je ne sais si il y en a d'autres, avez vous vécu à Marseille, comment entrer dans votre overblog sans en créer un, et suivre celui ci ?
Répondre
P
J'ai fait effectivement plusieurs billets sur Marseille . Pour accéder aux articles sur Marseille, il vous suffit te taper : http://patrice.leterrier.over-blog.com/search/Marseille/