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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 15:29

 

Monument-des-Mobiles-copie-1.JPG


 

C

 

ombien de manifestations et de rassemblements en tout genre ont commencé à Marseille par ce mot d’ordre emblématique "Tous au Mobile?

Il ne s’agissait pas d’une invitation à saisir d’urgence son téléphone portable mais bien de se retrouver devant ce monument qui se trouve à la jonction des allées de Meilhan (en haut de la Canebière) et du cours des capucines (aujourd’hui allée Léon Gambetta).

Le 6 janvier 1888, les rescapés du 4ème bataillon de la garde mobile des bouches du Rhône décident d’élever un monument à la gloire de leurs compagnons tombés au combat lors de la défense du village d’Azay, à proximité de la route Orléans-Le Mans, qui se termina en faveur de l’ennemi le 10 Janvier 1871, quelques jours avant l’armistice signé le 29 janvier.

Les pertes humaines furent considérables puisqu’il ne restait plus que 240 hommes à la fin des hostilités sur les 1 200 combattants partis de Marseille.

Le projet fût confié à l’architecte Gaudensi Allar, un des proches collaborateurs de Jacques Henri Espérandieu, et du sculpteur Jean Turcan, "seul grand prix [de Rome, né dans le département,] qui ait pris part à la campagne"(1).

La souscription eût un tel succès qu’elle récoltât plus de 79 000 francs alors que le coût du projet était évalué à 65 000 francs par ses concepteurs.

Il faut dire qu’à l’époque la blessure de l’humiliation de cette défaite sans gloire était encore vivace comme elle le sera encore en 1914 chez nos compatriotes criant allègrement "Tous à Berlin".

Les Provençaux jouèrent un rôle essentiel dans la création de la "Ligue du Midi pour la défense de la République" en septembre 1870 alors que l’empire venait de s’écrouler emporté par le désastre de la défaite de Sedan.

La Ligue voulait imposer des décisions révolutionnaires comme la confiscation des biens du Clergé, la séparation de l'église et de l'état, l’application d’un impôt sur la fortune, la liberté de la presse, etc.

Ce monument à la gloire de l’héroïsme des engagés volontaires provençaux est couronné en son sommet par une statue en bronze représentant la France armée signée du sculpteur Jean Turcan.

Il semblerait cependant que, ressentant déjà les premiers symptômes d’une ataxie qui allait l’emporter le 3 janvier 1895, il ait confié au sculpteur Constant Ambroise Roux la réalisation de cette œuvre en lui remettant une ébauche de sa vision sur le travail à accomplir.(2)

L’œuvre fut inaugurée devant une foule enthousiaste criant au chef-d’œuvre le 26 mars 1894.

Sa position face à l’église des réformés et à la statue de Jeanne d’Arc que l’on peut admirer sur son parvis a fait dire que le glaive de la république tendu fièrement par la statue défiait l’édifice religieux.

L’anticléricalisme était très vivace à l’époque, en particulier à Marseille, bien avant que le petit père Combes interdît en 1904 à toutes les congrégations religieuses d'enseigner et que le 9 décembre 1905, après 9 mois de débats houleux, la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat soit votée par le Sénat à 179 voix contre 103.

L’inauguration du monument fut suivie d’un banquet gigantesque de 1 000 personnes donné à la Joliette dans les salons des Messageries Maritimes au son des orchestres des équipages.

Jugez plutôt l’appétit qu’il fallait avoir pour ingurgiter langue écarlate à la gelée, allumettes d’anchois, poisson sauce rémoulade, poulet sauté marengo, Aspic de gibier en belle vue, Filet en broche, salade de saison, bombe monumentale, dessert Pyramidal, café, arrosé de clos Sainte Isabelle, de Bordeaux Paul Dubois et de Champagne Montebello sans oublier les digestifs cognac et fine champagne.

Il n’a fallut pas moins de 60 langues, 30 kg d’anchois, 50 kg de beurre, 50 kg de fleur de farine pour les anchois, 230 kg de poisson, 50 litres d’huile et quelques 100ème de jaunes d’œufs pour les sauces, 280 volailles pour le Marengo, 200 kg de gibier, plus de 100 litres de gelée, plusieurs kg de truffes, 240 kg de filet de bœuf, 1 charretée de salade et la récolte d’une bonne propriété pour le dessert.

Que dire des 7000 assiettes, 5000 verres, 3500 couteaux, 3500 fourchettes sans compter le matériel des entremets et desserts nécessaires pour le service ?

La table d’honneur mesurait 51 m de long et accueillait 45 convives tandis que les tables transversales comptaient 40 couverts chacune.

L’histoire ne dit pas dans quel état étaient les heureux convives conviés à cette festivité mais on peut supposer que certains d’entre eux furent pris d’une douce somnolence à la fin de ces agapes gargantuesques.


Patrice Leterrier

5 janvier 2014

 

(1) Archives Municipales de Marseille (A.M.M.) 2D845, pièces annexes du Conseil de délibération du 8 décembre 1891 : lettre du comité des anciens combattants au maire de Marseille du 10 février 1892.

(2)Merci à Jean Marie Delli Paoli à qui je dois les détails sur la réalisation de cette œuvre et le menu du banquet

 

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