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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 19:46

 

Chantier-rue-Imperiale.jpg


 

S

 

i, accablé par la chaleur du soleil de Provence, vous recherchiez sur le vieux Port un lieu pour déguster entre amis un pastis bien mérité, peut-être vous attablerez vous à la terrasse de la Samaritaine.

Cet établissement fait le coin du quai du Port et de la rue de la République face à l’église des Augustins toute fière dans sa nouvelle robe blanche.

Vous pourrez y déguster ce breuvage typiquement marseillais qui était interdit sous l’occupation.

Il ne fut autorisé à la vente dans les débits de boisson qu’en 1951 grâce à la ténacité de Pierre Zutta, propriétaire de la Samaritaine et Président des cafetiers marseillais et à celle, très intéressée, de Paul Ricard.

Mais vous ne pourriez pas non plus vous asseoir à la terrasse de ce café si, lors de sa visite à Marseille, l’empereur Napoléon III accompagné de l’impératrice Eugénie, n’avait signé le 10 Septembre 1860 le décret autorisant le percement de la rue Impériale. Les choses allèrent vite et le 15 avril 1861, l’empereur signât le décret d’utilité publique.

Le projet présenté était moins ambitieux que celui de Jules Mirès qui proposa en mai 1858 "de raser, purement et simplement, les trois collines sur lesquelles Marseille était établie depuis l’antiquité (buttes de Saint Laurent, des Moulins et des Carmes) et qui formaient un écran entre les deux ports"(1).

Il n’aurait pas pu voir le jour si, le 12 août 1862, Emile Pereire n’avait accepté de le financer pour un montant forfaitaire de 6 millions de francs

Le défi qu’il représentait n’en était pas moins impressionnant. Il réclamât la démolition de 935 maisons, le déblai et l’enlèvement de plus d’un million et demi de mètres cubes de roche, de terre et de débris qui servirent dans la construction des quais de nouveau bassin à l’anse d’Arenc et de l’Attaque.(2)

La nouvelle rue a une longueur de très exactement 1 054,19 mètres(3). On dut ouvrir une brèche de 250 mètres de long et de 15 mètres de profondeur dans la butte des Carmes. On peut s’apercevoir de l’importance du percement au niveau de la place Sadi Carnot (ex Place Centrale) par la hauteur des murs de soutènement qui contiennent la vieille ville(1).

Il nécessita la construction de 12 kilomètres de voies ferrées, la mobilisation de quatre locomotives et de 250 wagons(2).

Pas moins de 38 rues disparurent complètement et 23 partiellement.(3)

Le 29 Septembre 1862 le "sémaphore" écrivait "une grande partie de la classe ouvrière qui habitait les logements destinés à tomber sous le pic des démolisseurs a généralement pris son essor du côté d’Endoume et du quartier de la Belle de Mai"(2). L’image était charmante mais "l’essor" ressemblait plutôt à un exode forcé de 16 000 habitants.

Quatre ans à peine après la signature du décret initial par l’empereur, le projet fut terminé et l’inauguration eut lieu le 15 Août 1864 soit juste 2 ans après la signature de l’accord de la ville avec Emile Pereire. 

La démolition terminée la Compagnie Immobilière des frères Pereire fit construire en tout juste 20 mois 99 maisons "de quatre étages surmontée d’un attique" caractéristiques du style haussmannien et couvrant 24 000 mètres carrés de terrains.

Mais ce prestigieux projet n’emporta pas l’adhésion de la bourgeoisie Marseillaise qui la boudât.

La rue Impériale "malgré de prestigieuses façades, ne pouvait rivaliser avec les quartiers sud et est, car les immeubles n'ont ici ni jardins, ni cours intérieures ou écuries pour les chevaux".

Les ventes n’étant pas à la hauteur des attentes des investisseurs, La Compagnie Immobilière fût mise en liquidation en 1872.

La rue sera alors essentiellement habitée par une population plus bigarrée de navigateurs et de travailleurs qualifiés du port et par les sièges des compagnies maritimes avant qu’elles ne périclitent les unes après les autres.

Beaucoup de ces appartements restèrent inoccupés voire squattés ce qui donnait à cette rue un aspect sale et peu engageant malgré les superbes alignements horizontaux voulus dans l’accord signé entre Emile Pereire et le maire de Marseille François Rouvière qui imposait que "les cordons des étages, les corniches et les toitures suivent des lignes horizontales, île par île" en dépit de la pente qui était rattrapée en jouant sur la hauteur des niveaux inférieurs.

Depuis début 2005, cette rue fait l’objet d’un ambitieux programme de réhabilitation financé par des fonds de pension américains (Veuves des Pompiers de Dallas et Caisse de Dépôt du Québec), la Société Générale (à 25 %) et la Caisse d'Epargne (à 25 %).

La réalisation de ce projet a fait fuir les populations les plus défavorisées au profit de populations plus aisées. De nombreuses boutiques de marque essaient aussi aujourd'hui de rendre à cette rue la vocation, que ses promoteurs auraient voulue pour elle à la fin du XIXème siècle.


Patrice Leterrier

11 janvier 2014

 

(1) Evocation du vieux Marseille André Bouyala d’Arnaud

(2)         Les anciennes rues de Marseille 1862

(3)         La rue Impériale de Marseille étude historique et archéologique par M. Gassend 21 février 1867

 

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7 janvier 2014 2 07 /01 /janvier /2014 22:21

Portrait-de-Marion.jpg

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i d’aventure quittant au niveau d’Endoume la promenade de la corniche à Marseille, vous choisissez de vagabonder, vous pourrez découvrir le charme désuet de la station marine d’Endoume construite entre 1883 et 1886.

Ce bâtiment aujourd’hui un peu défiguré par ses extensions faites au début des années 60, est situé à l’emplacement d’une ancienne batterie côtière au nom évocateur de batterie des Lions non loin de la Calanque de Malmousque où furent aménagés les bains militaires en 1846.

La calanque doit son appellation au fait que les ouvriers italiens venaient y nettoyer leurs tapis dont la saleté repoussante attirait les "malmosques" (les mauvaises mouches).

Il se trouve dans un des plus vieux quartiers de Marseille dont le port s’appelait dès le XIIIème siècle le portus de domezes. Il devint Doume au XVIIIème siècle. On allait en Doume comme on va en Avignon, d’où son nom aujourd’hui.

Des fenêtres de la station, on peut admirer la presque totalité du golfe de Marseille, sur l’horizon l'ile du Planier avec la silhouette de son phare comme un I majuscule et près de la côte un petit ilot sur lequel, en 1423, Alphonse d’Aragon aurait fait pendre 12 otages et qui porte depuis le nom d’ilot des pendus.

L’âge de la Station Marine d'Endoume, illustre siège de l'Océanographie marseillaise, se confond presque avec celui de la discipline qu'elle illustre.

Ce monument est aussi indissociable du nom d’Antoine-Fortuné Marion qui en fût l’instigateur et le premier directeur.

Dès le mois de mai 1891, un aquarium y fut ouvert au public et en septembre de la même année il accueillait le XXème congrès de l’Association Française pour l’avancement des Sciences.

Il n’est pas nécessaire de partager la passion d’Antoine-Fortuné Marion pour les nématoïdes errants à cuticule lisse pour s’intéresser à la courte vie de ce savant original et attachant.

Son nom est intimement lié au développement des sciences naturelles en général et à la zoologie marine en particulier qui vont connaître une période particulièrement faste à Marseille durant les 30 dernières années du XIXème siècle, moment d’exception de l'explosion scientifique.

A moins de 13 ans, il découvrit dans des carrières de gypse une feuille de magnolia qui lui valut la fidèle amitié du paléobotaniste aixois Gaston de Saporta. Sur la recommandation de ce dernier auprès d’Henri Coquand et d’Alphonse Derbès, professeurs de géologie et de Sciences naturelles, il devient à l’âge de 16 ans préparateur à la faculté de Sciences de Marseille qui loge à l’époque en haut des allées de Meilhan.

Il consacrait ses courts temps de loisir à de longues balades avec son ami Paul Cézanne (il fit son portrait). Marion avait reconnu très tôt le génie de l’artiste qu’il admirait.  Il s’essayait même avec un certain succès à la peinture dans l’ombre du maître. Il peint en particulier une vue de l’église Saint-Jean de Malte (1866), toute proche de sa maison natale, qui a longtemps été attribuée à Cézanne.

A 21 ans à peine, il découvre un important gisement de silex taillés dans le vallon de Gardes et il publie ses premiers travaux sur l’homme préhistorique et la faune quaternaire en Provence.

Il devient à 28 ans le très jeune directeur du laboratoire de biologie marine et à l’âge légal de 30 ans il occupe la chaire de zoologie.

Il ne se contente pas de ses travaux de recherche et publications. Il organise à 26 ans avec le maître pêcher Joseph Armand des campagnes de pêches et de dragage. Plus tard avec le remorqueur "Le progrès" il atteint une profondeur record de -350 mètres. Il participe aussi aux premières expéditions du "Travailleur" dans le golfe de Gascogne et en méditerranée.

Ce libre penseur, railleur et non conformiste, qui traitait de "tas de culs" les bourgeois aixois qui commençaient, en 1866, à prendre au sérieux "l'ami Cézanne", reste "une des plus pures gloires de l’université de Provence".

En dehors de la zoologie marine, ce savant éclectique nous laisse une foule de publications en botanique, en agronomie (il fut le premier à préconiser l’emploi du sulfure de carbone pour combattre le phylloxera), en géologie, en paléontologie qui l’avait fait remarqué par de Saporta, et même très tôt en préhistoire.

"Cette envergure peu commune lui permit d'aboutir àdes synthèses malheureusement trop rares, en particulier sur l'évolution du règne végétal (avec de Saporta, 1885), sur "les progrès récents en sciences naturelles" (1883) et sur la "Physionomie zoologique des Bouches-du-Rhône" (1891)".

Il ne survécut que 9 mois à la mort brutale à 25 ans de sa fille Marie-Virginie des suites d’une hépatite chronique.

Il s’éteignit, juste après le passage au 20ème siècle, à son domicile 22, Boulevard Longchamp tout près du Muséum d’Histoire naturelle dont il assura la direction pendant 20 ans. Il n’avait que 54 ans.

On peut admirer son buste sculpté par Constant Ambroise Roux sous les feuillages paresseux d’un magnolia devant l’aile droite du palais Longchamp.


Patrice Leterrier

7 janvier 2014

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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 15:29

 

Monument-des-Mobiles-copie-1.JPG


 

C

 

ombien de manifestations et de rassemblements en tout genre ont commencé à Marseille par ce mot d’ordre emblématique "Tous au Mobile?

Il ne s’agissait pas d’une invitation à saisir d’urgence son téléphone portable mais bien de se retrouver devant ce monument qui se trouve à la jonction des allées de Meilhan (en haut de la Canebière) et du cours des capucines (aujourd’hui allée Léon Gambetta).

Le 6 janvier 1888, les rescapés du 4ème bataillon de la garde mobile des bouches du Rhône décident d’élever un monument à la gloire de leurs compagnons tombés au combat lors de la défense du village d’Azay, à proximité de la route Orléans-Le Mans, qui se termina en faveur de l’ennemi le 10 Janvier 1871, quelques jours avant l’armistice signé le 29 janvier.

Les pertes humaines furent considérables puisqu’il ne restait plus que 240 hommes à la fin des hostilités sur les 1 200 combattants partis de Marseille.

Le projet fût confié à l’architecte Gaudensi Allar, un des proches collaborateurs de Jacques Henri Espérandieu, et du sculpteur Jean Turcan, "seul grand prix [de Rome, né dans le département,] qui ait pris part à la campagne"(1).

La souscription eût un tel succès qu’elle récoltât plus de 79 000 francs alors que le coût du projet était évalué à 65 000 francs par ses concepteurs.

Il faut dire qu’à l’époque la blessure de l’humiliation de cette défaite sans gloire était encore vivace comme elle le sera encore en 1914 chez nos compatriotes criant allègrement "Tous à Berlin".

Les Provençaux jouèrent un rôle essentiel dans la création de la "Ligue du Midi pour la défense de la République" en septembre 1870 alors que l’empire venait de s’écrouler emporté par le désastre de la défaite de Sedan.

La Ligue voulait imposer des décisions révolutionnaires comme la confiscation des biens du Clergé, la séparation de l'église et de l'état, l’application d’un impôt sur la fortune, la liberté de la presse, etc.

Ce monument à la gloire de l’héroïsme des engagés volontaires provençaux est couronné en son sommet par une statue en bronze représentant la France armée signée du sculpteur Jean Turcan.

Il semblerait cependant que, ressentant déjà les premiers symptômes d’une ataxie qui allait l’emporter le 3 janvier 1895, il ait confié au sculpteur Constant Ambroise Roux la réalisation de cette œuvre en lui remettant une ébauche de sa vision sur le travail à accomplir.(2)

L’œuvre fut inaugurée devant une foule enthousiaste criant au chef-d’œuvre le 26 mars 1894.

Sa position face à l’église des réformés et à la statue de Jeanne d’Arc que l’on peut admirer sur son parvis a fait dire que le glaive de la république tendu fièrement par la statue défiait l’édifice religieux.

L’anticléricalisme était très vivace à l’époque, en particulier à Marseille, bien avant que le petit père Combes interdît en 1904 à toutes les congrégations religieuses d'enseigner et que le 9 décembre 1905, après 9 mois de débats houleux, la loi sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat soit votée par le Sénat à 179 voix contre 103.

L’inauguration du monument fut suivie d’un banquet gigantesque de 1 000 personnes donné à la Joliette dans les salons des Messageries Maritimes au son des orchestres des équipages.

Jugez plutôt l’appétit qu’il fallait avoir pour ingurgiter langue écarlate à la gelée, allumettes d’anchois, poisson sauce rémoulade, poulet sauté marengo, Aspic de gibier en belle vue, Filet en broche, salade de saison, bombe monumentale, dessert Pyramidal, café, arrosé de clos Sainte Isabelle, de Bordeaux Paul Dubois et de Champagne Montebello sans oublier les digestifs cognac et fine champagne.

Il n’a fallut pas moins de 60 langues, 30 kg d’anchois, 50 kg de beurre, 50 kg de fleur de farine pour les anchois, 230 kg de poisson, 50 litres d’huile et quelques 100ème de jaunes d’œufs pour les sauces, 280 volailles pour le Marengo, 200 kg de gibier, plus de 100 litres de gelée, plusieurs kg de truffes, 240 kg de filet de bœuf, 1 charretée de salade et la récolte d’une bonne propriété pour le dessert.

Que dire des 7000 assiettes, 5000 verres, 3500 couteaux, 3500 fourchettes sans compter le matériel des entremets et desserts nécessaires pour le service ?

La table d’honneur mesurait 51 m de long et accueillait 45 convives tandis que les tables transversales comptaient 40 couverts chacune.

L’histoire ne dit pas dans quel état étaient les heureux convives conviés à cette festivité mais on peut supposer que certains d’entre eux furent pris d’une douce somnolence à la fin de ces agapes gargantuesques.


Patrice Leterrier

5 janvier 2014

 

(1) Archives Municipales de Marseille (A.M.M.) 2D845, pièces annexes du Conseil de délibération du 8 décembre 1891 : lettre du comité des anciens combattants au maire de Marseille du 10 février 1892.

(2)Merci à Jean Marie Delli Paoli à qui je dois les détails sur la réalisation de cette œuvre et le menu du banquet

 

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28 décembre 2013 6 28 /12 /décembre /2013 10:30

 

foire-aux-santons.jpg


 

O

 

h Zé ! Reste pas là planté comme un santibelli, tu as l’air tout estransiné comme si tu venais de faire une grosse cagade.

Mais que viens faire dans cette apostrophe un santibelli, que les forains italiens vendaient aux alentours du vieux Port pour faire concurrence aux santons de Provence que l’on pouvait à l’époque admirer dans les échoppes des santonniers le long des allées de Meillhan en haut de la canebière ?

Parce qu’à Marseille rester comme un santon (du provençal santoùn "petit saint") ou un santibelli c’est rester immobile comme le sont ces figurines que l’on vit introduire par les moines franciscains dès le XIIIème siècle en Provence.

Il faut dire que l’on prête à Saint François d’Assise d’avoir pour la première fois mis en scène une crèche vivante avec des personnages et des animaux lors d’une messe de minuit à Gréccio en 1223 dans la forêt des Abruzzes en Italie.

La tradition se répandit dans toute l’Italie et surtout dans la région napolitaine.

Les révolutionnaires qui, à l’époque de la terreur orchestrée par Barras et Freron, voulurent priver Marseille de son nom pour la punir, interdirent également la messe de minuit et les crèches dans les églises.

Les marseillais, qui ont toujours détesté qu’on leur interdise quoique ce soit, restèrent fidèles à leurs traditions en créant des crèches publiques que leurs auteurs faisaient visiter  et petit à petit l’usage s’installa de réaliser sa propre crèche dans chaque foyer donnant ainsi naissance au métier de santonnier.

Le peintre et sculpteur Louis Lagnel, eut le premier l’idée de concevoir en 1798 les premiers moules en plâtre pour fabriquer ses santons.

Il s’inspira pour ces figurines des nombreux petits métiers de la rue qu’on exerçait à Marseille à l’époque.

Grâce à ses "santons d'un sou", il permit enfin à chacun de posséder sa propre crèche.

Marseille, devenue capitale santonnière se mit à organiser des foires annuelles qui se tenaient traditionnellement à l’époque de Noël.

La première eut lieu en 1803 sur le cours Saint Louis, devenu de nos jours cours Belzunce.

Elles se sont ensuite ouvertes pendant des décennies au son du fifre et du tambourin le long des allée de Meilhan.

Cette partie haute de la Canebière fût aménagée en 1775 par la volonté de l’intendant de Provence, Sénac de Meilhan.

Elle s’appelait à l’origine cours des Lyonnaises à cause du couvent du tiers ordre de Saint-François dépendant de la maison de Sainte-Elisabeth à Lyon et établi en 1687 à l’emplacement du théâtre du gymnase.

Par la séance du 8 Avril 1775, le conseil municipal décida de lui donner le nom de Meilhan qui "tout en faisant les délices des marseillais, perpétuent le souvenir du respectable magistrat à qui ils les doivent"(1).

Après une courte escale en 2005 sur le cours d’Estienne d’Orves, construit sur l’emplacement de l’ancien canal de Rive-Neuve, la foire revint aux allées de Meilhan pour s’installer de nos jours en bas de la Canebière sur la Place Charles de Gaulle qui connut de nombreuses appellations de place de la paille au temps de l’arsenal des galères, parce qu’elle servait à parquer les mulets, jusqu’à Place de La Bourse avant qu’elle prenne le nom du général à sa mort, lors d’une délibération du conseil municipal du 16 novembre 1970.

Mais si vous voulez vraiment connaître la vraie histoire de la pastorale provençale, il vous suffit de prêter l’oreille à l’ange Boufarel (ou boufaréou) pour percer les mystères plus que bicentenaires de la crèche provençale.


Patrice Leterrier

27 décembre 2013

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(1) : Evocation du vieux Marseille André Bouyala d’Arnaud Les Editions de Minuit

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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 18:29

Les_Catalans_-_vers_1800.PNG


S

i vous décidez un jour d’entamer l’été par un tour de Corniche à Marseille en partant du quai de Rive Neuve, vous traverserez d’abord le boulevard Charles Livon, anciennement boulevard de l’empereur, qui coupa le fort Saint Nicolas en deux en 1862.

Il désenclavait ainsi l’accès à la mer et au palais du Pharo alors en construction par la volonté de Napoléon III qui voulait se doter d’une résidence de villégiature à Marseille qui soit le pendant de la Villa Eugénie à Biarritz.

Poursuivant votre route, vous aboutirez alors au Cercle des nageurs de Marseille qui a donné tant de champions à la France dont Alain Mosconi et plus récemment Alain Bernard.

En ayant tourné vers la gauche, pour commencer votre tour de Corniche, vous pourrez, si le temps est clément, observer des badauds accrochés à des balustrades un peu rouillées.

Difficile de savoir s’ils suivent avec passion les parties de volley-ball ou s’ils admirent les belles marseillaises qui se font bronzer sur le sable chaud de la plage des Catalans.

Ouverts en 1859, l’établissement, conçu par l’ingénieur Borde, devait être la première réalisation d’un complexe touristique somptueux avec le projet jamais réalisé d’un magnifique Casino dont on avait chargé l’architecte Espérandieu, tout auréolé par sa bonne mère, de concevoir les plans. Un bail est accordé en 1869 à monsieur Ardisson qui y installe 380 cabines et emploie 30 personnes.

Cette anse de sable, si rare sur cette cote largement dominée par les roches, objet de la contemplation de nos badauds, s’appelait à l’origine la crique de Saint Lambert et abritât un Lazaret, aussi appelé les Infirmeries Vieilles, construit en 1631 mais qui, jugé trop près du fort Saint Nicolas, fût transféré à Arenc en 1663.

Mais pourquoi porte-t-elle aujourd’hui ce nom étrangement ibérique ?

Il faut remonter à la grande Peste qui avait ravagé la cité phocéenne en 1720 et 1721.

Elle avait lourdement touché le quartier des pêcheurs marseillais qui, "logés à l’étroit dans des maisons peu aérées, n’avaient pu se garantir contre la contagion. Quelques Catalans, qui n’étaient pas l’élite de leur nation, se persuadèrent qu’il n’y avait plus de pêcheurs à Marseille et vinrent s’y établir..." 

Ne pouvant affronter de front l’hostilité des pêcheurs marseillais, ils prirent l’habitude de venir abriter leurs barques et faire sécher leurs filets dans la petite crique de Saint-Lambert. Les Infirmeries Vieilles leur servaient de logement, d’entrepôt, de fabrique d’hameçons. Ils installèrent aussi des huttes, des baraques et un hangar en bois sur la plage des Catalans qui est alors exclusivement réservée pour leurs filets et pour leurs barques.

Confortés en 1761 par le "Pacte de Famille", conclu entre les Bourbons de France, d’Espagne et de Naples, qui les autorisait à venir pêcher librement sur les côtes françaises et à vendre leur poisson sur les marchés marseillais, ils s’y installèrent durablement au grand dam de leurs concurrents locaux qui les poursuivent inlassablement en les accusant d’utiliser des bateaux, des techniques et des outillages de pêche qui ne répondaient pas aux règlements.

L’ouverture des bains de mer sonna le glas des dernières installations catalanes.

L’impératrice Eugénie de Montijo, probablement à cause de son origine, plaida en faveur des pêcheurs catalans pour qu’ils obtiennent un lieu de repli au vallon des Auffes.

Les Catalans y maintinrent encore quelque temps la tradition de la pêche à la palangre avant de se fondre définitivement dans la population bigarrée de la cité phocéenne.

Enfant nous prenions le tram 83 qui nous amenait jusqu’à l’entrée de cet établissement connu de tous les marseillais.

Il y avait encore les deux entrées correspondant au Grand Bain et au Petit Bain.

Nous n’étions certes plus au temps où le sable de la plage était divisé en zones distinctes pour les riches et les pauvres, les femmes et les hommes.

Les plus téméraires des habitués du lieu paradaient sur la jetée située dans l’alignement de la tour, vestige de l’ancien Lazaret, pour faire admirer leurs muscles puissants, qu’ils entrainaient sur les agrès de la plage en veillant à ce que les belles baigneuses les admirent du coin de l’œil.

Quand ils étaient enfin sûrs d’avoir suffisamment capté l’attention de la gente féminine ils s’avançaient en secouant énergiquement leurs mains pour mieux se concentrer avant d’effectuer leurs plongeons impeccables.

J’avais quant à moi à l’époque une hâte craintive de me jeter à l’eau pour y cacher ma blancheur congénitale et ma maigreur juvénile loin des regards moqueurs de jeunes athlètes en herbe.

J’aurais plutôt de nos jours l’inquiétude de faire souffrir à mon entourage immédiat la vue déplaisante de mon léger embonpoint.



Patrice Leterrier

24 décembre 2013

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24 décembre 2013 2 24 /12 /décembre /2013 18:26

jeune-anacharsis-2.jpg


E

n 1784, la revente des terrains de l'arsenal des galères ayant rapporté 200 000 livres, les échevins marseillais songèrent à ériger un arc de triomphe à la gloire de Louis XVI.

Le lieu pressenti fut d’abord dans la rue Paradis un emplacement entre la rue du Jeune Anacharsis et la rue de la Darse rebaptisée rue Francis Davso à la libération en l’honneur d’un résistant marseillais, qui travaillait au magasin "Aux Dames de France", fusillé le 16 juin 1944.

Le choix du lieu n’ayant pas fait l’unanimité, le conseil lui préféra l’ancienne porte royale située à l’emplacement d’un aqueduc amenant les eaux de l’Huveaune et du Jarret dans le grand réservoir des Présentines.

Le lieu est aujourd’hui connu sous le nom de la porte d’Aix même si son nom officiel est Place Jules Guesde en l’honneur de Jules Bazile dit Guesde, fondateur du Parti Ouvrier Français. Il incarna la ligne dure du militantisme ouvrier, opposée à tout compromis avec les "forces bourgeoises".  

L’idée dormit presqu’un demi-siècle et ne fut reprise qu’en 1823 pour honorer la gloire du duc d’Angoulême dont on disait en plaisantant qu’il était devenu tellement téméraire après la prise du fort Trocadéro, "qu’il osait allait se couchait sans chandelle".

Ainsi la rue du Jeune Anacharsis ne connut pas le noble destin de déboucher sur l’œuvre de l’architecte Michel-Robert Penchaud et des sculpteurs Pierre-Jean David d’Angers et Claude Ramey.

A vrai dire elle n’existait même pas à l’époque puisqu’elle se trouve sur l’ancien emplacement du couvent des carmes déchaussés (ou déchaux) qui selon Augustin Fabre "avait un beau jardin et son église était ornée de pilastres corinthiens".

Les frères des carmes déchaux sont ainsi nommés parce qu’en signe de pauvreté, ils vont nu-pieds dans des sandales.

Ils fournissaient aux marseillais une liqueur appelée eau des Carmes ou eau de mélisse.

Installés depuis 1631 en ces lieux, leur couvent fût détruit à la révolution.

Mon enfance fût marquée par la fascination que le nom du jeune Anacharsis exerçait sur moi.

J’imaginais l’histoire fantastique d’un jeune homme téméraire qui avait marqué de son empreinte la légende de Marseille au même titre qu’un Pythéas ou qu’un Euthymènes voguant sans crainte vers des terres inconnues.

J’ignorais bien entendu qu’elle avait reçu ce nom en 1806 comme un hommage à l’abbé Jean-Jacques Barthélémy, l’illustre auteur de l’imaginaire Voyage du jeune Anacharsis en Grèce dans le milieu du IVe siècle

Jean-Jacques Barthélémy, qui mit près de 30 ans à écrire cette histoire, présente son héros en avant propos de son livre: "Je suppose qu'un Scythe, nommé Anacharsis vient en Grèce quelques années avant la naissance d'Alexandre et que d'Athènes, son séjour ordinaire, Il fait plusieurs voyages dans les provinces voisines"

Il y croise les plus grands hommes de cet époque comme Epaminondas, Phocion, Xénophon, Platon, Aristote, Démosthène et observe pendant 22 ans avec minutie les mœurs et usages des peuples jusqu’à la victoire de Philippe de Macédoine sur les petites républiques grecques.

L’auteur avait d’abord songé faire de l’histoire du siècle du pape Léon X, Jean de Médicis.

"Ce sujet me présentait des tableaux si riches, si variés et si instructifs, que j’eus d’abord l’ambition de le traiter ; mais je m’aperçus ensuite qu’il exigerait de ma part un nouveau genre d’étude ; et, me rappelant qu’un voyage en Grèce au temps de Philippe, père d’Alexandre, sans me détourner de mes travaux ordinaires, me fournirait le moyen de renfermer dans un espace circonscrit ce que l’histoire grecque nous offre de plus intéressant, et une infinité de détails concernant les sciences, les arts, la religion, les usages, etc., dont l’histoire ne se charge point, je saisis cette idée ; et, après l’avoir longtemps méditée je commençais à l’exécuter en 1787, à mon retour d’Italie".

Il nous a livré une œuvre magistrale qui mérite bien que la plus vieille et la plus helléniste des cités françaises lui consacre une rue même si elle ne fait que cent mètres de long.

Patrice Leterrier

23 décembre 2013

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18 décembre 2013 3 18 /12 /décembre /2013 14:41

maregraphe-1.JPG


D

epuis que la corniche a été complètement percée en 1863, reliant le quartier d’Endoume à la plage du Prado, la vie Marseillaise s’est organisée dans une communication subtile entre une zone de villégiature et de loisir longeant la Corniche et une zone laborieuse représentée par le port et ses extensions vers l’estaque, vestiges de la gloire aujourd’hui passée de ce grand Port.     

En quittant le quartier d’Endoume par le pont de la fausse monnaie, vous débouchez aujourd’hui sur la partie de la corniche élargie à la fin des années 50 sous l’impulsion de Gaston Deferre, alors indéboulonnable maire de Marseille.

La vue est magnifique sur l’immense rade et rien ne vient troubler sa contemplation, pas même ce petit édifice bizarrement flanqué à droite en face de l’entrée du Parc Valmer qui porte le nom étrange d’"Observatoire marégraphique muni d’un marégraphe totalisateur", plus connu des marseillais sous le nom de marégraphe.

Pour peu qu’on prête un peu d’attention à cette dénomination, on en vient à se demander quelle mouche avait piqué les membres du Comité du nivellement Général de la France de venir mesurer l’amplitude des marées dans ce recoin de la méditerranée à l’anse Calvo, alors même que chacun sait que Mare nostrum reste somme toute assez indifférente à la tentative de séduction que fait la lune pour l’attirer.

Les instances européennes avaient décidé en 1864 que, dans un souci de fiabilité, le calcul des altitudes se ferait désormais  à partir d'un point zéro clairement établi dans chaque pays.

La faiblesse des amplitudes de marée (8 à 10 cm) et la rareté des tempêtes dans cette zone permettait de faire sur une longue durée une moyenne ou plutôt une courbe de tendance qui donnait une altitude zéro d’une grande fiabilité et justifiait ce choix bien étrange pour une administration centralisée.

Les travaux pour la construction du marégraphe furent supervisés par l’ingénieur Charles Lallemand, secrétaire du Comité du Nivellement.

Les mesures durèrent du 1er février 1885 jusqu’à fin 1896. Elles débouchèrent sur la mise en place d’un repère à base d’iridium et de platine qui est toujours LE repère fondamental du nivellement général de la France implanté à 1,66 mètre par rapport au niveau zéro.

Il succédait au zéro de nivellement, fixé arbitrairement par une décision ministérielle du 13 janvier 1860 et  matérialisé par le trait de 0,40 m de l'échelle de marée du fort Saint-Jean à Marseille.

A partir du repère fondamental du marégraphe de Marseille, 500 000 repères ont été implanté en France connu sous le nom de réseau Lallemand.

Le réseau IGN de France continue d’utiliser le repère marseillais même si le repère fondamental a été augmente d’un dixième de millimètre à 1,661 mètre (passage d’une altitude dite orthométrique à une altitude dite normale).

Depuis le début des mesures, soit plus d’un siècle, le niveau de la mer monte d’un millimètre par an ce qui fait un peu plus de onze centimètres de nos jours.

Bien que les mesures soient aujourd’hui prises par un marégraphe  numérique, le marégraphe d’origine, fruit d’un long échange de vues entre l’ingénieur civil hambourgeois F.H.  Reitz et Charles Lallemand, fonctionne toujours.

Il enregistrait sur deux bandes de papier recouvert d’une très fine couche de vernis à l’encre de Chine les variations du niveau de la mer mesurées par un flotteur.

Ainsi sans être le centre du monde, comme la gare de Perpignan selon Salvador Dali, le marégraphe de la corniche à Marseille reste le repère de toutes les altitudes en France et lorsqu’on dit par exemple que le Mont Blanc se trouve à 4807 mètres d’altitude on devrait préciser plus exactement par rapport au point zéro  du marégraphe de la Corniche à Marseille.


Patrice Leterrier

18 décembre 2013

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4 décembre 2013 3 04 /12 /décembre /2013 11:29

 

Notre-dame-de-la-garde.jpg


 

S

 

i d’aventure, laissant derrière vous le Lycée Saint Charles qui a compté dans ses rangs d’enseignants Edouard Daladier, Georges Pompidou et un célèbre répétiteur d’anglais Marcel Pagnol, vous empruntiez la rue Espérandieu pour déboucher sur la place où trône superbement le Palais Longchamp, vous n’auriez sans doute pas plus la curiosité que je n’avais, jeune écolier, sur l’origine de l’appellation de cette rue.

Il faut dire qu’à l’époque j’étais plus préoccupé à laisser de longues saignées, en usant sans vergogne les semelles de mes souliers, dans le tapis de feuilles de platanes qui ornaient les trottoirs du boulevard Longchamp que de m’enquérir de l’origine du nom de la rue que j’empruntais tout les matins de classe.

Pas plus que je ne m’étonnais qu’on eut donné le nom de Jacques-Henri Espérandieu a une rue qui se terminait sans triomphe sur l’entrée du lycée construit en 1860 par un confrère moins célèbre Henri Condamin auteur entre autres édifices de la Villa Valmer, qui abrita longtemps l’Ecole d’Hydro, et de l’hôtel Grau sur la Canebière orné de magnifiques Atlantes œuvre du sculpteur Marius Guidon dont on peut aussi admirer les trois couples d'enfants portant les cartouches dédiés aux frères Imbert, à Parrocel et à Aubert dans l'escalier d'honneur du musée des beaux-arts du palais Longchamp  

Pourtant, malgré mon ignorance de l’époque, mon statut de jeune minot marseillais faisait que je portais en moi cette fierté bien singulière et parfaitement "massilienne" de pouvoir admirer sans réserve la Bonne Mère surveillant sans relâche avec son chérubin de Jésus la rade de Marseille.

J’avais aussi visité sous la direction toute militaire de ma grand-mère la cathédrale de la Major mais j’ignorais totalement que ces trois monuments était l’œuvre d’un certain Jacques Henry Espérandieu dont je voyais le nom presque quotidiennement sur une ridicule plaque bleue postée au coin de l’immeuble où logeait ma famille à l’époque.

J’ignorais aussi  qu’on lui devait l’École des Beaux-Arts, non loin du lycée Thiers (ancien couvent des Bernardines) et la statue de la Vierge dorée dont je me suis toujours étonné du curieux emplacement choisi pour l’abriter.

Comment un homme qui a si profondément et si durablement changé l’aspect de la capitale phocéenne a-t-il pu être si peu honoré par cette ville qui lui consacra, en dehors de cette bien modeste rue,  un buste, certes l’œuvre d’un grand prix de Rome André Allar mais que l’on a relégué dans la cour d’honneur de l’École des Beaux-arts, dernier ouvrage de Jacques Henry Espérandieu ?

Pourtant la carrière de ce grand architecte fut à la fois brève, flamboyante et romanesque.

Qui aurait pu prévoir en effet que cet "enfant déposé", recueilli et adopté par une riche famille de minotiers nîmois d'origine protestante, façonnerait si profondément la ville où il choisit d’exercer son art et la marque à jamais d’un monument qui en fait encore aujourd’hui sa réputation de par le monde ?

Cet artiste éclectique dont on disait qu’il avait un joli brin de voix, ami de jeunes compositeurs comme Gounod et Saint Saens, avait bien des flèches à son arc.

Il assura, par exemple, la mise en scène d’une grandiose représentation théâtrale, musicale et chorale en faveur des insurgés crétois contre la Turquie organisée en Avril 1867 à Marseille pour laquelle Frédéric Mistral avait composé les Enfants d'Orphée mis en musique par Jules Cohen.

Sa santé fragile ne lui permit pas d’aller au bout de ses rêves pour Marseille, cette ville "aux mille parfums" qu’il adorait sans réserve.

On imagine dès lors l’émotion de cet artiste lorsqu’on hissa en haut du clocher de la basilique de Notre Dame de la Garde, les tronçons confectionnés par les ateliers Christofle à Paris de la statue de la vierge à l’enfant haute de 11 mètres et pesant presque 10 tonnes et dont le sommet culmine à 225 mètres.

La "bonne mère", comme l’appellent familièrement les marseillais, est l’œuvre d’Eugène-Louis Lequesne à qui l’on doit également les quatre statues qui ornent la façade de la préfecture de Marseille.

Jacques Henry Espérandieu  était déjà bien atteint à l’époque par son diabète qui devait l’emporter quatre ans plus tard, à l’âge de 45 ans, après des mois de souffrance, presqu’aveugle et amputé de la jambe gauche.

Son attachement à ce monument, presqu’éponyme de cette ville, marqua la fin de sa courte vie au point de se faire transporter, malgré ses souffrances et sa vue chancelante, l’été qui précéda sa fin tragique, sur l'esplanade de la basilique pour passer de longues soirées à regarder Marseille. Il pouvait peut-être encore apercevoir de son perchoir la cathédrale de la major et en se retournant le splendide demi arc de cercle du palais Longchamp.

Etonnant destin d’un protestant qui laisse à la postérité l’une des œuvres les plus célèbres consacrée à la vierge Marie.


Patrice Leterrier

3 décembre 2013

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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 12:43

 

Gnomon_Saint_Sulpice.jpg

Gnomon de Saint Sulpice

 

S

 

i vous prenez la rue Pythéas à Marseille en venant du quai des Belges ou après avoir admiré votre reflet sur lOmbrièreimaginée par l’architecte britannique Norman Foster, peut-être pourrez vous pousser sur votre gauche jusqu’à la façade du Palais de la bourse pour admirer la statue de ce grand navigateur scientifique et marseillais qui effectua un voyage vers les mers du Nord de l’Europe trois cents ans avant Jésus Christ.

Selon Wikipédia il est connu à la postérité pour "avoir décrit, notamment, les phénomènes polaires, les marées ainsi que le mode de vie des populations de la Grande-Bretagne et des peuples germaniques des rives de la mer du Nord, voire, peut-être, de la mer Baltique".

Winston Churchill disait rien de moins que son périple était comparable à celui de Christophe Colomb.

Ce n’était pas une galéjade marseillaise venant de ce très british et très respectable personnage qui était pourtant en général assez avare d’admiration.

Certains prétendent que c’était une sorte de Tartarin de Tarascon de l’antiquité mais si ses qualités de navigateurs peuvent être mises en doute, il n’en reste pas moins que ce savant était un admirable astronome.

Sa statue serait peut-être mieux placée sur le plateau Longchamp où trône l’observatoire, inauguré en 1872, voulu par Urbain Le Verrier pour y installer à Marseille un télescope de 80 centimètres, construit par Léon Foucault (vous savez l’homme du pendule).

Le site des Accoules qui abritait jusqu’alors l’observatoire de Marseille était bien trop petit et l'observation commençait à être gênée par les lumières de la ville.

Aujourd’hui l’observatoire de Haute Provence dont la construction fut décidée sous le front populaire en 1936, et qui se trouve à Forcalquier, a éclipsé son vénérable ancêtre.

Urbain Leverrier s’est illustré à la postérité pour avoir prédit l’existence de Neptune par ses calculs un mois avant que l'astronome Johann Galle à l'observatoire de Berlin, l’observe le 23 septembre 1846.

L’astronomie marseillaise pouvait déjà s’enorgueillir au début du 17éme siècle de deux savants provençaux, Nicolas-Claude Fabri seigneur de  Peiresc et Pierre Gassendi, dignes successeurs de Pythéas,  a qui l’on doit la découverte de la nébuleuse d'Orion (1610), et ensuite l'observation du passage de Mercure devant le Soleil (1631), puis la mise en place de la cartographie de la Lune avec l’aide du graveur Claude Mellan (1636).

Mais pour revenir à ce grand précurseur que fût Pythéas, on lui doit notamment la mesure l’obliquité de l’écliptique en maitrisant mieux que personne le maniement du gnomon.

Qu’es aquò ? dirait un marseillais qui n’aime pas en général qu’on lui assène des mots savants dont il ignore la signification.

Il est aujourd’hui trivial de voir la terre ronde et d’admirer son mouvement autour du soleil sur ces merveilleuses images que nous sert le film Gravity mais c’est oublier qu’en 1633 Galilée dut abjurer d’"avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut".

Or l’obliquité de l’écliptique ce n’est rien d’autre que l’inclinaison du plan de l’équateur avec le plan de l’orbite terrestre. C’est à elle que l’on doit la variation de la durée du jour et de la nuit selon les saisons.

Notre docte ancêtre marseillais savait donc déjà non seulement que la terre était ronde mais qu’elle tournait dans un plan autour du soleil…

Sa méthode de calcul s’appuyait sur l’ombre portée mesurée par  le gnomon, un simple cadran solaire, dont la longueur dépend de la saison. Il suffit de la mesurer au solstice d’été et à l’équinoxe. La méthode de calcul est délicate et Pythéas utilisa un artifice que l’on appelle aujourd’hui les fractions continues théorisées par Christian Huygens, mathématicien et astronome hollandais.

Mais cela c’est une autre histoire… 


Patrice Leterrier

28 novembre 2013

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 11:22

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T

outes les théories ont vocation à être un jour dépassées mais aucune ne pourra jamais viser une explication ultime et complète de l'univers.

Je suis de ceux, avec par exemple Hubert Reeves, qui pensent qu'on ne peut pas plus "connaître" la réponse au "pourquoi" de l'univers qu’à son ultime "comment" si tant est qu’il existe et plus prosaïquement si tant est qu’il soit accessible à nos capacités cognitives par définition limitées.

On se souvient de l’affirmation de Sir William Thomson plus connu sous le titre de Lord Kelvin qui prétendait en 1900 "Il n'y a plus rien à découvrir en physique aujourd'hui, tout ce qui reste est d'améliorer la précision des mesures".

Par quel réductionnisme anthropomorphique peut-on croire que les lois de la physique seraient finies et donc "connaissables" ?

D’ailleurs le fait que le modèle standard se trouve renforcé par la découverte du boson de Higgs ne rend pas tous les phénomènes physiques "explicables".

Elle laisse au contraire le modèle standard dans l’impasse dans laquelle il se trouvait avant sa découverte.

Sans revenir sur l’énergie sombre et de la matière noire (dont il convient de rappeler qu’il s’agit de spéculations jamais directement observées et très controversées), on peut par exemple citer la supraconductivité à "haute température" (celle de l’azote liquide) des cuprates ou des pnictures qui n’est pas expliquée par la théorie quantique de la supraconductivité (La théorie BCS).

Qu’est-ce que la physique théorique moderne si ce n’est des "lois" explicitées par des équations de plus en plus complexes ?

Quelle que soit l’efficacité explicative de la théorie quantique et de la relativité (qui porte si mal son nom puisqu’elle tend à décrire un absolu) il y a un contraste saisissant entre la spécialisation, la technicité extraordinairement sophistiquée qu’elles réclament et l’énonciation de ces connaissances.

Le retard dans la formulation des concepts que décrivent ces théories et les capacités de compréhension intuitive de tout un chacun ne cesse de s’accroître.

Ce n’est pas vraiment une nouveauté dans l’histoire de la science. Par exemple ni la loi de la chute des corps ni la rotondité de la terre ne s’imposaient à nos ancêtres même si ces notions paraissent aujourd’hui des évidences.

Pour illustrer ce fossé, il y a par exemple un grand malentendu sur le sens du principe d’incertitude d’Heisenberg car ce qu’il dit fondamentalement ce n’est pas que la position et la vitesse d’une particule ne peuvent pas être connues en même temps mais plus fondamentalement que les notions de vitesse et de position ne sont pas "pertinentes" pour décrire les caractéristiques des particules dans un monde quantique.

Les particules élémentaires du modèle standard ne sont pas des petits cailloux ni même des ondes accessibles à notre connaissance mais des concepts qu’il est bien difficile de décrire avec notre langage, du moins celui du non spécialiste.

Le fait que la transmission des théories scientifiques soit de plus en plus difficile rend de plus en plus ardu le partage démocratique des enjeux de la physique.

N’est-il pas licite de se poser la question du sens de ces recherches aux budgets pharaoniques ?

Dès lors ne doit-on pas s’interroger sur la pertinence, du point de vue de l’intérêt général, de continuer par exemple sans limite cette course à la puissance des accélérateurs de particules c'est-à-dire continuer à dépenser des milliards d’euros pour "affiner" notre "connaissance" des mystères de la matière ?

La physique théorique ne court-elle pas le risque de devenir la moins démocratique des activités humaines ?


Patrice Leterrier

31 octobre 2013

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