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l n’est bien sûr pas question de peser les morts et les blessés qu’ils soient palestiniens, israéliens, américains, afghans ou africains. Tous sont évidement en trop mais comment ne pas s’indigner devant le silence assourdissant et surtout l’inaction odieuse de la communauté internationale devant les drames qui secouent l’Afrique. Le Congo, l’Erythrée, le Tchad, le Soudan, l’Ethiopie, le Rwanda, le Zimbabwe, pour ne citer quelques exemples criants récents, sont des preuves douloureuses des convulsions politiques et des crises humanitaires qui secouent ce continent. Depuis 1970, plus de 30 guerres ont fait rage sur le continent africain. Celles-ci furent responsables de "plus de la moitié de tous les décès causés par des conflits dans le monde entier", faisant "plus de 8 millions de réfugiés et de personnes déplacées", selon les Nations unies. Encore aujourd’hui, l’Afrique est la région du monde où l’on compte le plus grand nombre de conflits armés majeurs. Qu’on les appelle "Kadogos" en République Démocratique du Congo, ou encore "Craps" au Rwanda, les enfants soldats dont l’Organisation des Nations unies estime le nombre à 300 000 dans le monde, sont 120 000 en Afrique. Emportée dans une spirale infernale, l’Afrique n’en finit pas d’être le théâtre de la violence. Alors il est certain que lorsqu’un coupable idéal se présente en la personne d’un vieux despote sénile et cynique – je parle de Robert Mugabe - la communauté internationale crie au tyran, demande son départ mais ne fait rien. Un peu comme si la présence de cet horrible personnage permettait d’oublier les autres malheurs du continent. Certes le drame du Zimbabwe est atroce. Plus de 30 000 personnes y ont contracté le choléra, 1 586 patients ont succombé à la maladie depuis le mois d'août, selon un nouveau bilan publié, jeudi 1er janvier 2008, par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).Certes, selon une estimation du groupe Santé zimbabwéen, coordonné par l’OMS et composé de soignants, d’organisations non gouvernementales et du ministère de la Santé et de la protection de l’enfance, l’épidémie pourrait provoquer plus de 60 000 cas. Certes, cinq experts des droits de l'homme de l'ONU estiment que "la crise sévère affectant le Zimbabwe ravage le pays à une vitesse alarmante". Ils appellent le gouvernement et la communauté internationale à "faire plus pour reconstruire le système de santé, mettre un terme à l'épidémie de choléra et assurer de la nourriture pour toute la population". "Il n'y a pas assez de nourriture, que ce soit au niveau national ou dans les foyers. On estime à 5,5 millions le nombre de personnes qui pourraient avoir besoin d'assistance alimentaire", s'est alarmé le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à s'alimenter, Olivier de Schutter. Certes enfin, "Reporters sans frontières dénonce le comportement inacceptable des autorités zimbabwéennes qui, après avoir enlevé et détenu au secret la journaliste et militante des droits de l’homme Jestina Mukoko, l’accusent désormais, avec plusieurs autres militants du parti d’opposition Movement for Democratic Change (MDC), de "complot terroriste visant à renverser le président Robert Mugabe". La journaliste risque une condamnation à la peine de mort. Mais aussi atroce et inacceptable que soit cette situation dramatique, elle ne doit pas faire oublier que pendant que nous nous lamentons sur notre crise planétaire mettant en cause notre confort de nantis, des conflits continuent avec des enfants comme soldats et des épidémies, qu’elles s’appellent SIDA ou paludisme déciment les populations. Sur les 50 pays les plus pauvres du monde, classés selon l’indicateur de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement, 33 sont situés en Afrique subsaharienne. Malnutrition, pauvreté, illettrisme, situation sanitaire désastreuse... le continent est la première victime du creusement des inégalités dans le monde. Si de 1960 à 1980, les pays d’Afrique ont enregistré des progrès sensibles en matière de développement économique et social, ces progrès se sont ralentis, notamment du fait des effets désastreux des plans d’ajustement structurel menés par les institutions financières internationales. Combien faudra-t-il de victimes pour que la communauté internationale et singulièrement la France, le pays des droits de l’homme selon l’image d’Epinal, prenne la vraie mesure de ce drame et comprennent qu’il ne sert à rien de se sauver si nous laissons l’Afrique agoniser.
2 janvier 2009