Une fenêtre ouverte sur le monde
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e cherchez pas à Marseille la place de la Bourse pourtant bien connue de tous les marseillais !
Vous ne la trouverez pas puisque cet endroit porte, depuis une délibération du conseil municipal du 16 novembre 1970, le nom du Général de Gaulle.
Cette place ne fut réalisée dans sa configuration actuelle qu’après 1784 quand fut démoli le grand pavillon de l'Arsenal des galères.
Elle a porté bien des noms depuis son origine.
Avant même sa construction, Jean-Pierre Bresson, sur un plan relevé en 1773, signale à son emplacement l’existence d’une place de la Tour et d’une salle de concert située dans l’alignement de la rue Pavillon.
Cette rue doit son nom au grand pavillon aussi appelé Pavillon de l’horloge qui donnait accès à l’Arsenal voulu par Louis XIV pour s’assurer sa suprématie en méditerranée.
La place s’appelait ainsi en l’honneur de l’intendant de Provence Charles des Gallois de la Tour qui avait vendu le 3 septembre 1781 les terrains de l'Arsenal des galères à la ville de Marseille pour qu’elle construise un nouveau quartier.
Elle s’était aussi appelée place de la paille car elle servait de parc à mulets au temps des Arsenaux.
Elle devint place Necker au temps de Louis XVI, place de la Liberté sous la révolution en 1792, place des fruits en raison d’un marché aux fruits et légumes installé à cet endroit en 1802, place Impériale entre 1803 et 1814, place royale puis place de la république en 1848.
Elle s’appela ensuite place de la Révolution en 1870, place de la Bourse de 1870 à 1970 pour enfin prendre son nom actuel.
Elle n’eut pas non plus beaucoup de succès avec les monuments qui l’ornèrent.
La fontaine surmontée d’un obélisque commandée par la municipalité en 1778 au sculpteur Dominique Fossati en l’honneur de Necker sera transférée place des Capucines en 1825.
En 1805 l’obélisque était surmonté d’un aigle que la foule brisa à la chute de l’empire le 14 avril 1814(1).
La statue de Pierre Puget, sculptée par Henri-Edouard Lombard, qui s’y trouvait, fut également déplacée en 1978 à l'extrémité du cours Pierre Puget.
Celle d’un dresseur d’oursons sculpté par Louis Botinelly se retrouve aujourd’hui sur l’Esplanade de la Tourette.
Cette place était beaucoup plus petite qu’actuellement car dans sa partie sud se trouvait un îlot de maisons avec une salle de concerts qui fut détruite le 18 janvier 1794 parce qu’elle abritait une des sections des fédérés marseillais.
L’ordre des représentants du peuple était que "les repaires où se tenaient les assemblées des sections et du comité général seraient rasés, et qu’un poteau rappelant leur révolte serait dressé sur le terrain qu’ils occupaient".
La déflagration fut telle qu’il fallut abattre les maisons avoisinantes.
A sa place on érigea le Pavillon chinois, dit lou pounchou (le pointu)(1), café qui devint une salle de bal à la réputation sulfureuse.
La mairie le racheta en 1822 pour agrandir la place royale.
En 1841 la chambre de commerce doit quitter sa "loge" de l’hôtel de ville.
Elle dut attendre la construction du palais de la Bourse dans un hall en charpente construit à la hâte sur la place royale(1).
Elle y restera jusqu’à prendre ses quartiers dans le Palais de la Bourse dont la première pierre fut solennellement posée le 26 septembre 1852 par le prince Louis Napoléon Bonaparte, qui ne deviendra empereur que le 2 décembre suivant, jour anniversaire du sacre de son illustre prédécesseur.
Huit ans plus tard, alors empereur, Napoléon III revint l’inaugurer le 10 septembre 1860 lors de sa visite où il signât aussi le décret autorisant le percement de la rue Impériale.
Pendant la révolution, la guillotine était installée à hauteur de la place.
Ce lieu a aussi vécu l’un des événements les plus dramatiques de l’entre deux guerres.
C’est en effet juste devant le palais de la bourse que "le roi preux Alexandre 1er de Yougoslavie ami de Marseille et de la France et le président Louis Barthou ministre des affaires étrangères" furent tués le 9 Octobre 1934.
Le nationaliste bulgare Vlado Tchernozemski, sous le nom d'emprunt de Petrus Kelemen, avait bien abattu le roi mais c’est la balle d’un policier qui avait touché le ministre français au bras.
Il mourut car son artère humérale avait été sectionnée et il s'était vidé de son sang faute de la pause d’un simple garrot.
L’événement fut commémoré par un monument à la gloire de la paix, œuvre de Louis Botinelly, d’Antoine Sartorio et d’Élie-Jean Vézien, inauguré le 20 juin 1941. Il est situé à l'angle de la rue de Rome et de la place de la préfecture.
Antoine Sartorio était aussi l’auteur du monument aux morts de l’armée d’Orient, qui se trouve sur la corniche au niveau du vallon des Auffes, et au pied duquel le roi Alexandre 1er devait déposer un bouquet avant de se rendre à un goûter organisé par l'épouse du préfet. Son périple dans la Delage noire découverte se termina à 16h15 devant la place de la Bourse.
Patrice Leterrier
18 janvier 2014
(1) Evocation du vieux Marseille André Bouyala d’Arnaud