Une fenêtre ouverte sur le monde
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ous vivons entourés d’objets dont la complexité échappe totalement à notre entendement.
Bien sûr on pourra expliquer les principes de la radioconduction découverte par Edouard Branly en 1890, on pourra également donner des éclaircissements sur le fonctionnement des ordinateurs, sur le codage des données, sur le principe des transistors inventés en 1947, sur la reproduction des sons dont l’histoire est inséparable de celle de Thomas Edison et de son phonographe, etc.
Pour autant on n’aura pas et de loin décortiqué toutes les merveilleuses découvertes scientifiques pour la plupart apparues au XXème siècle et dont les applications vous permettent de tenir dans le creux de votre main un téléphone portable gavé de merveilles technologiques inconcevables il y a à peine un demi-siècle.
On est loin avec ces outils modernes du marteau, de la pelle ou même de la machine à calculer de Blaise Pascal.
L’outil moderne prend un statut intermédiaire entre l’homme et l’animal de compagnie.
D’ailleurs il ne viendrait à l’idée de personne de parler à sa fourchette comme il parle à son smartphone ni même à son ordinateur et à plein d’autres objets familiers qui semblent la plupart du temps obéir à nos ordres et dont nous supportons mal qu’ils dysfonctionnent au point de s’adresser à eux pour leur reprocher leurs incartades, quand nous ne nous abandonnons pas à leur attribuer les messages qu’ils nous envoient.
Doit-on au nom de cette complexité en apparence inextricable renoncer à redonner à ces objets leur statut d’outils, c'est-à-dire de prolongation de la maîtrise par l’homme de son environnement ?
Hervé Thys sur son blog cite Albert Einstein : "la plupart des gens ont justement un respect sacré des mots qu'ils sont incapables de comprendre ; quand ils peuvent comprendre un auteur, ils y voient un signe qu'il est superficiel."
Ne doit-on pas revenir à l’immense vertu de la simplicité qui ne veut pas dire pour autant la superficialité ?
Les générations "natives digitales" n’ont pas devant les objets technologiques cette admiration voire cette gêne qu’éprouvent ceux qui ont vécu la révolution d’Internet et du numérique.
Il n’est pas malsain de désacraliser ces objets au fonctionnement qui parait maintenant si naturel à nos bambins.
N’y a-t-il pas beaucoup à perdre à renoncer à en expliquer les principes à des gamins comme de ne plus savoir faire un calcul mental parce qu’ils ont au bout des doigts des calculettes extrayant en une fraction de seconde une racine carrée ?
La complexité de ces objets ne vient-elle pas de la multiplicité des applications de la science qu’ils utilisent et non de celle des principes qu’ils mettent en œuvre ?
Il ne s’agit pas de retourner aux sémaphores, aux courriers transportés par des chevaux, aux gramophones mais de faire découvrir à ces générations définitivement plongées dans un bain envahissant de technologies que derrière ces minuscules écrans qu’ils manipulent avec une agilité déconcertante se cachent de merveilleuses inventions du génie humain.
Et ces découvertes peuvent être expliquées avec des mots simples et imagés. Elles ont souvent une histoire au moins aussi passionnantes que les feuilletons insipides dont nous abreuvent la télévision.
L’histoire de la science et de la technologie est un roman passionnant plein de rebondissements inattendus, de personnages hauts en couleur, de passions, d’espoirs déçus mais au final de découvertes qui changent radicalement et définitivement notre vie sur terre.
Apprendre par exemple l’histoire de la première ligne télégraphique entre Baltimore et Washington construite en 1843 par Samuel Morse, l’inventeur du télégraphe, n’est-il pas au moins aussi important que de savoir que les 13 et 14 septembre 1515, François Ier battit avec ses alliés vénitiens des mercenaires suisses au service du duché de Milan ?
Patrice Leterrier
21 juillet 2013