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Une fenêtre ouverte sur le monde

Le temps qui passe

 

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E

 

n cette période d’été naissant, où le temps se met à vagabonder, comme si la chaleur lui donnait une langueur particulière, pouvons-nous prendre quelques secondes, voire dans une inconsciente libéralité, quelques minutes pour nous pencher sur ce temps qui passe.

Je ne parle pas du temps des physiciens qui se mesure en secondes comme la durée de 9 192 631 770 périodes de la radiation correspondant à la transition entre les niveaux hyperfins F=3 et F=4 de l’état fondamental 6S½ de l’atome de césium 133.

Pas plus de cette unité de temps qui rythme les processeurs de nos smartphones et qui bat un milliard de fois par seconde.

Je parle de ce temps dont certains prétendent hasardeusement qu’il s’écoule alors même qu’il n’est plus là quand il est passé et que seule notre imagination nous permet de lui donner corps lorsqu’il est à venir.

Il n’est pas nécessaire de rappeler combien la sensation de longueur ou au contraire de rapidité du temps varie considérablement selon notre état psychique et les activités qui nous occupent alors même que l’horloge, ce Dieu sinistre effrayant, impassible, dont le doigt nous menace, comme l’écrit Charles Baudelaire, poursuit imperturbablement son décompte sans fin.

Michel Siffre resté 61 jours sans aucun repère temporel au fond du gouffre de Scarrason dans les Alpes du sud, se croyait le 20 août lorsqu’il sorti en fait le 17 Septembre 1962.

Mon propos n’est pas de discourir en terme philosophique sur la vraie nature du temps, de parler de la trame du temps, d’envisager le passé, le présent et le futur, la triade bergsonienne sur laquelle nombre de candidats au baccalauréat ont eu souvent l’occasion de disserter.

Peut-être que cette douce somnolence qui suit parfois un repas bien arrosé de rosé vous a déjà envahi à la lecture de mes billevesées ?

Sinon m’accorderez-vous qu’il faut revoir aujourd’hui notre ressenti du temps qui passe à la lumière de ces incessantes sollicitations auxquelles nous soumet le monde connecté dans lequel nous sommes plongés ?

Car, aujourd’hui, nos portables, nos tablettes, nos ordinateurs rythment la rapidité avec laquelle nous vivons le temps qui passe.

Plus encore la vitesse à laquelle ils répondent à nos sollicitations influe grandement sur notre capacité à attendre les résultats.

Ainsi, si dans le silence majestueux des bibliothèques nos anciens prenaient le temps de rechercher, dans une consultation méthodique et laborieuse, des documents pour y dénicher une information rare et précieuse, nous ne supportons plus aujourd’hui qu’une question posée sur Google ne nous donne pas une foultitude de réponses instantanées.

Selon des études menées aussi bien par Google que Microsoft, un délai supérieur au temps nécessaire à cligner de l’œil, soit environ un quart de seconde suffit pour que l’utilisateur abandonne le site qu’il consulte.

Une vidéo qui met plus de deux secondes à démarrer subit le même sort.

De plus l’accélération des vitesses, comme par exemple la 4G sur les smartphones, ne fait qu’augmenter notre impatience au lieu de la réduire.

Sans compter bien sur le flot ininterrompu de messages sur Facebook, Twitter, de SMS qui dévaste en permanence notre rythme de vie.

Nous vivons dans l’univers de l’instantanéité où le temps de la réflexion n’a plus place.

Il ne fait pas de doute qu’une profonde transformation de notre ressenti du temps qui passe soit induite par la technologie.

Pourtant bien des activités humaines comme la science, l’art, la politique réclament que nous donnions du temps au temps, comme disait dans une formule un peu paradoxale un ancien président de la République, que nous ayons la patience d’attendre le murissement d’une idée, l’accomplissement d’une œuvre, le temps de la gestation d’une création, d’une découverte.

Il ne faudrait pas qu’au nom de cette vitesse souveraine, nous négligions de délicieux moments d’attente, la vertu de la patience dont on ne peut pas dire qu’elle soit particulièrement en vogue par les temps qui courent (mais où vont-ils ?).


Patrice Leterrier

24 juin 2014

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