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Une fenêtre ouverte sur le monde

Le fantôme de l’esprit

fantôme

L

’affaire est entendue : il n’y a pas de fantôme dans notre tête pas plus que dans les sinistres demeures que l’on a l’habitude de situer en haute Ecosse.

La formule de Jean Paul Sartre "l'existence précède l'essence", prend une signification bien différente de celle voulue par le chantre de l’existentialisme puisqu’il s’agit ici d’oser affirmer que le libre arbitre et la liberté individuelle sont des illusions façonnées par notre cerveau.

J’existe donc je pense nous dise aujourd’hui les scientifiques retournant la fameuse maxime de Descartes.

Toutes nos actions, toutes nos pensées, tous nos sentiments, dont un certain nombre nous paraissent sous le contrôle de notre libre arbitre, ne sont que les résultats de phénomènes physico-chimiques qui se déroulent en permanence dans ce vertigineux labyrinthe formé par quelques cent milliards de neurones qui communiquent par des centaines voire des dizaines de milliers de contacts synaptiques entre eux.

Ce sentiment de libre arbitre n’est que le résultat d’une facétie de notre cerveau qui semble nous faire croire que nous décidons parfois de nos actions c'est-à-dire que la pensée, la volonté de faire précède l’action alors même que les progrès récents de l’imagerie médicale nous prouvent souvent le contraire : la conscience de l’action ne précède pas son activation mais la suit. Nous agissons et dans le même temps, à l’échelle de notre conscience, nous pensons que nous avons décidé d’agir.

Cette réalité est d’autant plus vertigineuse qu’elle est elle-même d’abord et avant tout une pensée, c'est-à-dire un processus physico-chimique se déroulant dans notre cerveau.

Elle échappe par définition à la notion même de libre arbitre au sens cartésien c'est-à-dire dans une conception dualiste de l’esprit.

Le professeur Patrick Haggard, de l’Institut de neurosciences cognitives de l’University College de Londres, écrit "La vraie objection au libre arbitre dans le sens classique cartésien est conceptuelle plutôt qu’empirique. Il faut se débarrasser de ce moi pur, séparé du cerveau. Tout notre comportement est un produit de notre activité cérébrale. Et il semble peu probable qu’il y ait une sorte d’exception à la norme des opérations déterministes des neurones pour provoquer les actions".

Mais au fond ne se trouve-t-on pas dans cet apparent paradoxe au cœur même de la définition de l’humain, au cœur même de la notion de responsabilité qui s’appuie indéfectiblement sur la notion de libre arbitre, résumée dans cette formule de Patrick Haggard "Je crois que parler de libre arbitre est juste une façon de parler de cette complexité". ?

L’humain n’est-il pas justement, dans sa singularité, ce fantôme apparent de la responsabilité, ce fantastique résultat d’une machinerie vertigineuse ?

Nous avons plus ou moins le sentiment que nous la gouvernons, que nos actions ne sont pas toutes des "reflexes" qui échappent à notre conscience et à notre volonté.

Et pourtant ces pensées ne sont que le pur produit de notre cerveau même si les processus qui les sous-tendent sont d’une infinie complexité par rapport au comportement d’une amibe.

La société n’est pas possible sans le sens de la responsabilité individuelle et l’on pourrait sans doute dire que la société humaine est née de cet apprentissage collectif qui façonne nos cerveaux.

Elle n’existe que parce que nous avons ce sentiment d’autonomie, de responsabilité qui nous inspire le sens moral et les règles de vie en commun.

Et ce sentiment de libre arbitre n’est-il pas d’une certaine façon une fonction d’évaluation de la pertinence des actions, un jugement, base de l’apprentissage, qui sélectionne les comportements adaptés et élimine ceux qui ne vont pas dans le sens de la survie de l’espèce ou plus prosaïquement de notre confort, une sorte de régulateur de cet autre fantôme qu’on appelle le bonheur ?

Patrice Leterrier 

17 novembre 2012

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