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Une fenêtre ouverte sur le monde

Il s’appelait Gregory

 

Le 16 Octobre 1984, il y a très exactement un quart de siècle, les gendarmes découvrait le corps sans vie du petit Gregory Villemin, âgé de quatre ans et demi, noyé dans les eaux froides de la Vologne les pieds et poings liés.

Le 9 Juillet 2008, saisi par les époux Villemin, le procureur général de Dijon a demandé la réouverture de l'instruction, pour une nouvelle recherche d'ADN.

Le 7 mai 2009, le laboratoire lyonnais Biomnis (ex Mérieux) est désigné par la justice pour expertiser les scellés du petit Grégory et en "extraire les éventuelles empreintes génétiques".

En attendant les résultats incertains de ces nouvelles recherches, l’affaire Gregory Villemin reste toujours ce mystère qui a bouleversé la France entière.

Elle a aussi déchirée, au grand jour et à grand renfort de manchettes de journaux, une famille sous fond de haine, de jalousie de dénonciations, de rétractations, de rebondissements.

Elle a fait du père un meurtrier. Elle laisse toujours planer un doute insupportable sur la mère d’abord accusée sous la foi d’experts graphologues d’être le fameux corbeau puis inculpée comme meurtrière le 5 Juillet 1985 par un jeune juge sous influence Jean-Michel Lambert. Elle finira par faire l’objet d’un non-lieu 5 ans plus tard le 3 février 1993 pour "absence totale de charges".

Le couple racontera en 1994 leur calvaire dans un livre témoignage intitulé le 16 octobre.

Depuis 1969 on comptabilise prés de 300 affaires criminelles toujours non élucidées en France. Les dernières en date sont celles de Geraldine Gasp découverte à demi-nue et étranglée à Piton Saint-Leu, à la Réunion, le 22 mai 2008. Elle vient s’ajouter à une longue série de disparition et de meurtres de femmes sans explication dans l’île. Il y a aussi la disparition de Didier Touquet un homosexuel toulousain de 46 ans dont on est sans nouvelle depuis le 29 juillet 2008.

On se souvient des huit jeunes disparus à proximité du camp militaire de Mourmelon entre 1980 et 1987. Pierre Chanal emportera le mystère de cette affaire en se suicidant le jour de l’ouverture du procès alors qu’il était censé être sous la surveillance de la justice.

Il y a aussi ces crimes collectifs maquillés en suicides des adeptes de l’ordre du temple solaire dont la femme et le fils de l’ex champion de ski Jean Vuarnet. On a découvert les seize corps calcinés des victimes portant tous des impacts de balle au lieu dit du "Puits de l'enfer" prés de Saint Pierre de Cherennes en Isère, au pied du Massif des Coulmes.

On se souvient aussi de l’acharnement du juge Henri Pascal qui se plaisait à communiquer à la presse les progrès de son enquête avec son accent truculent.

Il avait fini par mettre en examen, sans preuve, le notaire Pierre Leroy et sa femme Monique Béghin-Mayeur pour le meurtre de Brigitte Dewèvre, une fille de mineur âgée de seize ans et découverte morte dans un terrain vague aux abords du coron de la fosse 4, le jeudi 6 avril 1972. L'affaire a été classée depuis sans suite et le crime fut prescrit en 2005 et ne sera donc jamais élucidé.

La liste des affaires bâclées est trop longue et l’affaire Outreau a largement médiatisé les errements, les lenteurs, les incertitudes et les erreurs de la police, de la gendarmerie et de la justice française, le poids inconsidéré des experts,…

Mais celle du petit Gregory réunit tous les ingrédients pour nous indigner. D’abord la jeunesse de la victime qui rend le crime encore plus insupportable et la méthode utilisée par l’assassin qui nous révulse.

Ensuite l’enquête fut un véritable florilège d’erreurs et de dérapages : manque de précautions des enquêteurs dans la collecte des indices ; rivalité indécente entre la Gendarmerie et la police ; violations du secret de l'instruction; inexpérience du juge d'instruction ; indécision des magistrats…

Et puis il y eut ce grand déballage dans une presse qui oubliait sa réserve et prenait partie sans aucun respect pour la vie privée des prévenus.

On attend de l’état qu’il soit sans faille, sans faiblesse, juste et impartial.

On oublie peut-être un peu vite qu’il y a souvent à l’origine de ces mystères des erreurs certes impardonnables mais souvent dues à une absence chronique de moyens des policiers, des gendarmes et des juges. Même si la majorité d’entre eux font l’impossible pour remplir leurs missions, ils ne sont que des hommes et des femmes avec leurs faiblesses.

L’état est impardonnable puisqu’il est l’état mais ses représentants ont la plupart du temps droit à notre indulgence.

Patrice Leterrier

16 Octobre 2009

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