Une fenêtre ouverte sur le monde
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ean Paul Delahaye nous livre sur le blog de la revue pour la science SCILOGS un remarquable article sur le lien entre hasard et complexité.
Je vous laisse découvrir le raisonnement assez implacable de ce brillant mathématicien-informaticien en lisant son billet.
Il aboutit à cette conclusion, à la fois superbe et mystérieuse, "notre monde n'est pas uniforme, il est organisé un peu comme le serait le produit d'une multitude de calculs. C'est pour cela qu'il est connaissable, la simplicité (comme faible contenu en information) y est dominante, et la grande complexité structurelle y est naturellement rare."
Mais dire que le monde est organisé comme le produit d’une multitude de calculs ne pose-t-il pas assez directement la question de l’existence d’un grand ordonnateur évitant que l’univers ne soit que chaos et désordre ou tout simplement n’existe pas ?
La question n’est pas scientifique puisque le pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien dans l’univers n’a et ne peut avoir de réponse scientifique à moins de mélanger science et religion.
La question de l’avant big-bang n’est pas plus élucidée de nos jours même si elle est un sujet permanent de spéculations.
Par exemple la théorie des cordes, très en vogue de nos jours, prévoit que l’univers aurait suivi un chemin inverse à celui de l’après big-bang, une sorte de contraction aboutissant à un point zéro.
Elle ne fait qu’éluder la question d’une origine pour en arriver à la conclusion déjà formulée par Aristote d’un univers eternel.
Pour les physiciens, l’énigme de l’existence de l’univers revient à celle de la mystérieuse disparition de l’antimatière.
L’antimatière fut découverte par Carl David Anderson en 1932 avec la détection du positron (anti électron prévue par Paul Dirac en 1931).
Le modèle standard de la physique des particules a connu récemment une consécration majestueuse avec la découverte du boson de Higgs.
Cette particule, parfois appelée un peu pompeusement la particule de Dieu, était prévue presqu’un demi-siècle avant qu’elle accepte de vaincre sa timidité naturelle pour apparaître, certes un très court instant, dans les entrailles du LHC.
Et pourtant si solide que soit ce modèle standard avec ses particules et ses antiparticules, il ne nous donne pas la clé de l’organisation de l’univers.
C’est même le contraire puisque, selon ses prédictions, alors que notre Univers est peuplé de milliards de galaxies comportant des milliards d'étoiles, le cosmos devrait être quasi vide.
Comme l’écrit Guy Wormser, parlant de l’univers, "On sait qu'il nous cache quelque chose".
Le mystère de la victoire de la matière sur l’antimatière au moment du big-bang reste donc entier, comme la question de savoir ce que sont devenues les antiparticules.
Mais même si l’on arrivait à élucider ce mystère, il resterait celui de la cause d’une organisation de l’univers qui ne peut être le fruit d’un pur hasard.
Peut-elle se résumer à la seule lecture qu’en fait Homo sapiens suréquipé d’un cortex frontal sans équivalent (du moins à ce jour) mais qui lui joue bien des tours par ailleurs ?
Doit-on y voir la marque d’une intelligence suprême ou la simple bizarrerie d’une organisation de neurones ne voyant de l’univers que ce que ses capacités cognitives lui permettent d’imaginer ?
Au fond la question n’est-elle pas de savoir si cet ordre apparent que nous constatons n’est pas le pur fruit de l’intelligence humaine qui oscille en permanence entre la question du comment tout cela marche et celle qui torture les métaphysiciens et les philosophes du pourquoi sommes nous équipés de cette clairvoyance qui nous fait penser l’autre et l’univers en dehors de nous.
Jean Paul Sartre n’avait-il pas raison lorsqu’il disait la liberté ne consiste pas à "pouvoir ce que l’on veut mais vouloir ce que l’on peut" et dans ce sens nous invite-t-il pas à renoncer à répondre à la question de la cause d’un univers plutôt que rien ?
Patrice Leterrier
17 juillet 2014