Une fenêtre ouverte sur le monde
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encius, penseur chinois ayant vécu aux alentours de 380-289 av. J.-C, élève d'un disciple du petit-fils de Confucius, a écrit : "Ceux qui s'avancent trop précipitamment reculeront encore plus vite".
Ernerst-Antoine Sillière de Laborde, alors qu’il présidait le Medef, avait ajouté à cette puissante maxime, dans une interview au journal le Monde le 26 juillet 2002, cette phrase surréaliste "Avant, on avançait dans la mauvaise direction ; maintenant, on recule dans la bonne" dont on ne peut savoir s’il s’agit d’humour au nième degré ou d’une pirouette cynique.
Aujourd’hui le jeune fils de Nicolas Sarkozy et de Marie-Dominique Culioli peut surement méditer la pensée de Mencius mais je ne suis pas sûr qu’il puisse faire sienne la seconde.
En entrant tout de même au conseil d’Administration de l’Epad, sa reculade ressemble plus au "I came out of Bataan [Presidency] and I shall return"(1) prononcé par le général Douglas Macarthur le 20 Mars 1942. On sait qu’il tint promesse !
Ce n’est pas tant le fait de sa jeunesse qui soit en cause dans cette affaire. Après tout, on ne peut que se réjouir que des jeunes citoyens s’intéressent enfin à la chose publique.
Ce n’est pas tant qu’il soit le fils du président qui le disqualifie pour avancer vite dans une carrière politique.
Personne ne s’indigne de voir ces fils et filles d’acteurs célèbres faire plus facilement carrière que d’illustres inconnus probablement aussi voire plus doués qu’eux.
Personne ne s’étonne non plus que la fille de Jacques Delors soit à la tête du Parti Socialiste.
Même si quelques voix s’élèvent contre la nomination de la fille de José Bové à la tête de la liste d'Europe Ecologie en Aquitaine, cela ne devient pas une affaire sauf peut-être dans certains microcosmes politiques.
Après tout Evariste Gallois n’avait que 20 ans et 7 mois lorsqu’il mourut des suites d’un duel et sa contribution aux mathématiques modernes est considérable !
Ce n’est pas non plus son inexpérience qui est vraiment en cause car elle n’est pas plus honteuse ni disqualifiant que l’expérience des seniors que l’on ferraille joyeusement pour laisser la place aux jeunes et aggraver ainsi le problème chronique des retraites.
Non ce n’est pas tous ces facteurs qui ont tant indigné les français mais bien la méthode qui avait toute les apparences d’un népotisme d’état et d’un coup en douce.
La révélation de ce dessein s’est transformée en affaire d’état sous la pression initiale des internautes goguenards et inventifs quant aux arguments chocs pour dénoncer la manœuvre.
Ils ont surtout transformé cet événement en un gigantesque Mdr (mort de rire ou Lol Laughing Out Loud (2) en anglo-saxon) comme disent les jeunes en langage Sms !
Et du coup quelles ques soient les capacités et le talent du jeune homme, qui ne sont pas en cause n’en déplaise à Laurent Fabius imbu de ses compétences supposées et oubliant qu’il fût un très jeune premier ministre, il devenait évident que sa nomination à la tête de l’Epad (poste bénévole) était une faute politique imputable à son père.
La révolte est d’abord montée spontanément du Web sans mot d’ordre organisé, sans relais de la presse traditionnelle dans un premier temps, sans véritable réaction des politiques de tout bord. Une sorte de "webmocratie" qui a enflammé la sphère internet française.
Ce n’est qu’après que les médias et les politiques aient flairé la bonne affaire pour éviter de parler de choses sérieuses. Le système s’est alors emballé, la cible devenant clairement Nicolas Sarkozy.
Après une fanfaronnade télévisuelle somme toute inutile, le fils du Président a choisi de reculer comme savent si bien le faire les hommes politiques américains et si mal certains des censeurs indignés par cette affaire…
L’affaire étant close, le procès Clearstream touchant à sa fin, le lapsus de Nicolas Sarkozy sur les "coupables" relégué aux oubliettes des gazettes, la polémique sur Frédéric Mitterrand enterrée, les journalistes et les hommes politiques vont pouvoir retourner aux affaires courantes sans importance comme la crise et le chômage, les excès retrouvés de la finance internationale, la grippe A(H1N1)2009, le nucléaire en Iran et, s’ils ont encore quelques secondes de leur temps à y consacrer, la faim dans le monde, les gaz à effet de serre ou encore le Sida et le paludisme en Afrique…
je suis persuadé que ce sinistre inventaire à la Prévert est probablement incomplet et que l’actualité serait en fait mieux illustrée par la chanson célébrissime de Gaston Ouvrad "Je n'suis pas bien portant"…
Patrice Leterrier
24 Octobre 2009
(1) Je suis parti de Bataan mais je reviendrai
(2) littéralement rire à haute voix, sans retenue