Une fenêtre ouverte sur le monde
"I |
l n'est pas besoin de grand débat sur la République, sur l'identité nationale. Il est simplement nécessaire de faire vivre les principes qui sont les nôtres: liberté, égalité, fraternité".
Ainsi s’exprimait aujourd’hui Dominique de Villepin devant près d'un millier de membres de son club politique, le Club Villepin, réunis à la Maison de l'Amérique Latine à Paris.
Oublions-nous trop vite que l’ancien premier ministre de Jacques Chirac n’est pas seulement l’ennemi intime de notre président, ni le contestable acteur plus ou moins passif de la ténébreuse affaire Clearstream ?
Il est aussi celui qui s’exprimait avec force le 14 février 2003 au nom de la France sur l’Irak avec une étonnante prémonition du désastre à venir en ces termes : "l'option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face : cela sera long et difficile, car il faudra préserver l'unité de l'Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l'intrusion de la force".
Il rappelait en quelque sorte et avec une certaine élégance les valeurs de la république, les droits de l’homme et la liberté devant l’assemblée générale des nations unies.
Alors quand on supporte un tel héritage de liberté, un tel legs de tolérance et d’ouverture au monde, pourquoi cette volonté exprimée par le ministre Eric Besson, fils de Marie-Thérèse Musa, d'origine libanaise et d’un pilote-instructeur pour l'armée française mort en vol trois mois avant sa naissance, de relancer un débat qui réveille les pires pages de l’histoire récente et encore douloureuse d’une France divisée ?
Ce débat n’est-il pas en fait et sournoisement une interrogation en creux ?
Ne s’agit-il pas de définir l’identité nationale pour mieux exclure ceux qui ne rempliraient pas la liste forcément limitative de critères à satisfaire pour pouvoir y prétendre ?
Et ce débat n’est-il pas aussi plus bassement encore un prétexte pour relancer la polémique sur le port de la burqa, somme toute marginale dans notre beau pays de cocagne, comme pour mieux siphonner les voix du Front National selon l’expression de Laurent Joffrin.
Le ministre prend tout de même le temps et juge opportun d’affirmer qu'elle était "contraire aux valeurs de l'identité nationale". "On peut débattre sur l'opportunité de la loi […] mais sur les principes il n'y a pas de débat : la burqa est inacceptable et contraire aux valeurs de l'identité nationale." ?
Ne s’agit-il pas, d’une façon contestable, de déplacer le débat, de cristalliser une urticaire plus ou moins viscérale pour masquer la vanité d’un débat sur l’identité nationale, le transformant en une polémique sur l’exclusion, une controverse digne de Valladolid pour définir ce que n’est pas l’identité nationale plus que sur la tâche impossible de tenter d’expliquer ce que cela signifie autrement que, comme le rappelle opportunément Dominique de Villepin, une adhésion à des valeurs universelles ?
Dans une lettre à Rober Poehlen Victor Hugo écrivait déjà "Pour moi, l'idée de nation se dissout dans l'idée d'humanité", sublime intuition de la vanité d’un repli frileux, d’une peur psychotique de l’autre, celui qui n’est pas comme nous, porteur de sa propre tradition, de son histoire ni pire ni meilleure que la notre mais dont nous ne pouvons que nous enrichir.
Patrice Leterrier
27 Octobre 2009