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Une fenêtre ouverte sur le monde

Conscience et neuroscience

cerveau 2


L

orsque François Rabelais écrivait "science sans conscience n’est que ruine de l’âme", la science de l’époque était loin d’avoir atteint la place prédominante qu’elle a maintenant.

René Descartes avec son fameux "je pense donc je suis" avait posé le dogme que seuls les êtres humains étaient doués de conscience sans pour autant utiliser le mot qui avait pour lui le sens que lui donnait Rabelais.

Aujourd’hui le dogme de Descartes a volé en éclats depuis des lustres et les chercheurs n’ont aujourd’hui pas grand chose à nous dire sur cette capacité supposée que nous aurions de distinguer le bien du mal.

Ils s’intéressent par contre a ce qui fait que nous allons réagir différemment selon qu’on croise un ami ou un inconnu, que l’on distingue le rouge du vert, la douleur de la joie,..

Partant de l’hypothèse que la conscience serait une propriété émergente des propriétés neuronales du cerveau, les neuroscientifiques se préoccupent de rechercher les relations (les corrélats) qui pourraient exister entre la conscience et des processus neuronaux empiriquement constatés.

Ils utilisent pour cela des techniques non intrusives comme l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui permettent de visualiser de manière indirecte l’activité cérébrale.

Mais peut-on parler de façon univoque de la conscience ?

Le petit Larousse la définit comme "Perception, connaissance plus ou moins claire que chacun peut avoir du monde extérieur et de soi-même".

S’agit-il de la simple propriété d’être éveillé commune à la majorité des espèces vivantes ou de cette capacité probablement unique de l’homme d’inspecter délibérément le cours de ses pensées que l’on appelle conscience réflexive ?

S’agit-il encore de la conscience phénoménale, définie par Ned Block comme l’état mental qui nous permet de décrire les sensations que provoque le fait de ressentir ce que nous ressentons ?

Les travaux de Stanislas Dehaene et de Jean-Pierre Changeux ont permis une avancée considérable dans la compréhension des diverses étapes de la vigilance et de la conscience d’accès qui fait que certains stimulus sensoriels sont rendus disponibles à la pensée alors que d’autres restent totalement inconscients.

Mais la capacité ou non de la science d’apporter un jour la réponse à la nature  des niveaux supérieurs de la conscience constitue la question centrale du rapport entre le corps et l’esprit que les philosophes ont essayé de comprendre depuis la nuit des temps.

Certains nous rappellent que la méthode scientifique ne s’écarte pas de la vision de Gaston Bachelard c'est-à-dire du paradigme "connaître c’est mesurer".

L’approche consiste à supprimer toute subjectivité, ce qui rend bien difficile - voire impossible comme le soutient Raymond Tallis- l’étude des niveaux supérieurs de la conscience qui sont intrinsèquement de nature subjectifs.

D’autres voient au contraire dans la conscience phénoménale une forme de conscience d’accès à la conscience d’accès, une espèce de métareprésentation utilisant le langage pour s’exprimer.

Selon Michel Imbert, elle pourrait être "une sorte de liage massif de réseaux neuronaux dans laquelle l’aspect spatial de la conscience d’accès disparaitrait au profit d’un aspect purement temporel", une sorte de flash cérébral mobilisant massivement le cerveau.

Derrière ces deux visions de l’avenir des neurosciences se cache la question philosophique de savoir si les représentations si fécondes de la science moderne pourront franchir la barre apparemment inaccessible de la compréhension des mécanismes les plus subtils de l’esprit.

On peut en douter tout en espérant de nouvelles découvertes - que l’on imagine fascinantes - sur le fonctionnement du cerveau.

Sommes-nous bien conscients que la recherche scientifique ouvre plus de portes qu’elle n’en ferme ?

A moins qu’il ne s’agisse plus d’une intuition dont on peut aussi se demander par quel mécanisme elle surgit soudain à la conscience…


Patrice Leterrier 

30 juillet 2011

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