Une fenêtre ouverte sur le monde
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’interrogeant sur ce qu’un étudiant de fin de "master en agro-alimentaire" devait apprendre, Hervé Thys conclut que "même si les enseignants en ont bavé à apprendre des choses devenues inutiles, il semble... inutile d'encombrer les programmes avec ces dites choses rendues inutiles par l'avènement de l'informatique. (…] Oui, nous avons le sentiment d'avoir perdu notre temps, à apprendre des choses devenues sans intérêt, périmées. Mais quel bonheur, au fond, de pouvoir apprendre davantage, mieux !"
Apprendre davantage sans doute, apprendre mieux peut-être mais apprendre différemment surement !
Outre tous ces outils mis à notre disposition pour éviter des tâches fastidieuses, la puissance fractale de l'internet (grâce aux liens hypertextes en particulier) permet de naviguer de concept en concept, de se laisser aller à une serendipité qui ressemble avec une efficacité immensément plus redoutable à ce vagabondage que nous faisions autrefois dans les encyclopédies.
Nul doute que l’environnement éducatif des "natifs digitaux" ressemblera de moins en moins à celui pas encore si lointain où les règles à calcul et les tables de logarithmes étaient nécessaires pour résoudre des problèmes somme toute répétitifs et donc inutiles.
Le danger de ce monde où des applications diverses et variées ne cessent de nous proposer de plus en plus d’aides, c’est qu’elles soient utilisées sans que les concepts qu’elles sous-tendent ne soient compris et assimilés.
Inutile de savoir extraire une racine carrée à la main à condition de tout de même savoir qu’elle est sa définition.
Les aides peuvent repousser le côté fastidieux et long de certaines approches mais peuvent-elles dispenser de la compréhension et du raisonnement ?
Aujourd’hui on commence à voir apparaître des "prothèses cognitives", dont on a un avant-goût avec par exemple l'IBM Watson vainqueur des hommes au jeu Jeopardize et qui a déjà des suites dans le domaine de la médecine et des assurances.
Nul doute qu’elles envahiront surement notre environnement dans les décennies à venir.
Elles finiront de compléter une "réalité augmentée" par tous ces outils de communications, toutes ces prothèses sensorielles nous libérant d’handicap mais aussi multipliant nos capacités "naturelles".
Une sorte de "méta-réalité" où nos capacités sensorielles et cognitives seront démultipliées comme l’est déjà depuis longtemps la puissance de calcul à notre disposition.
L'Human Brain Project vise à dépasser les limites du simple apprentissage laborieux basé sur la compilation de pétaoctets d'information.
Il ambitionne de créer des circuits équivalents à des circuits neuronaux dont le fonctionnement n'a rien de binaire.
Il projette de reproduire l'architecture même du cerveau mais aussi d’explorer les mécanisme d'auto-apprentissage du cerveau qui met, dans les premiers temps de la vie d'un enfant, des milliards de neurones en connexion selon des lois que nous ne faisons qu'approcher dans les travaux sur le fonctionnement de "type" bayésien de certains apprentissages du langage.
Qu'arrivera-t-il le jour où ces "cerveaux artificiels" auront la capacité d'apprendre à un rythme sans commune mesure avec le lent processus biologique de l'homme?
Déjà, aucune des dernières découvertes dans le domaine de l'astronomie, de la physique des particules, de la génétique, aucun de nos avions, aucun de nos trains, aucun de nos téléphones portables, aucune bientôt de nos voitures, et la liste est trop longue ne pourrait fonctionner sans ces milliards de puces qui les animent.
Peut-être un jour ces "cerveaux artificiels" nous annonceront des découvertes dont nous ne pourrons pas "vérifier" la validité et que nous devrons admettre comme un entendement supérieur de "notre" monde devenu celui de nos "robots"?
Auront-ils la "sagesse" suffisante pour nous guider et aurons nous la volonté d’écouter leurs "conseils éclairés" ou la seule caractéristique qui séparera l’homme de ces robots "hypercognitifs" restera cet acharnement de l’homme à se détruire et à détruire son environnement ?
Patrice Leterrier
21 avril 2013