Une fenêtre ouverte sur le monde
Bernard Madoff
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e qu’il y a de plus ahurissant dans le dernier scandale financier à l’heure où j’écris ces lignes – je prends cette précaution car au train où vont les choses un nouveau scandale pourrait apparaître dans l’intervalle – c’est que Bernard Madoff, 70 ans, célèbre gestionnaire de fonds de Wall Street et ancien président du conseil d’administration du Nasdaq, l’une des deux grandes Bourses de New York, ait pu faire croire à des investisseurs professionnels, des capitaines d’entreprises, des universités, des fondations que les rendements qu’il obtenait n’avaient rien de suspect. Car enfin la méthode utilisée dite chaine de Ponzi(1) est aussi vieille en matière d’escroquerie que la banque quand une riche famille de la noblesse italienne, la famille Piccolomini, créa la toute première banque en 1193 à Sienne. Pendant des dizaines d’années il a réussi à tromper des investisseurs parmi les plus riches de la planète, appâtés par des rendements importants sur les sommes prêtées. Il a fallu une crise financière majeure et la volonté de ses clients de récupérer leurs mises pour que le pot-aux-roses soit mis au jour. Ce qu’il ya encore plus incroyable c’est que la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme boursier américain en charge de faire la police et de surveiller en particulier les hedge founds, n’aurait rien vu! On frémit à cette annonce tant la ficelle était quand même grosse une fois découverte. Ils ne se seraient jamais étonnés des surprenants retours sur investissements obtenus par Bernard Madoff, qui utilisait en réalité les fonds frais apportés par de nouveaux clients. Ces mêmes spécialistes du contrôle ne se sont pas plus inquiétés de l’anonymat des entreprises qui réalisaient les audits, malgré la cicatrice encore douloureuse du scandale Eron. La BNP, Natexis, AXA et probablement d’autres établissements seraient exposés, ce qui donne une bien piètre image de la rigueur de nos institutions financières et qui contraste bigrement avec le langage lénifiants des banquiers et des politiques sur la santé et la transparence du système français. Mais qu’est-ce qui fait donc que ces banquiers supposés avertis, précautionneux à l’outrance quand il s’agit de prêter quelques subsides à des particuliers ne présentant pas ceintures, bretelles, parapluies et cautions suffisants pour ces pusillanimes invétérés, deviennent totalement et effroyablement imprudents quand il s’agit de manipuler des milliards. Sont-ils paralysés par l’énormité suspecte des rendements promis ou veulent-ils cacher à leurs collaborateurs leur incapacité à comprendre et donc à contrôler ces surdiplômés qui manipulent des milliards de milliards en ne rendant compte à personne ou plus exactement que personne ne peut comprendre tant leur langage technique est abscond? Ont-ils à ce pont oublié le bon sens et la raison ? Ne savent-ils plus ou feignent-ils d’ignorer l’entropie qui s’applique à la finance comme à tout système? Les rendements mirobolants ne sont qu’une forme plus ou moins sophistiquée de vases communicants qui vident des poches pour en remplir d’autres. La folie qui a emballé depuis des décennies le monde de la finance au nom du mythe de l’autorégulation n’en finit pas de présenter ses dividendes. A quand le prochain scandale ?
15 décembre 2008
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(1) Une chaîne de Ponzi est une vente pyramidale, une escroquerie mettant en jeu un effet boule de neige qui repose sur la promesse de profits inédits, entraînant un afflux de capitaux qui entretiennent le « contrat » initial, jusqu'à l'explosion de la bulle spéculative ainsi créée, au bénéfice de l'initiateur de la chaîne. Ce système tient son nom de Charles Ponzi qui a mis en place une opération immobilière frauduleuse en Californie, basée sur ce principe.