Une fenêtre ouverte sur le monde
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n ce mois de décembre, certains d’entre vous ont eu le plaisir de contempler des immensités couvertes de neige d’un blanc parfaitement régulier aplanissant tous les reliefs. Mais savez-vous qu’il n’existe pas deux flocons de neige identiques? Les scientifiques s’échinent depuis des siècles à comprendre la formation de cristaux de neige qui peuvent prendre des formes aussi variés que magnifiques en étoiles, dendrites, rosettes, aiguilles….En 1611 Johannes Kepler publiait un petit fascicule intitulé L’étrenne ou la neige sexangulaire dans lequel il cherchait à comprendre pourquoi les cristaux de neige ressemblaient autant à des fleurs: "chaque plante possède un principe propre qui l’anime, puisque chaque spécimen de plante existe séparément et il n’y a pas de raison de s’émerveiller que chacune possède une forme propre. Mais imaginer que chaque étoile de neige possède une âme individuelle est totalement absurde, et par conséquent les formes des flocons de neige ne sont en aucune façon le fait de l’âme comme chez les plantes". Si on remplace âme par une argumentation plus réaliste liée à la biochimie des êtres vivants, il ne fait aucun doute que Kepler dans ce domaine – comme dans le domaine du mouvement des planètes avec sa fameuse loi - a fait preuve d’une intuition remarquable. Pourquoi d’ailleurs nous étonner de la variabilité extraordinaire de la nature quand on peut admirer au coucher du soleil les branches dénudées des arbres qui dessinent des arabesques magiques en ombres chinoises? Pour la raison donnée par Kepler lui-même à savoir le caractère élémentaire, simplissime des molécules d’eau H2O qu’on ne peut soupçonner d’être porteuse d’un ADN qui leur serait propre. Voilà donc une des structures chimiques la plus rudimentaire de la nature, la plus répandue sur le globe qui se joue de nos connaissances en variant à l’infini sa forme au gré de la température, des poussières ambiantes et autres facteurs aléatoires qui au final, comme une immense loterie naturelle, vont déterminer la forme de l’agrégat. Au fond c’est aussi une leçon simple, mais que l’on a tendance à oublier de nos temps, que, quel que soit notre acharnement pour rationnaliser la nature, elle résiste avec bonheur et harmonie à nos explorations somme toute assez maladroites. Comment dès lors prétendre expliquer les systèmes interdépendants et autrement complexes qu’une molécule d’eau que les hommes, en apprenti sorcier parfois bien inconséquent, ont mis en place sans se douter qu’ils ne pourraient les contrôler et sans se soucier de leurs impacts sur l’environnement? Comment aussi ne pas s’émerveiller qu’avec si peu de diversité au départ que quelques notes génétiques déposées sur une spirale mystérieuse, partition de la vie, la nature puisse engendrer des êtres vivants aussi différents qu’une fougère, recordwoman du monde de la longévité, ou le petit dernier bien turbulent et bien indiscipliné homo dit sapiens devenu depuis peu homo cybernetus dont on peut vraiment douter que sapiens est encore le sens étymologique de sage tant sa pensée s’égare victime d’un égoïsme atavique. Et puis cette nature si réactive, si surprenante nous réserve probablement encore bien des surprises et des mystères si nous prenons simplement le soin de ne pas trop la martyriser. Une goutte d’eau dans un océan n’a jamais fait grand-chose mais des millions de gouttes d’eaux peuvent faire les plus beaux cristaux du monde. Alors ne désespérons pas de l’action des hommes de bonne volonté. Joyeux Noël et bonne année à tous.
25 décembre 2008