
À la sortie du confinement, passerons-nous du statut de confiné à celui de victime du Virus ?
Le gouvernement envisage pour mieux contrôler sa diffusion la mise en place d’une application de traçage Stopcovir.
Apple et Google ont bien vu le rôle qu'ils peuvent tenir en proposant d'introduire dans IOS et Android un " coronavirus tracking system" présenté comme "Potentially a huge step forward in the fight against COVID-19" pour faciliter sa mise en place.
Sur les ondes de RTL Christiane Taubira évoque ses "inquiétudes" sur le tracking en ses termes : "non au moindre grignotage de libertés, puisque les démocraties ne savent pas rétablir les libertés qu'elles grignotent".
Dans un billet sur tracts de crise, Patrice Franceschi invoque Orwell et conclut avec lyrisme : "La sagesse nous engage à ne pas monter une marche de plus sur l’escalier du totalitarisme menaçant les sociétés modernes – ce totalitarisme qui ne tue pas mais empêche de vivre."
On entend ces objections d'autant que l'histoire de la démocratie est intimement liée aux principes de liberté individuelle, de secret médical, de non-discrimination.
À ses objections idéologiques s’ajoute des doutes sur l’efficacité même de l’application.
Selon l’association Quadrature du Net, pour être éventuellement efficace, il faudrait que l’application soit installée par au moins 60% de la population alors que dans l’exemple de Singapour elle n’a couvert que 16% des habitants. Son efficacité dépendrait aussi de la portée du Bluetooth qui varie selon les téléphones. Elle risquerait aussi de créer un faux sentiment de sécurité éloignant les utilisateurs des gestes barrières toujours indispensables.
On pourrait faire remarquer que l’application prévue ne permettra pas la localisation mais seulement l’existence de proximité d’identifiants anonymes et que l’application est basée sur le volontariat.
On pourrait aussi faire remarquer que ce dispositif faciliterait l’enquête qui est faite aujourd’hui systématiquement auprès des malades déclarés.
Devant ces doutes sur l’efficacité de l’application et s’agissant de liberté individuelle, on serait prêt à s’incliner et à partager la prudence des vertueux défenseurs des droits fondamentaux SI....
Si les ogres que sont les GAFAM, aux mains non pas d'états mais de magnats multimilliardaires bien éloignés de l'intérêt commun, ne nous avaient sournoisement transformés en prolétaire inconscient du numérique.
Hydres boulimiques de notre identité, de nos goûts, de nos préférences sexuelles, de nos options politiques, ils nous suivent constamment à notre insu en traçant en permanence nos pérégrinations sur la toile.
Ils surveillent scrupuleusement nos positions géographiques par le truchement de nos téléphones portables pour mieux nous inciter à consommer.
Alors pour commencer à lutter pour défendre, au nom de la sacrosainte liberté individuelle, le droit d'aller et venir où bon nous semble sans être repéré, il faudrait commencer par contraindre tous les fournisseurs d'application à anonymiser nos données et à enfin reconnaitre un droit de propriété sur les données personnelles, davantage protecteur que le droit européen actuel.
La tâche est rude car ce serait leur faire renoncer à une des sources voire la source principale des revenus gigantesques que nous leur offrons en échange de leurs services sans en être vraiment conscients.
En matière de surveillance de masse dont parle Patrice Franceschi, il est peut-être grand temps de contrôler celles que font en toute impunité les géants du numériques et leurs associés de fait que sont les fournisseurs d’accès à internet.
Patrice Leterrier
15 avril 2020