
Le président a martelé le mot guerre dans son premier discours annonçant le confinement.
La guerre cela veut dire que l’on doit faire face à un ennemi. En l’occurrence il s’agit du pire ennemi imaginable puisqu’il est invisible, qu’il frappe au hasard des rencontres et qu’il peut être mortel.
Certes il tue rarement mais au même titre que tous les joueurs du loto jouent pour gagner malgré leur infime chance, toutes les personnes susceptibles d’être contaminés (c’est-à-dire toute la population dans le cas d’une épidémie) craignent pour leur vie.
Et puis il y a ce confinement qui nous oblige à rester chez soi (quand on en a un…) et pour une durée indéterminée. Comme l’écrit Sébastien Boher "devant trop d’incertitudes, nous ne sommes pas tous armés de la même manière pour supporter cette incertitude, laquelle peut être dévastatrice. Notre faculté de tolérer l’incertitude est une caractéristique de la personnalité, qui varie fortement d’une personne à l’autre".
Symptômes de stress post-traumatique, anxiété, dépression, irritabilité, confusion, peur, colère, abus de médicaments ou de drogues, insomnie, stigmatisation.
Ce sont en gros les méfaits possibles de ce confinement et les conséquences peuvent être parfois dramatiques.
Une façon de réduire cette incertitude c’est d’expliquer ce qu’on ne sait pas par des théories simples et par exemple d’affirmer que ce virus a été fabriqué par l’homme. Un sondage récent montre que nous sommes 26 % à penser que le coronavirus a été créé à dessein dans des laboratoires.
Et comme d’habitude pour les tenants du complot plus on apporte la preuve que c’est faux plus ils y croient. Les psychologues appellent cela le biais de confirmation.
Mais devant ce danger potentiel l’autre réflexe naturel sera à la fois de chercher un bouc émissaire sur lequel on pourra faire porter l’entière responsabilité de la crise et un sauveur qui nous délivrera du danger par un traitement miracle.
Selon Giuseppe Bonazzi, "la création d'un bouc émissaire apparaît alors comme le prix de substitution qu'un groupe homogène de pouvoir propose de payer, dans le cadre d'une stratégie orientée vers le dépassement de la crise aux moindres frais".
Dans le cas qui nous occupe où, in fine, la gestion des ressources est confiée à un personnage unique, symboliquement considéré comme "plénipotentiaire" et chargé d'exécuter des programmes établis au sommet du pouvoir : Le Président.
En cas d'échec, même si l'échec est dû à des erreurs intrinsèques du programme, à une carence de ressources, à la défaillance de ses prédécesseurs, etc., la responsabilité retombera « par convention » sur le rôle exécutif plénipotentiaire.
Le sujet appelé à revêtir ce type de rôle est tenu de reconnaître et d'accepter a priori les risques inhérents au rôle.
L'autre figure emblématique de ces situations de crises extrêmes remettant en cause les valeurs que notre paresse et notre égoïsme de consommateur ont laissé s’installer au nom de l’efficacité économique, c’est celle du sauveur.
La prétention de sauver les autres n’est pas toujours dénuée de narcissisme. S’il l’on peut devenir un sauveur, c’est qu’il y a des victimes potentielles d’un danger imminent.
Et s’il y a un sauveur potentiel, il réduira pour les plus anxieux la perception du danger et tous ceux qui oseraient mettre en cause sa capacité salvatrice seront bien sûr des comploteurs au service des puissances de l’argent et des complices du pouvoir incarné par le bouc émissaire statutaire.
Restons lucides et admirons surtout tous ces soldats qui se battent pour vaincre l’ennemi qu’ils soient au front face à lui ou à l’arrière pour nous permettre de continuer à vivre et à nous nourrir.
Blaise Pascal écrivait "tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre"
Patrice Leterrier
3 avril 2020