Une fenêtre ouverte sur le monde
Les fondements d’une tragédie
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a chaine Histoire nous donne à voir en ce moment un reportage intitulé « Adolf Eichmann, une exécution en question »
Au-delà de la question même qui a secoué en son temps les consciences des intellectuels israéliens et à la lumière du tragique bain de sang qu’a provoqué la décision de Donald Trump d’ouvrir son ambassade à Jérusalem, ce documentaire nous éclaire sur les fondements historiques des positions israéliennes.
Le 31 Mai 1962 à 11h58 Adolf Eichmann, sa grâce ayant été refusée par Ben Gourion, était pendu à la prison Ayalon (Ramla). Il fut incinéré et ses cendres jetées au-delà des eaux territoriales Israéliennes.
Ci-dessous quelques extraits de ce reportage à lire à l’aune de cette terrible et brulante actualité.
Hugo Bergman qui avait, avec un groupe d’intellectuels israéliens, sollicité la grâce d’Adolf Eichmann, écrivait à une de ses étudiantes :
« Pour moi l’essentiel est l’âme d’Israël.
La terrible expérience du génocide a déjà affecté nos vies, les complexes qui nous tourmentent depuis des centaines d’années se sont réveillés.
Nous sommes face à un terrible dilemme. Nous sommes confronté au danger de choisir l’isolement pour l’isolement, de nous détourner des autres parce qu’ils seraient des incirconcis et d’abandonner notre mission au sein des nations »
Dans un article publié en 2011 par l’express, Hanna Yablonka ecrivait :
"Avant la comparution d'Eichmann devant la cour, la Shoah était loin des préoccupations des Israéliens de souche.
Le changement opéré par le procès est perceptible jusqu'à nos jours dans la manière dont Israël se perçoit parmi les nations, la Shoah devenant un moment fondateur, alors qu'à la création de l'État d'Israël, ce n'était pas le cas".
Dans le reportage, reprenant les propos d’Hugo Bergman, Hanna Yablonka nous dit :
« Si vous lisez ce qu’écrit Hugo Bergman à Gueoulah Cohen, c’est un prophète !
Parce qu’il dit que nous ne devons pas baser notre vie en nous présentant en permanence en position de nation persécutée, en étant toujours dans une position de nation persécutée et haïe par toutes les nations.
Nous devons fonder notre existence en état faisant partie intégrante de la famille des nations.
Après le procès Eichmann, la guerre des 6 jours (juin 1967) et la guerre du Kippour (octobre 1973), la shoah est devenue la partie essentielle de l’identité nationale des Israéliens.
C’est aussi simple que ça !
De fait nous mesurons, nous évaluons, nous soupesons notre existentielle situation et condition à l’aune de la Shoah.
Cela signifie que l’Iran est la shoah, la Palestine est la shoah, tout est une menace existentielle
Nous prenons la shoah comme boussole pour soupeser notre existentielle condition et les décisions de notre existence.
C’est, à mes yeux, une catastrophe nationale.
Parce que nous sommes incapables d’affronter la réalité d’aujourd’hui, la réalité telle qu’elle est.
Notre jugement est obscurci par le traumatisme de la shoah, ce qui n’est jamais une bonne chose quand il s’agit de prendre une décision réfléchie.
Je suis persuadée que cela compromet aussi le processus de paix, ce qui est de mon point de vue idéologique très problématique. »
Ces propos raisonnent tristement à nos oreilles après le tragique bain de sang qui illustre hélas cette « catastrophe nationale » pour reprendre les termes d’Hanna Yablonka.
Patrice Leterrier
15 mai 2018