Une fenêtre ouverte sur le monde
Monseigneur Belsunce
Évêque de Marseille
1671 - 1755
Si vous prenez la peine de vous rendre jusqu’au parvis de la major à Marseille, vous pourrez admirer la statue de Monseigneur Belsunce, œuvre du sculpteur aixois aixois Joseph Marius Ramus. .
Savez-vous que cette statue a connu un parcours incroyable depuis la date où elle fut installée temporairement devant la future Major, en l’honneur du Prince-président Louis-Napoléon venu poser la première pierre de cette cathédrale le 26 septembre 1852 ?
Dès 1819, on trouve trace des velléités de la ville d’élever un monument à la gloire de l’auguste Prélat.
L’Administration sanitaire avait émis le souhait d’élever à ses frais « un Mausolée en l’honneur de Mgr de Belsunce » dans l’Église des Bernardines pour célébrer, le 12 juin 1821, le centenaire de la fin de l’effroyable épidémie qui décima près de la moitié de la population phocéenne et fit près de 100 000 victimes.
L’affaire ne se fit pas à cause « la situation pénible des Finances de la ville ».
En guise de statue, l’évêque n’eut droit qu’à une médaille commémorative œuvre du sculpteur Pierre Joseph Chardigny.
Ce n’est qu’en 1851 que l’idée de construire une statue à la gloire de l’Évêque fut reprise.
S’en suivit de longues délibérations d’octobre 1851 à fin Juillet de l’année suivante où l’on débat avec passion du sculpteur choisi (le préfet avait suggéré le nom de James Pradier), de la matière à employer (bronze ou marbre) et du lieu où devait être placée l’œuvre qui voyagea beaucoup avant même d’exister.
Finalement il est décidé « qu'il y a lieu d'ériger une statue à Mgr de Belsunce ; Cette statue, coulée en bronze,[…], sera placée sur le Cours, à la hauteur de la rue Petit-Saint-Jean. Le prix en est fixé à la somme de vingt mille francs »
Tardivement le piédestal tout en marbre fut confié à Jules Cantini « moyennant la somme de 15 000 francs ».
Jules Cantini est plus connu des marseillais pour être le généreux donateur de la fontaine qui porte son nom se trouvant Place Castellane.
L’œuvre est achevée pour le voyage du prince-président en septembre 1852 et provisoirement installée pour l’occasion sur le parvis de la cathédrale.
L’inauguration officielle, sur le cours, maintenant éponyme de l’Évêque, se déroule pendant les fêtes de Pâques, le lundi 28 mars 1853.
En 1879, le moine bénédictin Théophile Bérengier, thuriféraire inconditionnel de l’évêque, rapporte : « On n’a pas oublié les scènes scandaleuses qui se sont produites à Marseille, en juillet de 1878, autour de la statue de l’admirable pontife »
L’évènement fut repris dans les journaux le Petit Cettois, et Ar Wirionez journal du Finistère et l’on peut y voir les traces des luttes enflammées entre légitimistes et républicains.
Le maire de Marseille de l’époque démissionna le 11 juillet 1878 à la suite de ces incidents.
Le 13 janvier 1891, le maire Felix Baret fait approuvé« le projet d'établissement d'une voie charretière au milieu des cours Belsunce et Saint-Louis»
Ces travaux effectués sur le cours Belsunce et le cours Saint-Louis eurent comme conséquence la nécessité de déplacer à nouveau la statue du Prélat.
Elle fut installée dans la nuit du 17 au 18 juin 1891 devant l’évêché alors demeure de l’évêque avant de devenir l’Hôtel de Police en juin 1908.
Elle ne trouvera sa place définitive devant la Nouvelle Major qu’en 1936.
En avril 1944 des résistants l’abritèrent sous des branchages dans un entrepôt du boulevard de Louvain. Ainsi, avec la statue du dresseur d’oursons, elle fut sauvée de la fonte.
Le 23 novembre 1944 l’œuvre retourna devant la Major et la statue fut découverte en fanfare et illuminée de lampions.
Selon l’historien marseillais Jean-Pierre Caselly, elle formait un binôme avec la statue de Victor Gélu, ornant la fontaine qui se trouvait Place Neuve (aujourd’hui Place Victor Gélu) qui fut fondue pour soutenir l’effort de guerre des allemands.
Le poète était représenté la main droite levée en train de déclamer un poème.
Les Marseillais prétendaient qu’il répondait au gens qui lui demandait de l’argent en leur disant « Non ! Je n’ai rien ! Allez plutôt demander à Monseigneur Belsunce ! » qui répondait les deux bras ballants le long du corps : « Allons ! Vous voyez bien que je ne peux pas ! Je n’ai plus rien ! »
De son attitude, bras ouverts et mains vides, vient aussi une expression typiquement marseillaise : Parlant d’un invité arrivant sans apporter le moindre présent à son hôte, on dit qu’il vient « comme Belsunce ».
C’est tout de même assez injuste envers la mémoire de ce personnage emblématique et indissociable de la grande peste qui s’abattit sur Marseille en 1720 quand on sait la générosité et l’engagement dont il fit preuve pour l’occasion.
Patrice Leterrier
31 Octobre 2016