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19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 13:11


L

es candidats au Bac de série L pouvaient choisir de traiter le sujet suivant : "L'objectivité de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de l’historien ?"

Jean-Jacques Rousseau disait dans l’Emile : "Thucydide est, à mon gré, le vrai modèle des historiens. Il rapporte les faits sans les juger ; mais il n'omet aucune des circonstances propres à nous en faire juger nous-mêmes." Voilà donc les qualités requises pour faire un bon historien selon lui.

Pour autant suffisent-elles à donner du sens à l’histoire, à faire de l’histoire celle des hommes et pas une succession de faits chronologiques dans des circonstances dont on peut d’ailleurs douter de l’exhaustivité n’en déplaise à Rousseau.

L’histoire a fait l’objet de tellement de détournements, de mensonges, de parti-pris en vue de démontrer des théories sur son supposé sens, qu’il est bien difficile de parler de l’objectivité et de l’impartialité de l’historien.

Pourtant, nous attendons légitimement que l’histoire nous soit rapportée avec objectivité, c'est-à-dire qu’elle soit mise en ordre méthodologiquement pour être comprise et pas simplement une succession de faits rapportés sans lien entre eux autre que la chronologie.

Evidemment en première analyse, il y a clairement des historiens qui manquent d’objectivité et qui sont de parti-pris comme il y a aussi beaucoup d’homme politiques, d’ecclésiastiques, de journalistes et de citoyens qui ont la même attitude.

Mais peut-on pour autant parler d’objectivité et d’impartialité pour les autres ?

L’impartialité évoquée ne se réduirait pas tout simplement au silence s’il s’agissait de n’exprimer aucun part pris alors qu’il faut bien se décider à en prendre un pour reporter des faits même si on appelle cela un point de vue.

Que dire de l’objectivité de l’historien sinon que le mot objectivité est lui-même d’une grande ambiguïté.

Veut-on dire, comme le suggère le Petit Larousse, pour objectivité que l’historien doit faire abstraction de ses préférences ?

Mais ses préférences ne l’ont-elles pas guidé dans ses recherches, dans ses choix, dans son approche de faits rapportés déjà souvent par d’autres qui avaient leurs propres subjectivités sans pour autant que l’historien soit obligé de les partager ?

A moins qu’on imagine que l’objectivité suppose la connaissance complète et parfaite des faits et de leurs circonstances, ce qui est impossible même de nos jours où les moyens d’informations se multiplient comme on peut le voir dans la guerre médiatique qui se joue en Iran.

Et quand bien même les faits serait connus, que dire des intentions des acteurs de l’histoire qui n’avaient rien d’objectif, que dire du contexte, des circonstances ?

Au fond ce qui compte c’est que l’historien soit méthodique, rigoureux et cohérent dans son approche, en quelque sorte qu’il soit honnête dans sa subjectivité, qu’il l’exprime clairement et sans ambages.

A l’occasion il n’est pas déplaisant qu’il écrive bien et qu’on ait donc plaisir à le lire…

L’historien raconte toujours une histoire, pas l’histoire qui est un concept abstrait comme d’ailleurs la vérité, l’objectivité ou l’impartialité.

Mais ces concepts n’existent-ils pas que par leurs négations? Elles sont parfaitement identifiables comme le mensonge, la mauvaise foi et le parti-pris. On peut vraiment dire, par exemple, qu’un négationniste ment de mauvaise foi et de parti-pris et ne fait pas œuvre d’historien.

Et puis l’histoire est soumise aussi à notre propre subjectivité, à notre méditation à sa lecture qui lui donne le sens que l’on construit soi-même au-delà de la subjectivité objective de l’auteur.

Quant au sens de l’histoire, Bergson disait "les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée". Et puis vu l’usage fait par des générations de donneurs de leçons qui ont conduit à des gigantesques catastrophes, il est clair que celui qu’on lui attribue trahit à coup sûr l’intention de l’auteur.


Patrice Leterrier

19 juin 2009

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17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 18:43

Iran blogosphère

S

ur son blog, Francis Pisani, pose la question de savoir si les personnes avec qui nous échangeons à travers les blogs, les sites dits sociaux comme Facebooks et autres sont des communautés ou des réseaux ?

On peut bien sûr revenir à la définition que donne le petit Larousse des deux mots.

Mais les choses ne se clarifient pas pour autant car ce dictionnaire nous propose en effet pour réseau bien des définitions assez différentes !

Il parle d’ensemble de personnes qui sont en liaison, qui travaillent ensemble (ex. un réseau d'amis) ou encore d’organisation clandestine (réseau d'espionnage, de résistance), ou même de structure définie par des relations entre des individus voire groupe social ayant des caractères, des intérêts communs, d’ensemble des habitants d'un même lieu, d'un même État.

Voilà presque la définition parfaite du fourre-tout et il est incontestable que trop de sens tue le sens…

On n’est pas vraiment mieux loti avec le mot communauté ! Toujours selon le pavillon de Sèvres de l’orthographe et du Scrabble, il peut signifier un groupement de communes, un établissement public regroupant plusieurs communes ou plus largement un ensemble de pays unis par des liens économiques, politiques, etc (vous admirerez l’et cetera…). On trouve encore, dans cette inépuisable source de connaissance, un groupe de personnes vivant ensemble et poursuivant des buts communs, une société de religieux soumis à une règle commune pour finir en apothéose par la définition biocénose en écologie. Le même petit Larousse, source inépuisable pour ma curiosité maladive, m’apprend (je confesse donc que je l’ignorais) que le mot biocénose désigne l’ensemble des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) présents dans un même milieu ou biotope. A vrai dire cette précision ne constitue pas une clarification sur le sens du mot communauté dont on ne peut pas dire que le sens commun s’impose à l’évidence à la communauté linguistique…

Donc après cette courte et très infructueuse recherche en vue d’un éclairage sur la question posée, j’ai envie de citer la maxime d’Albert Einstein :"Si vous ne pouvez expliquer un concept à un enfant de six ans, c'est que vous ne le comprenez pas complètement".
Il y aurait bien aussi du même auteur "Un problème sans solution est un problème mal posé" ou sa variante plus humaniste par André Gide "Il n'y a pas de problème ; il n'y a que des solutions. L'esprit de l'homme invente ensuite le problème".
Et au fond la sage sentence d’André Gide n’est-elle pas la clef de la question posée ?
Ces relations lâches, temporaires voire furtives, ténues et même superficielles que nous entretenons sur internet grâce à l’ordinateur (qu’il soit au grand jour sur un portable, un poste fixe ou enfoui dans un "Smartphone" qui cache sa vraie nature) n’ont en fait rien à voir du point de vue sémantique ni avec un réseau ni avec une communauté, quelle que soit la définition qu’on choisisse pour ces mots.
Il serait plutôt question d’une vague "connectauté" qui ne se définirait guère que par sa connectique. Elle ne se caractérise en tout cas pas par le partage stable d’objectifs, d’intérêts, de goûts littéraires, musicaux, artistiques… ou même par l’appartenance a des ensembles géographiques, linguistiques ou ethniques.
Ce qui n’interdit pas bien sûr à de vraies communautés et/ou réseaux d’utiliser largement ces mêmes moyens pour communiquer !
Mais ce n’est pas l’outil qui fait la communauté ou le réseau même si l’outil est un fantastique moyen pour faire vivre ces entités comme par exemple sur la blogosphère iranienne malgré la censure d’un pouvoir aux abois.
On ne dira jamais assez combien ces fantastiques outils permettent aux idées de circuler comme jamais elles n’ont circulé !


Patrice Leterrier

17 juin 2009

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12 juin 2009 5 12 /06 /juin /2009 17:53
 

C

'est donc pour la Saint Augustin, le lundi 15 juin que sortira le nouveau Petit Larousse 2010.

Tout le gotha guette qui aura l’honneur de rentrer dans ce dictionnaire prestigieux qui fête cette année ses 120 ans.  

Les arbitres des nominations n’y sont pas allés de main morte en faisant rentrer 150 nouveaux mots, sens expressions et locutions et pas moins de 50 personnalités politiques, culturelles, scientifiques et sportives ainsi que sept nouvelles planches illustrées.

Cela ne résoudra pas les misères du parti socialiste d’apprendre que leur première secrétaire Martine Aubry entre dans cette version en compagnie d’abord bien sûr de Barack Hussein Obama mais aussi de sa rivale malheureuse Hillary Clinton, du ministre de la Défense Hervé Morin et du président du Sénat, Gérard Larcher. Elle y retrouve aussi les écrivains Annie Ernaux et Benoîte Groult, les comédiens Jean Rochefort, Fanny Ardant, Sandrine Bonnaire, Audrey Tautou, les chanteurs Jane Birkin et Francis Cabrel, le grand buveur de café George Clooney et bien d’autres encore.

Pour les nouveaux mots on trouvera un clin d’œil adressé à la "vertitude"(*) ambiante avec l’entrée du mot "décroissance" défini comme une "politique préconisant un ralentissement du taux de croissance dans une perspective de développement durable". Il accompagne l’assez horrible mot financiarisation, le pur anglicisme "burn-out" qui ne s’imposait pas face à surmenage, pas plus que les qualificatifs surbooké ou overbooké.

Coté nouvelle technologie on trouvera le curieux mobinaute (mariage de "mobile" et d'"internaute") qui se veut désigner une "personne qui navigue sur Internet à partir d’un appareil mobile". Que direde peer-to-peer (P2P pour les initiés) qui avait fait l’objet depuis le 13 mai 2006 de la traduction officielle pair-à-pair ou poste-à-poste ?

Le Larousse argue qu’il consacre l’usage et le définit comme "une technologie permettant l’échange direct de données entre ordinateurs reliés à Internet sans passer par un serveur central". il est vrai que le P2P est à la mode avec le feuilleton de la loi Hadopi.

On trouve aussi buzz officiellement introduit au journal officiel du 12 juin 2007 avec le sens de bouche à oreille ou de bouche à oreille électronique. Le petit Larousse le définit comme "uneforme de publicité dans laquelle le consommateur contribue à lancer un produit ou un service via des courriels, des blogs, des forums ou d’autres médias en ligne et, par extension, une rumeur, un retentissement médiatique".

L’incontournable Web 2.0 fait aussi son entrée avec les mots composés dérivés de webtélé / webradio, le verbe poster (une note sur un blog) qui ne s’imposait pas, geek, e-learnig, e-book et IP (pour adresse IP).

Les expressions "faire pschitt", "être au taquet", "point barre" ou le stupéfiant "fumer la moquette" manquait évidemment pour rajeunir le toujours nouveau petit Larousse qui n’a pas une ride malgré son âge canonique.

On peut aussi s’étonner de ne voir apparaître qu’aujourd’hui le mot tsunami.

On peut s’interroger sur l’utilité de black-lister ou encore de pipolisation ou décohabiter.

Mais moi mon préféré c’est le joli verbe "cambaler" (variante "cambouler") qui, selon le Petit Larousse signifie en Provence transporter quelqu'un sur son porte-bagage. Je ne suis pas sûr que le petit Larousse soit remonté à l’origine du mot qui vient du cambalou, le bâton que les pèlerins portaient sur l'épaule et auquel ils accrochaient leur balluchon. Je ne crois pas non plus qu’il est noté qu’en argot marseillais se faire cambaler signifie être emmené au commissariat par les policiers.

Pour moi, marseillais, je connais plutôt l’expression se faire chaler pour se faire transporter sur le porte bagage. Mais il faudra attendre une autre édition pour corriger cette inacceptable lacune…

Patrice Leterrier

12 juin 2009

 

 

 

(*) Vertitude : Nom masculin inventé par moi pour désigner cette mode de mettre l’écologique au centre du débat politique

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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 11:17


O

n parle des sondes, on identifie les cadavres, on ratisse le fond de l’océan et on spécule à tout vent….

Les hypothèses vont bon train : problèmes techniques, erreur humaine, attentat ou, tant qu’on y est, choc avec une météorite.

Mais qu’est-ce qui poussent les hommes à vouloir tout comprendre même en l’absence de tout moyen pour ce faire ? En l'absence de preuves confirmant ou infirmant telle out telle thèse, on est porté à la crédulité, à l'indignation, à l'inquiétude mais rarement à la réflexion.

Fabrice Clément, chercheur en sciences cognitives à l'Université de Genève, pose la question fondamentale de la psychologie de la crédulité : "Qu'est-ce qui provoque cet effondrement des capacités de jugement ?"

Il affirme que "devant des affirmations hypothétiques, le cerveau humain est placé face à une affirmation dont il ne peut vérifier rapidement la véracité. Sinon, il faudrait mener une enquête personnelle longue et laborieuse" et quelquefois impossible, comme dans le cas du crash de l’Airbus AF447.

Or, toujours selon lui, "la rapidité de décision est un paramètre essentiel dans la façon dont nous forgeons nos convictions. Qui plus est, l'esprit critique a tendance à s'affaiblir d'autant plus qu'une telle affirmation est reprise par beaucoup de personnes".

L’hypothèse retenue par le chercheur est donc que ce sont les mécanismes mêmes qui ont été sélectionnés pour que nous puissions bénéficier d’une représentation véridique du monde qui, dans certaines conditions, s’enclenchent pour nous faire accepter ce qui devrait faire l’objet d’un filtrage cognitif probablement inhibé par la dimension émotionnelle forte de l’événement.

Peut-on pour autant accuser les médias d’abuser sciemment de cette caractéristique de crédulité de l’homme ?

Si l’on applique le principe en vigueur en criminologie qui veut que l’on recherche d’abord celui ou ceux à qui profite le crime, il n’y a aucun doute sur la culpabilité des médias.

L’attitude de certains d’entre eux que ce soit dans la presse écrite, la radio, la télévision et/ou maintenant l’internet semble clairement dictée par un intérêt économique évident à laisser filtrer les spéculations à petites doses homéopathiques pour ensuite les délayer sans scrupule.

Les tirages s’en portent d’autant mieux que la recette est largement éprouvée par la presse people qui fait son fond de commerce des rumeurs plus ou moins extravagantes. A vrai dire il semble aussi que plus les explications sont énormes, incroyables avec un peu de jugeote, plus elles intriguent le lecteur et donc augmentent les tirages ou l’audience.

Les médias sont d’autant plus crédibles que, dans leur peur de conséquences commerciales désastreuses et en dépit des dénégations (mais qui croire une fois encore ?) du constructeur Airbus, Air France s’empresse de remplacer massivement les sondes de vitesse Pitot dont le dysfonctionnement semble avéré dans l’accident. On remarquera cependant que l’on ne sait pas, dans l’état actuel de l’enquête, déterminer clairement la cause de ce dysfonctionnement.

Certaines voix à contre courant de ce délire collectif s’élèvent pour clamer qu’il faut dans ce domaine, comme dans d’autres, raison garder.

Mais alors elles n’ont donc rien à dire sur l’événement ? Comment cela est-il possible dans ce maelstrom médiatique où il est de bon ton d’avoir un avis sur tout ?

Patrice Leterrier

10 juin 2009

 

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6 juin 2009 6 06 /06 /juin /2009 14:44


O

n prétend que l'homme serait la seule espèce animale dont les membres sont capables de rendre systématiquement service à leurs congénères sans en attendre pour autant un retour, une récompense.

Depuis Charles Darwin, dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance, il est une croyance forte que les caractéristiques génétiques et les comportements dominants sont ceux qui favorisent la conservation des espèces.

Il était donc naturel pour le chercheur américain Sam Bowles de rechercher les origines de cet altruisme alors que tout pousse sur la plan individuel à favoriser l’égoïsme sur l’altruisme. Quelle est alors l'origine de cet altruisme ?

Le chercheur fait l’hypothèse que l'altruisme est une conséquence directe de la logique guerrière. Il semble qu’en effet autant l’égoïsme est largement gagnant à titre individuel sur l’altruiste, autant un groupe d’altruistes aura toujours le dessus en cas de conflit sur un groupe d’individus ne pensant qu’à leurs propres survies. Les conclusions de cette étude, obtenues à l'aide de simulations informatiques, réprouvent les théories qui font de l'égoïste l'être humain le moins fragile en cas de conflit.

L’altruisme serait donc le comportement le plus adéquat pour assurer la sereine pérennité de l’espèce humaine.
Comme il serait bénéfique pour l’humanité que les hommes méditent ce fait anthropologique !
Au lieu de nous recroqueviller sur nos petits avantages et privilèges, qui sont forcément le résultat d’un déséquilibre ailleurs car l’entropie globale impose sa loi, il nous faudrait retrouver les comportements qui tiennent compte des autres car ils sont les seuls capables de sauvegarder l’espèce humaine.
Altruisme donc ! Altruisme d’abord entre tous les hommes et femmes de la terre pour que cesse le scandale de la faim dans le monde et des épidémies qui ravagent encore notre planète.
Altruisme et tolérance pour respecter les religions, les traditions, les manières de vivre en pensant à ce qu’ils peuvent nous apporter au lieu de les combattre au nom de je ne sais quel reflexe de repli dicté par la peur de l’autre.
Altruisme au sein de notre société pour que cesse la violence et la répression envers les minorités au nom de la sécurité des citoyens et singulièrement envers les plus démunis comme par exemple ces jeunes en errance abandonnés à la régression tribale par une société coupable de cette désocialisation massive.
Altruisme enfin envers les générations futures pour que cesse la destruction de moins en moins lente de notre environnement. "La maison brûle et nous regardons ailleurs" disait Jacques Chirac le 2 septembre 2002 à Johannesburg. Depuis l’incendie n’a fait que croître et embellir alors que nous savons que la poursuite de nos comportements irresponsables nous conduit à notre ruine.
Au fond même notre égoïsme naturel devrait aussi nous pousser à l’altruisme car, sans ces efforts possibles et urgents, le monde deviendra plus difficile à vivre pour les privilégiés face à l’altruisme probable des hommes désespérant dans l’homme et réclamant leur juste part des richesses du monde.
Les sceptiques hausseront les épaules et se diront c’est un rêveur ! Saint-Exupéry disait "Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve".


Patrice Leterrier

6 juin 2009

 

(1) l’homme est un loup pour l’homme Plaute
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5 juin 2009 5 05 /06 /juin /2009 15:03


A

 la veille des élections européennes qui vont probablement battre un record d’abstention, on peut s’interroger sur le décalage grandissant entre le débat incroyablement animé sur le web et le désintérêt apparent des électeurs pour les urnes.

Bien sûr il y a la preuve avec les dernières élections présidentielles que les électeurs sont capables de se mobiliser lorsque l’enjeu de l’élection paraît clair et en rapport direct avec leurs préoccupations.

Mais n’y a-t-il pas aussi dans cette désaffection la marque d’un décalage grandissant entre les attentes des citoyens en matière d’actions publiques et les moyens utilisés pour l’expression de la vox populi ?

Nous vivons dans le monde de la surinformation, de l’instantanéité, de la relation directe, du multimédia.

Pourtant nous continuons à mettre des bulletins de vote dans des urnes et à attendre 5 ans pour juger le bilan des politiques.

Nous sommes bien sûr incapables de le faire d’abord parce qu’il n’a évidemment plus rien à voir avec les promesses de campagne faites 5 ans plus tôt et ensuite parce qu’aucune traçabilité nous permet d’apprécier réellement l’usage fait de l’argent confié par les citoyens aux pouvoirs politiques, qu’ils soient européen, nationale, régionale ou même local pour les maires.

Il n’y a d’ailleurs rien de choquant que les promesses de campagne ne soient pas tenues. C’est même en quelque sorte rassurant, vu la vitesse à laquelle les choses changent.

Entre deux élections, avec une mauvaise foi qui n’a pas de camps, les hommes et femmes (gaffe au MLF…) politiques s’étripent régulièrement devant les caméras de télévision, transformant ainsi la démocratie en une véritable médiacratie où l’apparence, le bon mot, la formule cinglante, l’attitude sont les principaux critères de jugement.

Les plus modernes d’entre eux lancent des blogs, des sites, des forums pour faire dans le vent. On y retrouve la même mauvaise foi, le même parti-pris que dans les traditionnelles harangues publiques.

Il ne s’agit pas d’éclairer le citoyen mais seulement de faire du prosélytisme visant à cultiver les frustrations des électeurs (opposition) ou à vanter outrageusement les réalisations (majorité) pour s’attirer leurs votes.

Décidément il serait grand temps que l’on se penche un peu plus globalement et avec sérieux sur le nouveau paradigme démocratique à construire au XXIème siècle - en respectant bien sûr les fondements de la représentativité - mais en intégrant enfin les formidables moyens d’interaction et de traçabilité de l’action publique qu’offre le net.

On pourrait par exemple promouvoir une sorte de webocratie interactive qui permettrait tout simplement d’intervenir dans le débat en continu, de poser des questions d’actualité autrement que par la forme compassée des séances à l’assemblée nationale et surtout d’observer une vigilance de tous les instants sur les réalisations des engagements pris en chargeant des experts indépendants de l’audit permanent de l’action publique.

Elle pousserait peut-être aussi les dirigeants à plus de respect des électeurs en les obligeant à justifier, arguments et chiffres à l’appui, leurs actions avec le risque cinglant d’être pris en défaut par des auditeurs neutres et incorruptibles.

Ainsi les promesses n’engageraient plus seulement ceux qui les écoutent mais bel et bien ceux qui les font.

Ainsi aucun homme (ou femme pas de faiblesse..) politique ne pourrait se prétendre responsable mais pas coupable.

Ainsi on en finirait peut-être avec ces anathèmes chiffrés spécialités surannées des politiques (j’ai trouvé la parade..) pour s’invectiver devant les caméras laissant les électeurs bien incapables de démêler le vrai du faux, le grain de l’ivraie, l’or de la gangue.

Ainsi, sans que la démocratie ne devienne une girouette otage de sondages, la vie politique pourrait redevenir au quotidien l’affaire de tous en toute transparence.


Patrice Leterrier

5 juin 2009

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3 juin 2009 3 03 /06 /juin /2009 13:55


T

éléphone portable, SMS, MMS, Messagerie classique, tchat, blog, Facebook, Twitter, Flickr, MSM, Skype, bientôt Google Wave et j’en passe.

Les moyens de communications sur internet et téléphone portable (souvent réunis en un même espace avec les iphones et autres blackberries) se multiplient beaucoup plus vite que notre capacité à les maîtriser.

On s’extasie devant la magie de la technologie, on vante la disparition des frontières, des fuseaux horaires, des classes sociales. On apprécie le mélange des cultures, la disparition des préjugés, la liberté de ton, etc…

Mais on s’esquinte aussi les yeux en déchiffrant de minuscules écrans tout en tapotant maladroitement sur des claviers minuscules, on écoute sur des téléphones lilliputiens de la musique nasillarde qui nous ramène au temps des premiers transistors. On épure jusqu’à la caricature les échanges, on baigne dans un flot de banalités, d’échanges convenus et de raccourcis déformants.

Que dire de l’abandon presque total de toute notion de langue châtiée ? Quel plaisir pourtant de lire ces belles phrases bien balancées, ces figures de styles (allitération, assonance, ellipse, emphase, euphémisme, hyperbole, litote, métaphore, oxymore et bien d’autres), ces expressions ciselées de nuances subtiles pour exprimer les sentiments, ces descriptions chatoyantes de paysage de rêve, ces éclairs d’humour décapant au coin d’une page,… Que dire aussi de l’abandon de l’orthographe avec lequel je me bats sans cesse sans pour autant renoncer à le respecter ?

Il ne s’agit pas de ma part d’une nostalgie amère qui trahirait mon âge canonique ! Il y a bien sûr plein d’aspects positifs dans cette révolution médiatique qui nous met en permanence en contact avec l’autre et avec l’information, sans biais ni censure. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que, selon Reporters sans frontières, la Chine a bloqué mardi l'accès à Twitter, Flickr et d'autres sites internet, à la veille de la commémoration du vingtième anniversaire de la répression de la place Tiananmen.

Certains d’entre nous (dont je crains faire partie) passent de plus en plus de temps devant leurs écrans plats à déchiffrer une information multimédia perdue dans un immense nuage de bruits. Il est bien difficile d’extraire l’or de cette gangue épaisse. Ne dit-on pas aussi que trop d’information tue l’information ? Mais n’oublie-t-on pas un peu vite, avec cette sentencieuse maxime, que l’information libre, débridée, surabondante est le signe incontestable qu’il reste encore un espace de liberté individuelle ? Il est de plus en plus indispensable de pouvoir se faire son opinion dans ce monde terriblement formaté par la médiacratie envahissante.

Doit-on craindre aussi que trop de communication tue la communication ? Sûrement si ces nouveaux moyens se substituaient à d’autres formes d’échanges plus traditionnelles. La Croix.fr publie un reportage sympathique intitulé "le temps joyeux des cousinades" qui apporte un éclairage rassurant sur ce point.

Pour ma part j’ai plutôt l’impression que cette gabegie de communication incite plutôt à plus de contacts qu’à les remplacer.

Il y a bien sûr les dangers de la supercherie sur l’identité réelle masquée derrière un avatar virtuel.

Mais il y a aussi de vraies rencontres qui peuvent se poursuivre au delà du net autour d’un partage qui peut s’appeler une rencontre, un concert, un spectacle, une conférence, une fête de famille, un anniversaire, …

Alors ne soyons pas esclaves de nos outils mais ne les remisons pas pour autant puisqu’ils élargissent notre champs social et culturel.

L’outil n’a jamais d’intention. Il peut servir le pire mais aussi le meilleur.


Patrice Leterrier

3 juin 2009

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22 mai 2009 5 22 /05 /mai /2009 14:15

 

L

e rôle de plus en plus important des innovations et de la technologie dans le futur de nos sociétés n’est plus à démontrer.

L’illustration qu’en font l’internet et le téléphone portable ne sont que les parties émergées d’un immense iceberg qui touchent tous les domaines d’activités de l’homme et singulièrement la santé et l’énergie.

Le principe même de la démocratie suppose que les fonds publics confiés par les citoyens à l’état soient utilisés au mieux selon les souhaits des électeurs. Mais l’axiome de base est évidemment que le citoyen est éclairé, qu’il a conscience des enjeux et qu’il est capable de trancher car il comprend le sens et l’importance de son choix.

On est donc au cœur même d’un passionnant et formidable défi pour la presse qui, par sa position d’arbitre entre les pouvoirs publics, les entreprises et les lecteurs, est censé devoir apporter l’éclairage nécessaire au bon exercice de la démocratie.

On voit donc l’importance du débat sur le rôle du journaliste d’innovation dont nous parle sur son blog Francis Pisani, journaliste français indépendant  Installé depuis 1996 près de San Francisco et de la Silicon Valley. Il écrit un peu comme un appel que l’on n’espère pas désespéré: "Outre la Suède, la Finlande et la Slovénie, très avancées dans ce domaine, le Pakistan et le Mexique ont décidés de s’y mettre. A quand la France?".

Les choses se compliquent pour les journalistes quand, comme par exemple pour la finance, il n’y a pas de consensus ni sur les causes ni sur les solutions ni sur le rôle bénéfique ou au contraire toxique des technologies et des innovations. On se souvient des effets désastreux il y a quelques années de certains algorithmes de vente (ou d’achat) automatiques en deçà (ou au-delà) de certains seuils sur les places de marché. On a évidemment aussi en tête le débat sur le dos du citoyen sur la relance par l’investissement versus la relance par la consommation qui agite le microcosme politico-économique avec des arguments dont la faiblesse (de part et d’autre) fleure singulièrement le parti-pris.

Les choses deviennent carrément inextricables quand la mauvaise foi, cette fois ci des acteurs en présence, s’en mêle comme c’est malheureusement les cas pour les OGN ou encore pour les effets supposés des ondes émises par les antennes ou les téléphones portables.

Il n’empêche que la difficulté de la tâche ne doit pas décourager mais au contraire stimuler. Il n’empêche que l’extraordinaire puissance de la mise en ligne instantanée des idées et des opinions ne doit pas effrayer, empêcher la réflexion mais au contraire la nourrir. Il n’empêche qu’il est de la plus haute importance que les scientifiques reconnaissent enfin comme un devoir inséparable de leur rôle la nécessité d’informer les médiateurs que sont les journalistes spécialisés. Il n’empêche qu’il faudrait que beaucoup de nos ingénieurs trouvent dans la presse un débouché motivant pour leur carrière.

Je n’ai sûrement fait qu’effleurer le sujet. Il ne semble capital qu’il soit pris en compte par la profession de journaliste et par les pouvoirs publics pour garder au mythe de la démocratie une once de crédibilité.

Bertrand Poirot-Delpech écrivait dans le grand dadais "Les jeunes feraient sûrement moins de bêtises si on leur montrait qu'en les commettant, ils n'inventent rien".


Patrice Leterrier

22 Mai 2009

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21 mai 2009 4 21 /05 /mai /2009 18:10

E

n ces temps troubles où les leaders n’ont plus la cote, les psychologues s’intéressent aux suiveurs jusqu’à inventer le mot "followership"(1) à opposer à "leadership". Faut dire qu’il y a plus de suiveurs que de leaders sur terre et qu’il n’est que justice que l’on rende enfin au suiveur ce qui est au suiveur. D’abord une évidence : il ne peut y avoir de leader que pour autant qu’ils sont capables, aptes ou en position (à vous de cocher la bonne case selon votre propre expérience personnelle) d’avoir des suiveurs.

Imaginez un leader comme Barack Obama seul, perdu sur une grande place du capitole(2). Plus aucune magie, plus aucune aura, seulement un grand américain, bronzé comme dirait Silvio Berlusconi, et au visage encore un peu adolescent. Il est vrai qu’il incarnait ce jour là plus que jamais il ne pourra le faire dans la suite de son mandat (le diable est toujours dans les détails) les qualités requises d’un leader, selon les psychologues James Kouzes et Barry Posner de l’université de Santa Clara en Californie : l’honnêteté, l’orientation vers l’avenir, la compétence et la capacité à inspirer les autres.

Mais pour être suiveur, il n’en est pas moins homme c'est-à-dire un être attaché à son libre arbitre. Bien sûr il y a les millions de bras levés en signe de soumission au leader autoproclamé, bien sûr il y a le résistant qui démontre qu’un suiveur peut changer de leader ou devenir lui-même un leader.

Selon le psychologue Boas Shamir de l’université hébraïque de Jérusalem, on peut établir une topologie du suiveur : le suiveur respectueux de la hiérarchie, le suiveur calculateur qui pense à sa carrière (il s’accroche au wagon de la réussite en quelque sorte), le suiveur sécuritaire qui ne veut pas d’ennuis (il y en avait un certain nombre durant l’occupation), le suiveur qui s’identifie au leader et enfin le suiveur qui suit parce qu’il craint le chaos(3)).

Mais au delà de cette classification peu glorieuse pour les suiveurs, on pourrait aussi retenir que sans suiveurs motivés, talentueux, imaginatifs, volontaires aucune société ne pourrait survivre. Et puis j’ai la faiblesse de penser que dans cette immense foule des suiveurs, pour la majorité d’entre eux, c’est un acte volontaire, réfléchi et sincère.

Avec les scandales des rémunérations, des parachutes dorés, des stocks options pléthoriques on aurait tendance à glorifier un peu plus les suiveurs.

Oui ! Mais voilà pour suivre il faut avoir quelqu’un à suivre. Dur métier que celui de leader avec toutes les incertitudes d’aujourd’hui mais il n’empêche que ce qui manque le plus hélas ce ne sont pas des suiveurs mais des leaders de talent.


Patrice Leterrier

21 Mai 2009

(1) http://www.mcgraw-hill.com.au/html/9781422103685.html

(2) Ci-joint un lien vers une photo impressionnante prise avec une caméra-robot de 1 474 mégapixels, soit environ 300 fois plus de puissance que les photos des appareils courant du marché. Si Pointez n’importe ou sur la photo en en utilisant la molette de la souris ou double cliquez pour l’agrandir et si vous avez la patience d’attendre quelques secondes pour la netteté, vous allez être impressionné ! http://gigapan.org/viewGigapanFullscreen.php?auth=033ef14483ee899496648c2b4b06233c

(3) de Gaulle en magicien de la communication avait parfaitement compris ce type de motivation quand il menaçait la France du chaos s’il devait partir.

 

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20 mai 2009 3 20 /05 /mai /2009 17:27

 

I

l ne s’agit pas d’une préférence dans la tessiture de partitions car alors on écrirait l’homme des "dos" mais bien de ce comportement peu sociable des accrocs de l’internet (dont je crains, hélas!, faire partie).

Ces gens -en général cultivés, avenants, sociables et par ailleurs équilibrés (vous avez vu comme je me soigne)- passent plus de temps à contempler leurs écrans plats qu’à regarder par la fenêtre les merveilleux effets d’une nature en renaissance même s’ils vous diront, malhonnêtes ou aveugles, qu’ils continuent ce faisant à écouter de la belle musique et à s’intéresser avec passion à ce qui se passe dans le monde.

S’agit-il d’une conduite addictive? Le Petit Larousse nous en précise la définition: Il s’agit d’un comportement répétitif plus ou moins incoercible et nuisible à la santé (toxicomanie, alcoolisme, tabagisme, boulimie, anorexie).

Le Petit Larousse sur ordinateur se garde bien de citer l’utilisation de l’ordinateur. On ne scie pas la branche sur laquelle on s’assoit! Peut-être, à moins qu’il ne classe le mal au dos que l’on attrape immanquablement dans cette manie internautique comme un effet secondaire et non direct du trouble.

Les psychologues s’accordent pour reconnaître que "les cyberdépendants, sont des gens qui dans leurs efforts de combler un vide identificatoire, se heurtent aux obstacles souvent imaginaires, avec des combats qu’ils estiment perdus d’avance ou sans intérêts, situations qui vont engendrer inévitablement des frustrations, des phénomènes anxieux, des troubles de comportements. C’est à la recherche d’un refuge, d'une échappatoire à la réalité, que cette tendance à s’extraire au contexte réel pourrait devenir l’une des motivations intimes des conduites des cyberdépendants."(*)

On est presque rassuré en lisant cela puisqu’on y retrouve plutôt dans cette définition les acharnés des jeux vidéos ou des jeux communautaires en ligne, mais il faut se garder d’un optimisme trop grand sur la gravité du mal internautique.

Les professionnels affirment aussi que "Le point commun de ces conduites addictives c’est évidemment la perte de contrôle, la recherche de sensations et de plaisir. Dans le cas des cyberaddictifs, on assiste à une polyaddiction, somme et intrication de l’addiction à l’Internet, de l’ addiction communicationnelle, de la sexualité pathologique. "

Là encore un grand ouf de soulagement. Pour ce qui me concerne mon addiction est plus une insatiable curiosité, un soif de connaissance "danaïdienne" qu’une pathologie sexuelle (Qui sont-ce donc ces pervers sournois qui douteraient de mon assertion ?).

Quand à l’addiction communicationnelle, je reste perplexe. La difficulté, me semble-t-il, est de déterminer la frontière entre le goût du rapport à l’esprit de l’autre, qui me semble sain et même vital tant il est vrai que nous n’existons que parce que nous échangeons avec les autres, et le caractère compulsif de cette recherche de communication qui relèverait d’une pathologie sous-jacente exacerbée par l’internet.

Pour finir de me rassurer je témoigne que je peux me priver sans problème d’internet… à condition bien sûr que je le décide. Comme Cyrano dans sa célèbre tirade j’aurais tendance à détester qu’un autre, fusse un grand opérateur des télécommunications, se permettent de le faire à ma place…

D’ailleurs je commence demain!

Mais j’entends déjà ma tendre compagne : "Qu’est-ce que tu dis Patrice ? Tu parles sérieusement ? Demain tu vas encore tapoter fébrilement sur ton clavier…"

Patrice Leterrier

20 Mai 2009

 

(*) http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/toxicomanies/internet_addiction/cyberaddiction.htm
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