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22 avril 2010 4 22 /04 /avril /2010 15:44

jumping


 

Q

 

uand on parle de sauter de joie, de prendre de la hauteur, d’être sur le toit du monde, au septième ciel ou inversement de sombrer dans la mélancolie ou de tomber bien bas, au trente-sixième dessous, il s‘agit de métaphores spatiales dont on pourrait croire que l’origine vient de la croyance d’un paradis se trouvant au ciel et  d’un enfer enfoui dans les profondeurs brulantes de la terre.

Mais Daniel Casasanto de l’Institut Max Planck de Psycholinguistique et Katinka Dijkstra de l’Institut de psychologie de l’Université Erasmus ont voulu savoir si ces expressions n’étaient pas en réalité un indice de la façon dont les gens vivent leurs émotions c'est-à-dire si ces images spatiales ne correspondent pas en réalité à des concepts intrinsèquement associés à nos pensées.

L’étude publiée par ses chercheurs dans la revue Cognition d’Avril 2010 semble démontrer cette hypothèse.

Une expérience réalisée avec 24 étudiants consistait, pendant qu’ils transvasaient des billes d’une boite dans une autre (vers le haut ou vers le bas), à leur demander de raconter des souvenirs autobiographiques positifs ou négatifs, comme par exemple "parlez-moi d’un événement vécu où vous vous êtes senti fier de vous", ou inversement d’"un moment où vous avez eu honte de vous-même".

Les résultats obtenus montrent que la remémoration d’événements positifs est plus rapide que celle d’événements négatifs lorsqu’elle se fait concomitamment avec le déplacement de billes vers le haut et inversement c’est à dire en concordance avec l’usage métaphorique des expressions du langage.

Une autre expérience a confirmé ce premier résultat. Il s’agissait cette fois de leur demander de rapporter un souvenir à l’école secondaire alors qu’ils effectuaient leurs taches sur les billes.

Là encore les souvenirs positifs étaient plus fréquents chez ceux qui devaient déplacer les billes vers le haut.

Daniel Casasanto en déduit "these data suggest that spatial metaphors for emotion aren't just in language, linguistic metaphors correspond to mental metaphors, and activating the mental metaphor 'good is up' can cause us to think happier thoughts."(*).

Sauter de joie, regarder les étoiles, prendre de la hauteur seraient donc des activités permettant de repousser les idées noires et au fond nous aurions tous intérêt à les enterrer le plus profond possible et à ne pas nous baisser pour les ramasser.

Il est vrai qu’il est plus fréquent de voir une gamine sautant à la corde présenter des signes de contentement que de la voir afficher des stigmates de contrariété.

Sautons donc sans hésiter sur les conclusions de ces chercheurs.

Participons sans la moindre retenue à cette élévation qui conduit à plus de satisfaction sans forcément verser dans un optimisme béat ni évoquer une ascension mystique.

Sans atteindre forcément un hypothétique septième ciel, on pourra peut-être ainsi mieux supporter les tracas de la vie.

S’élever au dessus des contingences opiniâtres amenuise incontestablement les dérisoires agacements de la vie.


Patrice Leterrier

22 avril 2010

 

 


"ces données suggèrent que les métaphores spatiales associées aux émotions ne sont pas seulement linguistiques mais qu’elles correspondent à des métaphores mentales, et que le fait d’activer une métaphore mentale associant la hauteur et le positif peut faire penser à des événements heureux"

 

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19 avril 2010 1 19 /04 /avril /2010 17:00

Gaïa


 

S

 

elon la théogonie (Θεογονία / Theogonía) d’Hésiode (VIIIème siècle avant JC) au commencement était chaos (Χαος) qui précéda non seulement le monde mais les dieux puis survint Gaïa (la terre Tellus en latin), Erèbe (Eρεϐος les ténèbres), frère de Nyx (Νýξ en latin Nox) - dont il a engendré Éther (le Ciel supérieur) et Héméra (le Jour) -  sans oublier Eros (Eρως le désir principe du commencement et de l’origine) qui, avec le fils de Nyx, Thanatos (Θάνατος le dieu des ténèbres dont le frère jumeau Hypnos (Yπνος) est invoqué si souvent de nos jours) gouverne les pulsions humaines depuis toujours même si Michel Onfray veut détruire aujourd’hui le piédestal sur lequel ses élèves avaient porté Sigmund Freud.

Gaïa donna naissance par parthénogénèse à Ouranos (le Ciel), Pontos (le Flot marin) et à Ouréa (les Montagnes et les haut Monts).

Gaîa, la Terre-mère, gardienne du pouvoir divin, observe depuis des siècles ce primate singulier dont les scientifiques s’échinent à découvrir l’ancêtre ultime qui engendra Sahelanthropus tchadensis plus connu sous le surnom de Toumaï.

Ce petit animal agile et malicieux s’est multiplié jusqu’à compter aujourd’hui plus de 6 milliards d’individus et il ne cesse de braver Gaïa avec la prétention incroyable de vouloir la dompter et la mettre à son service.

De temps en temps elle manifeste son humeur par des sursauts qui tentent de rappeler à l’homme qu’il est son hôte et non son maitre.

L’homme invoque alors curieusement le ciel qu’il a vidé depuis longtemps de ses divinités et théorise sans malice sur le chaos pour expliquer l’inexplicable associant parfois en une hyperbole étonnante les ailes d’un lépidoptère brésilien à une tornade texane.

Les philosophes de tout temps dissertent sur le sens de la fureur des éléments puis Chronos doit satisfaire son inextinguible appétit et nul ne songe à questionner Gaïa sur le sens de ses humeurs.

Et voilà notre homo sapiens qui se prend pour un dieu, se moque des distances, dilapide les ressources de Gaïa, défie les lois de la nature en s’envolant dans l’éther, joue avec le feu en triturant l’atome, construit des tours gigantesques oubliant l’histoire de Babel, crée des iles là où il n’y avait que l’océan, érige des digues pour maîtriser les flots qui se rappellent parfois à son bon souvenir.

Et puis Gaïa, victime d’une insignifiante éruption de son épiderme en Islande laissant s’échapper un mélange de feu et d’eau d’une plaie suppurante d’Ouréa, trouble instantanément cette domination apparente que l’homme pensait lui imposer.

Et les grands oiseaux de métal restent cloués au sol interrompant ainsi l’incessant ballet des illusions inutiles et prétentieuses de pingouins affairistes.

Ce salutaire rappel à l’ordre des choses qui veut que la sage jouissance de notre passage sur terre soit à partager avec les autres espèces et aussi avec les générations futures sera-t-il entendu lorsque les ailes des avions pourront à nouveau caresser Éther?

Ce minuscule incident, à l’échelle de la longue vie de Gaïa, ne nous indique-t-il pas pourtant que l’histoire de l’homme sur la terre n’est pas écrite et qu’elle est encore pleine d’imprévus et de menaces ?

L’équilibre fut si long à construire et il est fragile !

N’attendons pas que Gaïa se fâche pour la ménager avec amour et lui témoigner notre reconnaissance.


Patrice Leterrier

19 avril 2010

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 16:46

gutenberg presse


 

D

 

ans un article sur Slate.fr, Monique Dagnaud soulève le problème de la remise en cause du journaliste en tant que rouage de la démocratie.

L’analyse faite par la sociologue soulève clairement le problème du déplacement du rôle du journaliste, passant du traditionnel "intermédiaire entre la réalité du monde et le public" pour devenir aux yeux de l’opinion des "relais des puissants" et des "donneurs de leçons" cachant souvent leur incompétence sous un verbiage pédant comme celui des médecins de Molière quand ils ne sombrent pas dans une "peopolisation" dégoulinante de la politique.

On conçoit mal aujourd’hui un "J’accuse" tellement la médiacratie en place a verrouillé les réseaux traditionnels de distribution et bâillonné la plupart des journalistes qui distillent savamment une "information" destinée à formater l’opinion publique au service d’intérêts politico-économiques.

Le réquisitoire étant prononcé, la question est-elle vraiment que les journalistes tombent d’un supposé piédestal où ils se seraient eux-mêmes placés, accréditant au passage leur position de donneurs de leçons ?

Ne s’agit-il pas plutôt de repenser radicalement et urgemment le rôle du journaliste au moment où des ebooks, Kindle et autres Ipad préludent un nouveau mode de diffusion de l’information instantané, protéiforme, fractale et définitivement multimédia ?

La machine à vapeur et le chemin de fer n’ont pas fait la révolution industrielle mais elle n’aurait pas pu se faire sans eux.

L’explosion d’internet et la démocratisation probable de tablettes de plus en plus plates, de plus en plus légères, de plus en plus puissantes, de mieux en mieux connectables et surtout de moins en moins chères ne feront pas la révolution du journalisme mais elle ne se fera pas sans en tenir compte de ce nouveau prolongement de l’œil et de l’esprit humain sur son univers peut-être aussi important que l’invention de Johannes Gutenberg.

Comment ignorer un tel bouleversement qui confronte le journaliste à l’exigence de citer ses sources, à la simultanéité et la multiplicité des opinions et des réactions, à la force des images instantanées mais aussi à l’immense bruit cacophonique qui règne sur internet sous forme de rumeurs, de désinformation, de prosélytisme éhonté, de diatribes xénophobes et racistes, de publicités cachées sous l’apparence d’information, etc. ?

Le métier de journaliste est clairement à réinventer en osant dénoncer - comme le faisait Emile Zola dans son "J’accuse" paru dans l’Aurore le jeudi 13 janvier 1898 – les empêcheurs de penser et de débattre sans contrainte pour défendre la liberté d’expression.

En prenant modèle sur leur illustre prédécesseur, les journalistes ne doivent-ils pas instruire eux-mêmes avec courage et lucidité le réquisitoire de leur profession ?

N’est-ce pas le prix à payer pour un renouveau de ce métier à la fois si exigeant et si envoutant dans son essence même : celle d’éveiller les lecteurs vers une compréhension plus libre et plus approfondie des faits bruts.

Internet a probablement beaucoup plus bousculé l’espace-temps de l’information que la démocratisation du transport aérien a bouleversé le tourisme …

Au cœur de cette transformation se trouve aussi le difficile débat sur la neutralité du net dont on voit bien à travers l’exemple des démêlés de Google avec la Chine à quel point elle est au centre d’un enjeu démocratique vital pour la profession de journaliste.


Patrice Leterrier

15 avril 2010

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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 18:27

australopithecus sediba

Q

 

uelques jours seulement après la découverte de l’homme de Denisova dont l’ADN nous révèle un nouveau maillon de l’aventure d’Homo, voila que l’on retrouve deux squelettes d’hominidés datant d’environ 1,9 millions d’années.

Ils ont été dénichés par l’équipe du paléontologue Lee Berger de l'Université de Witwatersrand côte à côte dans la grotte de Malapa, à 40 km de Johannesburg en Afrique du Sud.

Il s’agissait d’une femelle d'une trentaine d'années et d’un jeune mâle d'environ 10 à 12 ans. Ils mesuraient tous deux 1,27 m et pesaient respectivement 33 et 27  kg.

La taille de la boîte crânienne de la femelle (de 420 à 450 cm3) semblerait indiquer qu’il s’agit d’une nouvelle espèce d’australopithèques ((du latin australis, "du sud", et du grec ancien πίθηκος, píthēkos, "singe") baptisée Australopithecus sediba (sediba veut dire source naturelle en langage sotho).

Le Professeur Lee Berger n’hésite pas à déclarer avec enthousiasme " Austrolopithecus sediba might be a Rosetta Stone for defining for the first time what the genus Homo is"(*), ce que le très médiatique paléontologue Yves Coppens, l’un des découvreurs de Lucy, balaie d’un revers de main, se basant sur l’existence de traces de l’homme remontant à 3 millions d’années pour déclarer au Figaro : :"Je vois mal comment l'homme pourrait avoir un ancêtre plus jeune que lui ! Pour moi, nous sommes tout simplement en présence d'un nouveau parallélisme évolutif, ce qui est déjà passionnant".

Il invente pour l’occasion le qualificatif de para-homo en référence au grec παρά para ("à côté de") et certes pas au latin para, impératif de parare ("parer, contrer") qui préfixe le mot paratonnerre , l’invention de Benjamin Franklin, pour se protéger de la foudre de ses contradicteurs…

Au fond ce qu’il y a de plus surprenant c’est qu’on s’étonne de découvrir que l’arbre généalogique qui conduit jusqu’à l’homo cybernetus d’aujourd’hui soit touffu à souhait, plein de branches épaisses dont on ne peut affirmer avec certitude laquelle conduit incontestablement jusqu’à l’étrange animal qui compte aujourd’hui plus de 6 milliards d’individus alors qu’ils n’étaient que quelques dizaines à l’origine et seulement un milliard au 19ème siècle (soit il y a quelques secondes à l’échelle de l’évolution).

Avec son industrie, sa technologie et surtout son égoïsme effarant, il menace aujourd’hui son environnement et par conséquent sa propre survie.

Parlant de ces découvertes, Yves Coppens se réjouie que "de plus en plus de gens s'intéressent à cette discipline. Les crédits alloués ont donc augmenté ce qui a mécaniquement permis de faire plus de découvertes".

On peut avec lui se féliciter de ce regain d’intérêt pour nos ancêtres mais on peut avant tout espérer que la recherche sans cesse remise en cause des origines de l’homme nous invite à mieux réfléchir sur notre devenir sur la planète.

Henri Bergson dans son ouvrage "l’évolution créatrice" affirme "si nous nous en tenions strictement à ce que l'histoire et la préhistoire nous présentent comme la caractéristique constante de l'homme et de l'intelligence, nous ne dirions peut-être pas «Homo sapiens», mais «Homo faber». C'est-à-dire l'homme artisan."

Et ce destin, faisant du prolongement de l’homme - y compris dans sa dimension cybernétique d’aujourd’hui - une partie prenante et parfois préoccupante de son identité, nous renvoie à la question lancinante de sa responsabilité dans la préservation de l’écosystème.

Au fond peu importe– sauf pour l’égo d’anthropologue en mal de reconnaissance – de savoir si Australopithecus sediba  est une "pierre de rosette" pour décrypter l’origine de l’homme.

Ce qui compte aujourd’hui par-dessous tout c’est que la brève carrière de l’homme moderne ne se termine pas, par sa faute, par un pitoyable suicide apocalyptique.

Patrice Leterrier

11 avril 2010

 

(*) Austrolopithecus sediba pourrait être la pierre de Rosette pour définir pour la première fois ce qu’est le genre Homo.

 

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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 13:54

blackcap-bird 

 

 

C

 

onnaissez-vous la fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) ?

C’est un passereau de la famille des Sylviidae qui niche en Europe et dont le mâle a une calotte noire caractéristique.

Georges-Louis Leclerc de Buffon nous révèle que les italiens l’appellaient capinera ou caponegro, les allemands l’affublaient d’un ravissant grasz muckl ou encore grasz spatz et que la femelle était connue en Provence sous le nom de Testo-Rousso.

Le grand naturaliste nous apprend aussi que "la fauvette à tête noire est de toutes les fauvettes celle qui a le chant le plus agréable et le plus continue : il tient un peu de celui du rossignol, et l'on en jouit bien plus longtemps car, plusieurs semaines après que ce chantre du printemps s'est tu, l'on entend les bois résonner partout du chant de ces fauvettes".

Son arrivée précoce et son chant lui ont valu son surnom populaire de "rossignol de mars".

Ce charmant volatile se nourrit de mouches, chenilles et autres insectes et de baies et fruits en automne.

Le mâle et la femelle se relaient pendant l'incubation, qui dure environ 13 jours, puis l'élevage des jeunes, qui quittent le nid à l'âge de 10 ou 11 jours. 

Francisco Pulido et Peter Berthold de l'Institut d’ornithologie Max Planck ont étudié pendant 13 ans les migrations des oiseaux chanteurs à partir d'une population de fauvette à tête noire nichant dans le sud de l’Allemagne.

Les résultats de ces recherches sont publiés le 5 avril dans les Proceedings de la National Academy of Sciences.

Leurs études semblent indiquer que ces petits passereaux n’ont que faire des querelles qui agitent le monde scientifique sur les causes du réchauffement climatiques.

Ils ont pris acte de ce réchauffement, et malgré l’adage qui veut qu’une cervelle d’oiseau ne soit pas un modèle de mémoire, ils ont adapté leurs comportements en réduisant leur période de migration et en raccourcissant la distance parcourue.

En extrapolant la tendance actuelle les chercheurs prévoient que les fauvettes ne migreront plus du tout d’ici 40 à 50 ans.

Plus inquiétant des espèces moins fécondes que nos fauvettes risquent tout simplement de disparaître faute de pouvoir s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes qui deviennent plus fréquents avec le réchauffement climatique.

Les hommes seraient bien inspirés de montrer au moins autant de clairvoyance que ces gentils passereaux.

Pourquoi préfèrent-ils imiter les autruches, à qui on prête bien gratuitement l’habitude de se cacher des dangers pour ne pas les voir, en continuant à nier leurs rôles dans les dérèglements climatiques actuels et futurs ?


Patrice Leterrier

7 avril 2010

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 12:59

coq-sauvage

Le coq bankiva

 

L

 

e génome de l'ancêtre sauvage principal de nos gallinacés domestiques, le coq Bankiva (Gallus Galus Bankiva), qui habite actuellement les forêts, les broussailles et les champs au bord de l'Himalaya, a été séquencé en 2004.

Contrairement aux espèces sauvages, nos poules domestiques peuvent pondre toute l'année et produisent de plus gros œufs.

Elles présentent une mutation absente du génome du coq Bankiva qui concerne le récepteur d'hormones thyroïdiennes régulant leur métabolisme.

Nos ancêtres ont probablement sans le savoir favoriser ces mutations en sélectionnant pour la reproduction des poules mutantes qui pondaient en dehors de la période de reproduction.

Certes ils n'ont pas introduit de nouveaux gènes mais ils ont cependant procédé à une sélection génétique quand même...

Depuis que l’homme s’est sédentarisé et a inventé l’agriculture et l’élevage, il n’a cessé de chercher à améliorer les rendements pour se nourrir.

D'ailleurs les belles tomates rondes sans goût, les melons toujours parfaits, les pêches énormes et fades gorgées d’eau, les fraises tchernobyliennes à la saveur de concombre,  les monstres de muscles primés au Salon de l'Agriculture, toutes sortes de céréales et de légumes sélectionnés ne sont-ils pas aussi le résultat d'une sorte de génie génétique avant la lettre ?

Dès lors pourquoi considérer que les variations génétiques de la nature sont - parce que c'est la nature qui les produit aléatoirement - plus ou moins bonnes que celles introduites par la main de l'homme?

D’aucuns ne manqueront pas d’arguer que les sélections faites par la nature ne visent pas à faire la fortune de grands groupes aux arrières pensées hautement vénales et que nous n’avons peut-être pas besoin de maïs transgéniques pour nourrir la planète.

En 2002 le prix Nobel Norman Borlaug affirmait lors d’une conférence "nous n’allons pas nourrir 6 milliards d’êtres humains avec des engrais biologiques" au risque selon lui d’abattre la majorité de nos forêts.

Mais, selon un rapport de la FAO à la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire qui s’est tenue à Rome en mai 2007, l’agriculture biologique peut produire assez pour nourrir la population actuelle de la planète.

Peut-être n’a-t-on pas non plus besoin pour nous nourrir de fermes aquatiques surpeuplées de pangas (Pangasius hypophthalmus) dont les femelles sont fertilisées avec des extraits d’urines de femmes et qui sont nourris avec des boulettes granulées composées de farine de poissons transportés au Vietnam depuis l’Amérique du Sud pour faire la fortune de nouveaux capitalistes sans complexe au royaume du marxisme soviétique.

Même si le prix et l’apparence pour le consommateur de ce "produit" est fort attrayant, son empreinte carbone laisse franchement à désirer avec ces milliers de kilomètres parcourus pour arriver dans nos assiettes.

On pourrait aussi parler de ces énormes saumons transgéniques et de l’impact encore inconnu de fuyards des bassins piscicoles sur la survie du saumon sauvage confronté à ce nouveau concurrent ?

Il n’empêche qu’aujourd’hui les arguments des ardents défenseurs de l’agriculture biologique se heurtent à la dure réalité des prix anormalement élevés qui dissuadent forcément les consommateurs.


 

Patrice Leterrier

5 avril 2010

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 15:44

Tsunami


N

 

ous sommes assaillis de nouvelles plus désespérantes les unes que les autres :


 

° Le tsunami pédophile qui semble déferler sur l’église catholique ;

° Les disputes des climatologues en bute aux climatosceptiques en tête desquels un Claude Allègre  pas beaucoup plus rigoureux que certains extrémistes qui font du réchauffement climatique un fond de commerce bien lucratif dans la foulée d’un Al Gore messianique ou d’un Yann Arthus-Bertrand dont les images valent mille fois mieux que les discours outranciers ;

° Les salariés de Sodimatex qui menacent de faire sauter leur usine ;

° Les marins cégétistes de la SNCM qui prennent une fois de plus les usagers en otages au moment des fêtes de pâques ;

°  Eric Zemmour qui dérape dans une affirmation digne de Dieudonné à Stéphane Guillon qui s’en prend aux "yeux de fouine" d’Eric Besson et qui oblige le PDG de Radio France, Jean-Luc Hees, à présenter "les excuses du groupe Radio France à M. Eric Besson" ;

° Le bouclier fiscal dans lequel certains voudraient voir le symbole emblématique de l’injustice fiscal ;

° Les très hauts revenus qui se sont envolés depuis quatre ans ;

° La bombe sociale qui menace d’exploser.

Je pourrais continuer cette litanie de nouvelles tristes, inquiétantes, révoltantes, pitoyables, indécentes, désespérantes, ridicules, grotesques et je ne sais quel autre adjectif dans le registre déprimant…

Faut-il être américain comme Nicholas Dungan - Senior Advisor à l’Iris - pour cesser de voir systématiquement le verre à moitié vide et porter un regard positif sur la France ?

Il nous rappelle que nous avons :

 

° un des meilleurs systèmes de santé du monde avec une espérance de vie record alors que la dépense de santé par habitant est deux fois inférieure en France par rapport aux États Unis;

° un réseau de transport unique avec comme fleuron le TGV mais aussi des métros et tramways dans un nombre considérable de grandes villes ;

° un leadership incontesté dans l’électricité nucléaire avec une vraie industrialisation du retraitement des déchets alors que les américains continuent à enfouir les leurs ;

° des champions industriels dans le traitement de l'eau et la gestion des déchets, avec Suez Environnement et Veolia qui sont deux des trois sociétés mondiales de premier plan qui exportent leur savoir-faire avec des contrats à long terme dans un nombre considérable de grandes villes dans le monde.

J’entends déjà les cassandres dubitatifs contestant l’intérêt du nucléaire, se gaussant des retards des TGV, s’indignant de leur facture d’eaux et fustigeant les urgences surpeuplées, les remboursements ridicules des soins dentaires, les lourdeurs de la sécurité sociale…

Sans doute ont-ils raison de réclamer toujours plus d’état, plus de sécurité dans nos belles villes, plus d’emplois, la santé pour tout le monde, etc.

Mais le débat qui fait rage aux États Unis sur le plan de couverture universelle de santé, ardemment défendu par Barak Obama, pose fondamentalement et utilement la question de savoir à partir de quel niveau une assurance doit devenir obligatoire - c'est-à-dire être financée par l’impôt - dans une démocratie ?

Le cœur de la question n’est-il pas que nous n’arrêtons pas de demander de plus en plus de sécurité et de râler devant les sommes astronomiques que nous devons reverser à l’état sous forme d’impôts et de cotisations de toute sorte?

La surenchère politique, la montée des exigences sécuritaires en tout genre et les déficits croissants nous obligeront tôt ou tard - comme pour le financement des retraites - à nous poser la question du juste équilibre n’en déplaise aux joueurs de flûtes démagogiques qui promettent à tous une lune que les générations futures n’auront qu’à payer à notre place.


Patrice Leterrier

2 avril 2010

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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 21:02

LHC

Le grand Collisionneur de Hardons

G

 

enève, 30 mars 2010 13h06 : des faisceaux de particules sont entrés en collision à un niveau d’énergie jamais atteint auparavant de 7 Tev, c'est-à-dire 7 mille milliards de fois l'énergie contenue dans un grain de lumière.

Ainsi, après des années de difficultés, était donné le coup d’envoi du programme de recherche du grand collisionneur de Hadrons (LHC) du CERN, un espoir immense dans la compréhension des lois fondamentales de l’univers.

Près de 8 000 physiciens des particules- la moitié du total mondial - participent aux expériences du CERN. Ils viennent de 580 institutions et de 85 nationalités.

Explosion de joie et fierté légitime des chercheurs européens qui dament ainsi le pion à leur collègues américains obligés de se contenter du Tevatron du Fermilab qui culmine à 1 Tev.

Et l’aventure ne fait que commencer puisque, d’ici 2012, la puissance du LHC sera doublée.

Le LHC c’est un immense anneau de 27 kilomètres de long installé à 100 mètres sous terre se moquant des frontières entre la France et la Suisse.

À l’intérieur règne un champ magnétique, près de 175 000 fois plus intense que celui de la Terre (8,3 teslas), qui permet de guider les protons sur leur trajectoire.

Un système cryogénique à l’hélium liquide porte le tout à une température de –271,3°C proche à moins de 2/10 de degré du zéro absolu.

À plein régime, chaque tube du LHC contiendra plus de 2 000 paquets de cent milliards de protons entrainés dans une ronde infernale à 99,999 % de la vitesse de la lumière qui feront plus de onze mille fois le tour de l’anneau en seulement une seconde.

Yves Sirois, physicien au CNRS qui se présente comme un chasseur acharné du boson de Higgs, prédit qu’avec ce programme, "il ne peut qu'émerger dans la décennie qui vient un bouleversement scientifique profond" dont le graal serait la confirmation expérimentale de l'existence du boson de Higgs ou du très recherché neutralino dont la découverte bouleverserait le modèle standard de la physique et résoudrait l'énigme de la matière noire.

L’existence hypothétique et apparemment indétectable de ce côté obscur de la matière, expliquerait notamment le fait observé dans les années 70 par Vera Rubin que les étoiles situées à la périphérie de la galaxie d’Andromède — comme pour d’autres galaxies spirales — semblaient tourner trop vite.

Il est assez vertigineux de penser qu’il faille que l’homme essaye de reconstituer dans l’infiniment petit les toutes premières nanosecondes de la naissance de l’univers il y a plus de 13,75 milliards d’années pour comprendre l’infiniment grand de notre univers en perpétuelle expansion et dont il semblerait que la plus grande partie échappe désespérément à nos observations.

Au fond il en est un peu de l’univers comme de l’âme humaine dont nous ne pouvons sonder qu’une infime partie de la complexité malgré les découvertes stupéfiantes des neuroscientifiques qui ne cessent de reculer les frontières de la connaissance sans aucun espoir de pouvoir un jour dénouer la complexité des milliards de connexions qui bouillonnent dans nos cranes…


Patrice Leterrier

31 mars 2010

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Merci à Bernard d'avoir relever mes erreurs de chiffres inacceptables!

Je crois que les autres sont corrects....

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 21:30

chimpschilling


T

out le monde connaît l’histoire d’Imo, femelle macaque japonaise de l’île de Koshima, qui eut la première l’idée de laver ses patates douces.

Cette pratique culturelle est devenue une habitude que les macaques japonais partagent avec l’homme mais il est vrai aussi avec… le raton laveur.

Les macaques sont un peu plus éloignés des humains que les chimpanzés qui sont nos plus proches cousins avec les bonobos, les gorilles et les orangs-outans et qui ont de vrais comportements culturels.

Nous savons qu’ils sont tous menacés victimes de la disparition progressive de leur habitat et de la chasse encore active en Afrique notamment.

Nous savons aussi que nos chers cousins sont capables de ressentir la douleur, d’exprimer la colère, l'amour, l'affection et d’autres sortes de sentiments que nous ressentons.

Nous savons également qu’ils peuvent éprouver de l’empathie, avoir des comportements altruistes désintéressés, qu’ils possèdent un langage gestuel assez sophistiqué.

Johan Lind et Patrik Lindefors publient dans Public Library of Science One un article qui nous apprend que le nombre des traits culturels chez les chimpanzés est directement corrélé au nombre de femelles du groupe et non pas au nombre de mâles.

Elles utilisent les outils plus souvent que les mâles. Elles transmettent leur savoir faire aux plus jeunes. Enfin, alors que les mâles ont tendance à rester dans leur colonie, les femelles s’expatrient plus dans d’autres groupes participant ainsi à la transmission de traits culturels d’une communauté à l’autre.

Certes cette étude ne doit pas être extrapolée à l’homme. Chez les humains, les modèles théoriques indiquent que la fréquence des traits culturels peut être prédite par la taille de population et non pas par le sexe.

On ne peut s’empêcher de souligner l’analogie du rôle de la femelle chimpanzé et de la femme dans l’éducation des plus jeunes et de mettre en avant une fois de plus la place irremplaçable de la femme dans l’évolution humaine qui va bien au-delà de la procréation…

L’étude qu’ils ont conduite bute sur une difficulté majeure : comment savoir si la relative faiblesse des apports culturels cumulatifs, qui sont exponentiels chez l’homme, est due à une incapacité génétique plus ou moins grande des chimpanzés ou au fait que le déclin des populations freine leur développement culturel ?

Cette interrogation nous renvoie à la problématique de la place des grands singes sur notre terre et des droits qu’ils ont de conserver leurs habitats et de se développer en harmonie avec l’homme.

N’est-il pas temps que la communauté internationale se décide enfin à leur conférer un statut ?

Certes, cela ne peut pas être celui d’un peuple mais n’y a-t-il pas la place pour une sorte de reconnaissance qu’ils sont d’une certaine façon des personnes.

Car il ne s’agit pas seulement, en l’occurrence, de la conservation de la diversité biologique mais bien d’une question de morale qui nous enjoint de respecter des êtres doués de conscience, si proche de nous et que nous menaçons par nos agissements de disparition.


Patrice Leterrier

26 mars 2010

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 17:24

Denissowa-marked2

                                                                                     La grotte Denisova


P

eut-être que vous connaissez l’Altaï situé en plein cœur du désert de Sibérie ?

On y trouve les forêts impraticables de la taïga et les montagnes de l'Altaï à la frontière entre le Kazakhstan et la Russie dont le mont Béloukha qui culmine à 4506 mètres est le sommet le plus élevé.

Quant à moi j’ignorais même jusqu’à son existence. Je ne savais pas plus qu’on pouvait y rencontrer des espèces rares, dont certaines en danger d'extinction comme l'ours brun de Saigulem, la panthère neigeuse, le bélier de la montagne, le chat de Pallas, l'oie indienne de montagnes, l'aigle Royal d'Altaï, le faucon-pèlerin, le gypaète barbu, le pygargue à tête blanche et d’autres.

Près du village de Chernyi Anui à environ 28 mètres au dessus de la rive droite de la rivière Anuj non loin de ses sources, se trouve la grotte de Denisova ainsi appelée en mémoire de l’ermite Saint Denis (en russe Dionisij) qui y vivait pendant la seconde moitié du 18ème siècle.

Elle est connue depuis longtemps comme le plus important site archéologique de l'Altaï. 20 couches différentes avec des vestiges archéologiques ont été excavées, la plus ancienne couche étant vieille de 300.000 ans.

À l'été 2008, des chercheurs russes y avaient déterré un fragment d'os d’un doigt d'hominidé. L'équipe l'avait précieusement conservé pour des investigations ultérieures, en supposant qu’il s’agissait d’un os de l'un des hommes de Neandertal qui a laissé un tas d'outils dans la grotte il y a entre 30.000 et 48.000 ans.

L’analyse de son matériel génétique nous livre une tout autre histoire. Lorsque les chercheurs allemands en ont extrait et séquencé l'ADN, ils ont constaté qu'il ne correspond pas à celle des hommes de Néandertal ni à celui de l'homme moderne, qui vivaient également à ola même époque. Les données génétiques, publiées dans la revue Nature  révèlent que l'os suggère que ce fragment appartenait a une espèce d’homme disparue depuis.

Svante Pääbo, auteur de l'étude et directeur de la génétique évolutive à l'Institut d'anthropologie évolutive Max Planck à Leipzig, en Allemagne confesse qu’il a failli ne pas y croire tant la découverte "semblait trop fantastique pour être vraie". Il ajoute qu’elle "a dépassé nos espérances".

Si ces résultats sont confirmés par les études complémentaires en cours, ce sera la première identification d’une espèce d’hominidés disparue faite seulement par une analyse ADN.

On sait depuis la fin du XIXe siècle que deux espèces d'Homo - Néandertaliens et l’homme moderne - ont coexisté pendant la dernière partie de la dernière ère glaciaire.

En 2003, une troisième espèce, Homo floresiensis, a été découverte, sur l'île de Flores en Indonésie, mais il n'ya eu aucune trace de cette branche ailleurs dans le monde.

Cette découverte apporterait de l’eau au moulin de ceux qui, comme l'anthropologue Ian Tattersall de l'American Museum of Natural History de New York affirme que l'évolution des hominidés au cours des 6 millions à 7 millions d'années suppose au moins deux douzaines d'espèces et que la coexistence de deux ou plusieurs d’entre elles dans une même zone géographique était courante.

Elle montre également combien il est possible qu’une espèce évoluée, maniant l’outil, peut-être même plus développée qu’Homo Internetus disparaisse sans laisser d’autres traces que quelques ossements dans des lieux reculés.

L’homme moderne contribue aujourd’hui massivement à la destruction de l’environnement qui a permis son développement depuis des millions d’années et qui fait qu’il faut nous préparer à accueillir 10 milliards d’humains dans moins d’un demi-siècle.

Cette découverte pourrait-elle lui rappeler qu’il n’est pas non plus à l’abri d’une disparition s’il continue à massacrer la terre avec acharnement et cupidité ?


Patrice Leterrier

25 mars 2010

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