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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 13:50

Diable-vert


H 

ervé This dont on peut apprécier les livres et les articles dans la revue pour la Science, nous rappelle sur son blog une magistrale étude du professeur Bruce N. Ames datant d’Octobre 1990 sur les dangers des pesticides dans l’alimentation.

Il résulte de cette étude que 99,99 % des pesticides présents dans l'alimentation des américains sont des composés produits "naturellement" par les plantes pour se défendre.

En moyenne  les Américains absorbent environ 1.5 grammes de pesticides naturels par personne et par jour, soit à peu près 10 000 fois plus que de résidus de pesticides synthétiques apportés par l’agriculture.

La date de l’étude pose le problème de la diffusion de l’information scientifique confisquée par des lobbies de toute sorte.

En 1990, le même professeur indiquait que les pesticides d’origine alimentaire (naturel ou synthétique) n’étaient responsables que de 0,1% des cancers c'est-à-dire un nombre dérisoirement faible face au ravage des vraies causes comme le tabagisme, le déséquilibre alimentaire et les infections chroniques comme celles causées par les hépatites B et C.,.

Le problème de la difficulté d'interpréter les études scientifiques pour le grand public se pose une fois de plus.

On retrouve aussi corollairement la question du détournement des résultats au profit de polémiques plus politiques, dogmatiques ou/et religieuses que scientifiques.

Certains ne manqueront pas de s’empresser d’aller rechercher des liens entre l’auteur de l’étude et l’industrie agroalimentaire pour la disqualifier à défaut de pouvoir la combattre sur le terrain scientifique.

En pleine crise politico-sanitaire du Mediator, après le fiasco du vaccin contre la grippe H1N1 qui a encore des répercussions cette année sur la campagne de vaccination, après la polémique sur les origines humaines du réchauffement climatique toujours vivante malgré l’avis des sages de l’Académie des sciences, la défiance du grand public envers les scientifiques reste vivace.

L’énorme pavé dans la mare que jetait cette étude, qui dort depuis 20 ans, risque hélas de rester encore inaperçue parce qu’il s’attaque au dogme du "naturellement" bon pour la santé !

Il est d’ailleurs piquant de relever au passage que, du point de vue de l’ingestion de toxines naturelles, les végétariens sont plus exposés que les autres !

Dans la revue pour la science de Décembre (n° 398), Ivar Ekeland nous livre une intéressante réflexion sur notre insensibilité à l’efficacité économique difficilement appréciable en comparaison avec notre indignation devant l’iniquité supposée beaucoup plus évidente à constater.

Un paradoxe puisque, si on peut se faire une idée assez précise de l’efficacité, il est bien difficile de mesurer l’équité que l’on confond parfois avec l’égalitaire (toutes les parts égales) qui serait un véritable désastre en matière de santé publique par exemple.

Il serait intéressant de comprendre pourquoi nous sommes si sensibles à des risques d’origine humaine même lorsqu’ils sont extrêmement faibles alors que, au nom de la bonté supposée de la nature qui pourtant est au mieux neutre, nous négligeons les risques naturels  qui sont infiniment plus importants.

Serait-ce le spectre du risque zéro qui nous hante ?

Le vert tournerait-il au vert de gris ?


Patrice Leterrier

20 décembre 2010

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