Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 12:21

noir-sourire.jpg


S

ur Slate.fr, Claire Levenson plaide pour "une utilisation décomplexée du mot noir".

Qu’adresse donc le mot noir ? Une culture, une communauté, une histoire ?

Dans son livre Le sanglot de l’homme noir, Alain Mabanckou écrit "il n’est pas exagéré d’affirmer que c’est le blanc qui a inventé le Noir" et il ajoute "qu’y a-t-il d’offensant dans les mots "Noir" ou "Nègre" pour que les remplaçât plus tard par le terme anglophone "Black", À chaque époque son vocabulaire et sa manière d’édulcorer les concepts".

L’ambigüité du mot n’est certes pas levée par sa substitution par "black" mais il reste confusément comme la marque d’une différence qui va dans l’esprit de celui qui l’emploie bien au-delà de la couleur de peau.

Une histoire ?

L’histoire de l’homme noir reste indissociable en France de celle de l’esclavage et de la période du colonialisme triomphant.

L’exposition sur les zoos humains au musée du Quai Branly rappelle la construction dans l’imaginaire collectif de la notion de sauvage et du rôle civilisateur de l’occident dont le point culminant fut certainement l’exposition colonial de 1931 à Paris.

Victor Schœlcher écrivait déjà "tout homme ayant du sang africain dans les veines ne saurait jamais trop faire dans le but de réhabiliter le nom de nègre, auquel l’esclavage a imprimé un caractère de déchéance"

Une communauté ?

La vérité est qu’en France la communauté noire n’a aucun sens puisqu’elle est, entre autres, le résultat de "stratégies politiques du pays d’accueil pendant certaines périodes sombres".

Les français "noirs" regroupent aussi bien les descendants des esclaves de l’époque de l’or blanc dans les îles du vent, ceux des tirailleurs sénégalais et autres enrôlés plus ou moins "volontaires" qui ont joué le rôle de chair à canons lors de la première guerre mondiale.

Il y a aussi les descendants des anciens "indigènes" de l’époque coloniale ayant choisis la France et encore des "vrais" immigrés africains à la recherche d’une vie meilleure.

Mais on doit également compter, comme l’écrit Alain Mabanckou, les "nouvelles générations qui n’ont plus rien à voir avec le continent noir mais qui estiment qu’on ne les reconnaît pas dans le pays où elles sont nées".

Une culture ?

Après la seconde guerre mondiale, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon Gontran Damas voulaient donner à la négritude une identité culturelle face à la volonté réductrice et intégratrice de la politique française dont on voit aujourd’hui encore les séquelles dans nos départements d’outre-mer.

Le mouvement s’inscrivait dans un désir de différence affirmée mais adressait des réalités diverses et une époque particulière qui précéda la décolonisation.

La négritude était un concept politique qui recouvrait un kaléidoscope, point de rencontre de la langue française avec des cultures d’origine diverses.

Qu’y a-t-il d’autre de commun culturellement que l’usage de la langue française entre un descendant d’un togolais, d’un sénégalais, d’un Ivoirien ou encore un noir martiniquais d’aujourd’hui ?

Le français noir ne peut guère revendiquer une culture noire commune du moins pas plus qu’un français, un italien ou encore un allemand peuvent résumer leurs racines culturelles à une "blanchitude".

Un jour peut-être on pourra dire noir comme on dit blanc, blond, roux, brun, yeux bleus mais aujourd’hui encore l’adjectif noir est porteur d’une connotation qui va bien au-delà de la couleur de la peau et ce n’est pas l’emploi de "black" ou "issu de la diversité" qui balaie le contenu sous-jacent du terme.


Patrice Leterrier 

26 Mars 2012

 

Fichier PDF

Partager cet article
Repost0

commentaires