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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 20:00

Neanderthal

I

l ne faisait peut-être pas aussi chaud qu’aujourd’hui en Août 1856 lorsque deux ouvriers travaillant dans une carrière, située dans la vallée de Neander sur la rive de la Düssel à proximité de Düsseldorf, découvrent les restes de ce qui va s’avérer être un nouveau type humain que l’on nommera l’homme de Neandertal.

Les hypothèses fuseront depuis la plus farfelue parlant des restes d’un soldat mongol de l’armée du général Alexandre Tchernitchev ou encore de ceux d’un homme moderne microcéphale ou rachitique ou même d’un homme fossile représentant un stade primitif de notre espèce.

Certains cependant y voyaient déjà un spécimen d’une espèce humaine disparue Homo Neanderthalensis.

Il faisait probablement beau temps le lundi 3 août 1908, lorsque les jeunes abbés Jean et Amédée Bouyssonie, fouillant une grotte appelée la Bouffia Bonneval située sur la commune de la Chapelle-aux-Saints au sud de Brive-la-Gaillarde, découvrent un squelette humain enterré dans une fosse.

Sur les conseils de l’abbé Breuil, ils confient leur découverte à Marcellin Boule, alors célèbre professeur de paléontologie au Muséum d’histoire naturelle.

Dès le premier examen, Boule est convaincu que ce squelette est celui d’un néandertalien.

Si Neandertal a été longtemps représenté comme un être primitif, simiesque, une sorte de brute épaisse, c’est largement due aux interprétations de Marcellin Boule.

Selon lui, il ne peut s’agir que d’un être «très primitif au point de vue intellectuel».

La presse s’emparera de la nouvelle et l’illustration du 20 février 1909 y consacrera cinq pages agrémentées d’une composition fantaisiste du peintre Frantisek Kupka représentant un Neandertal simiesque et primitif.

Le Tout-Paris se presse au Muséum pour découvrir ce chainon manquant entre l’homme et le singe.

Il nous faut pourtant aujourd’hui revoir radicalement cette vision qui donnait du sens à la poursuite de l’aventure d’Homo sapiens, justifiant en quelque sorte la disparition d’espèces inférieures.

Marylène Pathou-Mathis, dans le dernier Dossier pour la science, nous apprend que les néandertaliens pratiquaient en fait à peu près toutes les activités que l’on pensait propres à Homo Sapiens.

Ils avaient des stratégies de chasses élaborées, une alimentation variée, ils enterraient leurs morts, ils avaient une culture matérielle symbolique (pigments, coquillages perforées, serres et plumes à usage ornemental) et des qualités artistiques comme en témoigne les traces de main de la grotte d’El Castillo dans le nord de l’Espagne.

La découverte du gène FOXP2 néandertalien (impliqué chez l’homme moderne dans la parole et le langage) conforte les observations paléoanthropologiques et notamment la morphologie du cortex  cérébral mettant en évidence la présence des aires de Broca dans le cerveau néandertalien : les Néandertaliens maîtrisaient le langage articulé. 

Pierre Barthélémy reprend sur son blog passeur de science une étude internationale que vient de publier la revue Naturwissenschaften qui semble indiquer également qu’ils consommaient des plantes aux vertus médicinales.

L’existence du gène TSA2R38 chez Neandertal codant les protéines capables de détecter la phénylthiocarbamide (un composé amer présent dans les plantes) semble confirmer le caractère culturel de la consommation de plantes médicinales comme la camomille ou l'achillée millefeuille dont on ne peut pas dire qu’elles soient particulièrement agréables au goût,

L’enquête sur les causes de la disparition de Neandertal il y a environ 30 000 ans démontre qu’elle ne s’explique ni par une intelligence moindre, ni une alimentation peu diversifiée, ni par une extermination par l’homme moderne.

La conjugaison de multiples facteurs (climat difficile, compétition avec homo sapiens, fertilité et durée de vie moindre, métabolisme énergétique moins efficace, …) semble plutôt expliquer leur progressive disparition d’après Kate Wong.

Pour compléter notre vision de l’histoire de l’homme il y a aussi cette formidable découverte en 2008 d’un troisième larron : l’homme de Denisova dont l’ADN prouve que ce n’est ni un homme moderne ni un néandertalien mais il avait probablement avec eux un ancêtre commun qui vivait il y a 1 million d’années (Homo Heidelbergensis).

Ces avancées des paléontologues démontrent que loin d’avoir été une exception, l’homme moderne s’est trouvé en compétition avec des cousins comme Neandertal, Denisova et peut-être d’autres que l’on découvrira ou qu’on reclassera grâce aux analyses maintenant possibles de l’ADN.

Ce sont ces progrès qu’on a pu récemment démontrer que les deux espèces cousines se sont «connues» au sens biblique au Proche Orient, il y a environ 80 000 ans.

Ces «cousins» auraient tout à fait pu, dans d’autres conditions, subsister voire supplanter homo sapiens.

Une raison de plus, si c’était nécessaire, de bien veiller à notre environnement pour que l’aventure d’Homo Sapiens ne finisse pas comme celle d’Homo Neanderthalensis.


Patrice Leterrier 

23 juillet 2012

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