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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 17:27

MereTeresa


L

a question du don et de sa réalité - c'est-à-dire de son caractère gratuit qui ne signifie pas l’absence de motivation mais bien une motivation guidée par le souci d’autre chose que soi - reste tenaillante et à vrai dire voilà une question qui, selon l’expression de Eric-Emmanuel Schmidt,  "survivra à toutes ses réponses"

 La société moderne baigne dans la culture de l’échange, du profit et surtout de la quête permanente de l’enrichissement. L’homo avidus ne pense qu’à profiter : des soldes, de ses avantages acquis, de sa protection sociale, de ses droits et souvent aussi des autres…

A l’opposé l’image presque désincarnée d’une mère Teresa vouant son existence à la charité, aux autres nous renvoie à la valeur intrinsèquement inestimable de la générosité, des actes qui excluent par leur nature même toute idée de contrepartie.

Entre ce repli sur lui-même de l’homme capitaliste et profiteur des autres et le don de soi, si admirable mais si inaccessible de mère Teresa, n’y a-t-il pas place pour le don, pour des dons c'est-à-dire des actes d’abord absents de toute idée de contrepartie matérielle ?

On pourrait croire en première analyse que la multiplication des apports des internautes que ce soit dans les blogs qui se multiplient, dans les forums innombrables, les encyclopédies spontanées ou autres sites sociaux ne relèvent pas d’une approche marchande de la part des contributeurs.

En un certain sens, ces œuvres des sherpas de la toile sont des dons au sens socratique puisqu’ils n’ont pas pour but de répondre à une demande émise par autrui mais bien de faire naître une curiosité, une réflexion, une demande qui n’existait pas ou qui n’existe plus noyée par le flot continu des préoccupations quotidiennes.  

S’agit-il pour autant vraiment de don ? Probablement pas dès lors que chacun s’attend dans cet exercice à s’enrichir des apports des autres et participe en quelque sorte à une œuvre communautaire.

S’agit-il d’une réminiscence de la tradition du potlach pratiqué par les amérindiens, une sorte de surenchère jubilatoire de dons et de contredons  sur fond de rivalités, de désir d’avoir le dernier mot,  dont l’objectif caché serait d’impressionner l’autre ?

Peut-être pas non plus puisque dans ces échanges l’autre est en général multiple et anonyme et qu’il serait bien dérisoire sur internet de tenter d’avoir le dernier click….

Par ailleurs comme le fait remarquer Marie Lechner sur son blog, internet n’est-il pas en train de devenir "la matrice d’un nouveau système féodal, où une poignée de grands seigneurs exploitent des légions de serfs"?

Car toutes ces contributions, tous ces apports, toutes ces œuvres délivrées sans le moindre souci d’en préserver les droits d’auteur, même si elles flattent l’égo de leurs auteurs, profitent, au sens capitalistique du terme, d’abord à quelques grands acteurs du net comme Google, Facebook, Youtube, Myspace,  Wikipédia et autres.

Echappant à toutes les législations du travail, à tous les garde-fous sur la propriété intellectuelle, ces nouvelles pieuvres étendent leurs immenses tentacules pour asservir des internautes consentants et capter ainsi à eux seuls la manne du capitalisme cognitif.


Patrice Leterrier

9 mars 2010

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