Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 13:09

La-plaine.jpg

D

epuis le 23 décembre 1919, ce lieu bien connu de tous les marseillais sous le nom de la Plaine s'appelle ainsi. Il s’est d’abord appelé lo Plant de Sant Miquel (plateau de Saint Michel) pour devenir la Plaine Saint Michel puis la Plaine tout court, ce qu’il reste pour la plupart des Marseillais.

A l’origine, l’esplanade, qui se trouvait en dehors des limites de la ville, était connue sous le nom de Campus Martius et le chemin qui y conduisait s’appelait via de Campo Martio(3), un plateau désert qui ne s’animait que pour les exercices militaires et les visites royales.

Au XIIIème siècle les Croisés en partance pour la terre Sainte y campaient. Ils passaient le temps en y organisant des joutes et des tournois.(1)

Les édiles marseillais aimaient bien y recevoir leurs nobles hôtes.

Ainsi en 1319(4) ils y reçurent le roi Robert de Naples, qui était aussi comte de Provence, venu honorer les reliques de son frère Saint Louis d’Anjou qui furent enlevées en 1423 par Alphonse V d'Aragon lors du Sac de Marseille.

En 1516(1), Un cortège municipal y accueillit François Ier tout auréolé de sa victoire à Marignan, accompagné de la reine Claude.

Le 6 novembre 1564, le roi Charles IX, âgé de quinze ans, n’est pas encore l’instigateur de la tuerie de la Saint Barthélémy. Il vint à Marseille(5) accompagné de sa mère Catherine de Médicis, son frère le duc d'Anjou, son cousin le futur Henri IV. Au centre du Plan Saint-Michel, un trône avait été élevé sur une estrade couverte de riches étoffes.

Le 7 novembre 1622(3), c’est au tour de Louis XIII d’honorer la citée phocéenne de sa présence. Un trône surmonté d'un dais de velours bleu avait été dressé au milieu du Plan Saint Michel.

Le 8 mars 1701(1), les ducs de Bourgogne et de Berry, accompagnés de Vauban et du comte de Grignan, y passèrent en revue les troupes des galères commandées par le bailli de Noailles.

En 1814(1), la population y acclama successivement, le 19 août, le duc d'Orléans (le futur Louis-Philippe) et, le 1er octobre, Monsieur, comte d'Artois (le futur Charles X).

Dans l’euphorie de la proclamation de la république en 1848(1), un grand banquet patriotique y eut lieu au pied d'une colossale statue en plâtre représentant la Liberté.

De pauvres gens pensèrent y trouver refuge sous des tentes pendant la grande peste de 1720 ignorant que la contagion se moquait des collines(4).

C’est à la plaine Saint-Michel, rebaptisée pour l’occasion Place de la constitution, que la guillotine s’installât le 25 Juillet 1794 pour raccourcir un certain Barthélémy, fabricant de savon de son état, qui impressionna tant la foule par sa bravoure. Il fit trois fois le tour de l’échafaud et salua les assistants en s’écriant "je vais mourir pour la Patrie !".

Sur le Plan de Saint-Michel, qui s’étendait autrefois depuis l'église Notre Dame du Mont jusqu’à la place actuelle(4), s'étaient établis les Frères Minimes. Ils y construisirent un grand monastère dont le tyrannique consul Charles de Casaulx posa la première pierre le 13 janvier 1592.

Le monastère prit une importance considérable. Les Minimes s’étant entichés des sciences exactes donnèrent des savants dont Louis Éconches Feuillée, astronome de Louis XIV, et Charles Plumier, botaniste.

Ce n’est qu’au 18ème siècle que des immeubles commencèrent à border le plan qui prit alors le nom de place Saint-Michel(1).

La place ne prit sa configuration actuelle qu’au 19ème siècle avec la construction de ces fameuses maisons typiquement marseillaises dites "trois fenêtres" : trois étages sur rez-de-chaussée, chacun composé de trois fenêtres.

Elle devient une des places les plus bourgeoises et les plus paisibles de la ville.

C'est en 1883 que son sous-sol fut percé d'un tunnel de 700 mètres de long pour donner passage à un tramway qui reliait la gare de Noailles au cimetière Saint-Pierre. Marcel Pagnol raconte dans ses souvenirs d’enfance : "Le tunnel, vaguement éclairé par des lumignons dans des niches, n'était composé que de courbes et de virages : après un quart d'heure de grincements et de cahots, nous sortîmes des entrailles de la terre, juste au début du boulevard Chave, à 300 mètres de notre point de départ…. Mon père nous expliqua que cet ouvrage singulier avait été commencé par les deux bouts, mais que les équipes terrassières, après une longue et sinueuse flânerie souterraine, ne s'étaient rencontrées que par hasard."1

C'est de cette place que Louis Capazza et Alphonse Fondère se sont envolés confiant en leur technique du "parachute-lest" vers Appietto en Corse le dimanche 14 novembre 1886 vers 16h dans leur ballon Le Gabizos(6).

Jean Giono dans son roman Noé parle de la Plaine : "Du temps de ma jeunesse, il y avait au centre de cette place un bassin dans lequel évoluait un bateau à rames à forme de petit paquebot et pouvant contenir une dizaine d'enfants. Un feignant costumé en matelot faisait faire pour deux sous trois fois le tour du bassin, lentement, avec de longues pauses. Cela s'appelait le tour du monde. Chaque fois que je descendais à Marseille avec mon père, il me payait ça."

Jusqu’en 1983, on y trouvait aussi des charmantes calèches tirées par un âne pour y promener les gamins. Il y avait aussi autrefois un guignol comme au Palais Longchamp.

Depuis 1892, il s’y tient toujours un marché où résonnent sous les platanes les annonces colorées des maraichers.

Un terrain de football qui avait été installé a aujourd’hui disparu car le bruit incessant des ballons contre les grilles avait fini par exaspérer les riverains.

Si vous demandez à un vrai Marseillais où se trouve la Place Jean Jaurès, ce n’est pas faire injure à l’illustre tribun que de vous prédire qu’au mieux il vous dira probablement, après un temps d’hésitation "Ah ! oui, vous cherchez la Plaine ?"


Patrice Leterrier

5 février 2014

 

(1) Evocation du vieux Marseille André Bouyala d’Arnaud

(2) Histoire de Marseille Raoul Busquet

(3) Histoire de Marseille Augustin Fabre

(4) Histoire de Marseille Amédée Boudin

(5) Histoire de Marseille Volume 1 Antoine Ruffi

(6) Marseille Zig Zags dans le passé Pierre Gallocher

 

Fichier PDF

Partager cet article
Repost0

commentaires