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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 18:46

savant fou 2

Y

ves Michaud dans la revue philosophie magazine souligne que l’histoire de la philosophie occidentale est marquée par le triomphe de la raison, de la volonté et par la méfiance du corps, des émotions, des passions refoulées selon Kant dans le pathologique.

On pourrait croire que dans cet environnement culturel, où la science ne cesse d’exprimer sa toute puissance sur le monde qui nous entoure, l’image du scientifique soit le summum de l’accomplissement humain.

Et pourtant, alors que 3 Français sur 4 considèrent que la science et la technologie apportent des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent selon une enquête d’IPSOS, les métiers de scientifiques ne soulèvent guère l’enthousiasme des jeunes français.

Est-ce parce que, malgré cette hégémonie du rationnel, comme l’affirme Matthew Hutson dans une interview sur Wired Science, "la pensée magique est un instinct humain naturel que nous avons tous" ?

Comment vraiment le contredire ? Qui peut affirmer n’avoir jamais touché du bois, évité de passer sous une échelle, vu comme un mauvais présage un chat noir traversant une rue ?

Qui peut également affirmer qu’il n’a jamais pensé qu’il était maudit lorsque le professeur l’avait choisi pour expliquer le sens profond d’une tirade de Racine ?

Comment éviter et à vrai dire pourquoi éviter de penser que les événements qui nous arrivent ont un sens ?

Le destin de l’homme est de chercher un sens aux événements qu’il vit même si la discipline scientifique le dissuade de ce projet insensé.

Ce hiatus entre cette intuition que "ce qui devait arriver arrive" et la rationalisation froide que nous impose la démarche scientifique n’explique-t-il pas une partie du désamour entre le public et la science ?

Est-ce plutôt parce que, comme l’affirme Michael Brooks, l’image du scientifique resterait la plupart du temps associé chez les enfants, à un barbu lunetteux portant une blouse blanche impersonnelle quand ils ne vont pas jusqu’à le représenter "tenant un tube à essai au dessus de sa tête et criant «Avec ça je peux détruire le monde» " ?

L’une des conséquences les plus inquiétantes de cette mauvaise image c’est que plus un seul enfant n’aspire à devenir un scientifique.

Tout le monde connait l’extravagance et le génie d’Albert Einstein, mais quel enfant songerait à un tel destin ?

Ils préfèrent rêver être plus tard une nouvelle star, le successeur de Raphael Nadal ou un trader roulant en Porsche pour se rendre dans son loft situé dans la City de Londres.

Comment ne pas s’inquiéter aussi que nos meilleurs "cerveaux" n’aient que la ressource de s’expatrier pour prétendre à un salaire décent et à des budgets conséquents pour poursuivre sereinement leur recherche ?

Une étude récemment publiée par l’Institut Montaigne révèle que«"les meilleurs chercheurs, les plus prolifiques et les mieux intégrés sur le plan international" sont le premiers à s’expatrier et que "le problème se pose de façon plus aiguë dans le domaine des sciences de la vie et des sciences exactes dont les innovations et les découvertes sont riches de retombées économiques".

Faut-il ne compter que sur ceux qui considèrent leurs métiers comme un sacerdoce alors que la science n’a rien à faire les religions et s’y oppose même lorsqu’elles prétendent lui dicter la vérité au nom d’une orthodoxie immuable ?

Alors que le devenir de notre société dépend de plus en plus des progrès scientifiques et techniques, cette désaffection de la carrière scientifique est préoccupante.

L’image de la science passe aussi par l’image des scientifiques elle-même en partie fonction de la reconnaissance de la société qui devrait aller bien au delà de la seule renommée internationale.

Les plus brillants d’entre eux devraient devenir aussi les plus médiatisés, les plus admirés, pourquoi pas les plus riches, pour que l’on souhaite que des bambins nous déclarent les yeux plein de rêves : "je veux devenir un scientifique".


Patrice Leterrier 

18 juin 2012

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