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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 18:30

abbe pierre


I

l fait froid en France aujourd’hui et voilà que me revient comme une lancinante litanie la voix tremblotante de rage et de compassion d’Henri Grouès, fils d’une famille aisée de soyeux lyonnais, plus connu sous le nom d’Abbé Pierre qui, le 1 février 1954 à une heure du matin sur l’antenne de Radio Luxembourg, lançait son cri de détresse "Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée..."

J’avais alors neuf ans et pas plus que d’autres n’ont entendu l’appel du général de Gaulle le 18 Juin 1940, je n’avais entendu son appel vibrant.

Je m’émerveillais, insouciant à la misère et soigneusement emmitouflé par une mère attentionnée, des stalactites qui décoraient anachroniquement les sculptures ornant les chutes d’eaux du Palais Longchamp, œuvre de l’architecte Henri-jacques Espérandieu à qui l’on doit aussi la basilique de Notre Dame de la Garde.

Je pensais avec gourmandise au bon chocolat chaud qui m’attendait tout en me remplissant les narines de l’odeur des marrons qui grillaient sur un brasero improvisé par un vendeur ambulant qui les remuait à main nue à mon grand étonnement devant son agilité pour ne pas se brûler.

56 ans après, je ne m’émerveille peut-être plus avec autant de gourmandise des paysages neigeux, si rare dans notre Provence, mais le froid, comme un pied de nez à l’insouciance coupable des politiques face au réchauffement climatique, est là pour nous rappeler, hélas, à quel point le message de l’abbé Pierre est toujours scandaleusement d’actualité, comme celui laissé par un autre altruiste au cœur immense que fût le regretté Coluche.

Edgard Morin appelant de ses vœux dans une rubrique du Monde à la métamorphose écrit "Il ne suffit plus de dénoncer. Il nous faut maintenant énoncer".

Il y a effectivement urgence à énoncer, à éclairer l’avenir des générations futures, à redonner du sens au destin de l’homme, à prendre définitivement conscience que l’histoire des états-nations conduit inexorablement à l’affrontement des égoïsmes.

Il y a urgence a faire éclore une nouvelle ère qui dépasse cette dimension historique des états, qui englobe sans la nier l’identité des nations et au passage celle des citoyens, pour sauver la planète et en finir avec les scandales comme la malnutrition, les conflits ethniques et religieux ou encore la banalisation terrifiante du nucléaire devenu objet de surenchères commerciales au mépris du principe de précaution dont on nous rabâche pourtant sans cesse les oreilles jusqu’à nous faire douter de tout.

Il y a effectivement urgence à réagir, comme il y a un demi-siècle et parce qu’il y a un demi-siècle que l’Abbé Pierre jetait son cri à la face des français anesthésiés par le froid, contre le scandale des sans-abris parce que cette révolte est porteuse d’une saine réaction contre d’autres absurdités nées de la toute puissance du marchand sur la morale et la politique.

Il y a de quoi s’inquiéter de voir, comme nous l’apprend le dernier sondage réalisé par la Sofres pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po pour mesurer le baromètre de la confiance des français, qu’ils ne font massivement pas confiance aux hommes et femmes politiques de tout bord et ce d’autant moins que l’on s’élève dans la hiérarchie (le maire avec 69% de confiance étant aux antipodes du Président de la république avec 64 % de défiance).

Il fait froid sur la France mais il fait encore plus froid dans nos cœurs devant l’égoïsme triomphant qui domine ce monde et l’impuissance de nos dirigeants à changer les choses.


Patrice Leterrier

11 janvier 2010

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