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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 13:35

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P

ourquoi est-il possible, d’une certaine façon presque valorisant, de pouvoir déclarer en société qu’on est nul en science sans paraître pour le dernier des incultes, voire au contraire pour revendiquer ostentatoirement une culture générale encyclopédique ?

La culture générale serait-elle plus noble lorsqu’il s’agit de parler savamment de l’art de la fugue chez Bach, du style littéraire de Marcel Proust, des arabesques sublimes d’un Roudolf Noureev, de l’univers onirique d’un Charles Baudelaire et sans valeur "culturelle" lorsqu’il s’agit du principe d’incertitude de Heisenberg, de la théorie du big bang ou de la reproduction des orchidées ?

L’article publié par the Telegraph intitulé "Knowing about science is not a trivial pursuit(la connaissance scientifique n’est pas un jeu de trivial poursuite)" est emblématique du rôle incontestable de nos jours de la science dans la culture alors qu’on a trop souvent le snobisme de les opposer.

Aujourd’hui, où la science et la technologie envahissent littéralement notre environnement, comment pouvons nous rester dans la contemplation des choses, dans l’utilisation de tous ces objets qu’elles nous offrent, à profiter des progrès incessants de la médecine  sans chercher à comprendre un peu ce qui se cache sous l’apparence magique des choses ?

J’aime assez cette idée de Richard Feynman que la connaissance de l’anatomie détaillée d’une fleur n’enlève rien au contraire au plaisir de la contempler même lorsque l’instant est éphémère comme pour la rose que Ronsard, éconduit par une jeune femme, associait à la fragilité de la beauté féminine.

En conclusion de son article l’auteur Tom shiver écrit "Il ya un monde magnifique et important sous la surface de tout ce que nous appelons art, et si vous n’avez pas la moindre idée de ce dont il s'agit, vous ne voyez qu'une infime partie de l’œuvre".

Il n’est certes pas nécessaire d’être botaniste ou biologiste pour apprécier l’élégance et le parfum d’une fleur mais pourquoi les connaissances de l’un ou de l’autre seraient-elle un frein au plaisir esthétique ?

Faut-il d’ailleurs que les grands découvreurs de la science aient eu une imagination fertile, un sens artistique inné, une puissance créatrice de premier ordre pour dénicher derrière les apparences les secrets de l’univers.

Le grand collisionneur de Hadrons qui a permis la découverte probable du fameux boson de Higgs a maintenant fermé ses portes jusqu’en 2015 pour maintenance.

Il a totalisé la bagatelle de 6 millions de milliards de milliards de collisions entre protons et a permis d’accumuler pas  moins de 60 péta octets de données.

Il a aussi fourni de superbes images de ces furtifs moments où la matière se dévoile en toute impudeur et dans sa plus fine intimité aux savants.

A l’autre extrémité de la quête de connaissance, on peut aussi admirer les images obtenues par les radiotéléscopes d’ALMA situés dans le désert chilien d’Atacama d’"un bébé planète nourri au biberon stellaire" pour se convaincre qu’art et science sont décidément inséparables.

La disparition en Chine de 80 % des récifs coralliens en 30 ans nous prive d’une merveilleuse diversité d’êtres vivants dont on ne se lasse pas d’admirer la beauté.

Comment douter de la subtile familiarité des mathématiques avec l’art en voyant les images de fractales exposées au Bard Graduate Center à Manhattan par l’historienne d’art Nina Samuel qui a passé deux semaines à interviewé Benoît Mandelbrot en 2008 ?

On pourrait poursuivre à l’infini cet énoncé de la connivence entre la nature visible ou cachée et l’art.

Alors devant tant de manifestations de l’indispensable rôle des scientifiques pour nous faire découvrir non seulement le fonctionnement de toute chose dans l’univers mais également son insondable beauté, n’est-il pas temps de revenir à cette vision du temps de Thalès, de Pythagore et d'Aristote, où la science, l’art et la philosophie étaient indissociables du "savoir de toute chose dans la simplicité" ?


Patrice Leterrier 

5 janvier 2013

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