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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 21:34

Hier soir à la télé

H

ier soir on ne pouvait qu’être choqué par le regard envouté presqu’énamouré et sans pudeur d’un Laurence Ferrari buvant les paroles de Nicolas Sarkozy comme le plus raffiné des nectars. Hier soir on ne pouvait qu’écouter le monologue ciselé avec une précision impressionnante du président face à des faire-valoir sans envergure. Hier soir, certains peut-être, dont je ferais volontiers parti, aurait aimé voir le président vraiment interrogé par un Laurent Joffrin acide et polémique avec malice, un Yves Calvi teigneux comme un pitbull ou un Jean-François Khan intellectuel anarchique au style baroque, bref des gens dont le cerveau ne fonctionne pas uniquement pour flatter le pouvoir dans l’espoir vain d’une récompense. Que dire aussi de la présence de ce fossile de la télévision piquant une crise de nerfs parce que les jeunes aux dents longues accaparent l’attention du président (je parle bien sûr d’Alain Duhamel) ? Le comble n’était-il pas le pauvre journaliste Guy Lagache (de M6) complètement tétanisé de se retrouver sur le plateau. Maintenant, ayant évacué ma frustration d’un vrai débat sans interdit et sans condescendance navrante, il est impressionnant de voir à quel point les commentaires des hommes de la classe politique et des syndicalistes à la suite de l’émission auraient pu être écrits…avant, tellement ils campent sur des positions figées. Mais ce qui était pour moi le plus étonnant et je dirai même le plus déstabilisant c’est qu’au fur et à mesure que Nicolas Sarkozy développait avec méthode et un certain talent son film pédagogique, un doute inconscient grandissait en moi sur la conviction du président de l’efficacité des pistes de solutions envisagées. J’avais l’impression qu’il égrenait presque mécaniquement un catalogue sans vraiment structurer l’ensemble dans une vision politique. On était loin de la politique de civilisation dont on attend toujours la signification. Un peu comme si le chasseur ne voyant pas où est sa proie tirait dans tous les coins usant ainsi toutes les cartouches à sa disposition. Certes on ne peut que constater avec lui que la crise est sans équivalent par son ampleur et sa portée mondiale. Il serait aussi parfaitement injuste et d’ailleurs totalement inefficace de lui en imputer la responsabilité. Certes les solutions effarantes de banalité et probablement d’inefficacité concoctées par Martine Aubry ne relèvent pas la qualité du débat politique pourtant plus nécessaire que jamais. Certes nous sommes un certain nombre à partager l’avis que l’investissement et la compétitivité des entreprises est un élément clé pour sauvegarder durablement l’emploi. Même si, comme l’écrit Laurent Joffrin dans Libération "c’est la violence de la crise mondiale et l’effondrement des anciennes valeurs d’inégalité et de compétition qui le contraignent à cette conversion progressive.", il est notable qu’il a infléchi son discours purement économique pour ouvrir le dialogue social. Il n’est pas stupide de convoquer des états généraux exceptionnels entre les partenaires sociaux pour se mettre d’accord, devant l’urgence et la gravité de la situation, sur des mesures exceptionnelles à court terme. Mais je ne sais pourquoi, le président continuait à utiliser ce ton sentencieux, agacé et presque comme s’il avait le sentiment d’être victime d’une injuste incompréhension de la part des français. C’est Nicolas Sarkozy qui disait dans un entretien avec Michel Onfray en 2008 "Il y a plus de bonheur à désirer qu'à posséder. Ce qu'on obtient est forcément moins fort que ce qu'on rêve". On a vraiment l’impression que cette énergie énorme qu’il continue de déployer devant les caméras manque de conviction. La difficulté c’est probablement - pour paraphraser Nicolas Sarkozy qui disait, dans la même interview, "on peut dire aussi d'une certaine manière que l'idée de la douleur est pire que la douleur elle-même ?" - On pourrait dire que l’idée de la crise est pire que la crise dans l’esprit de la plupart des français. En ce sens son discours rationnel, tout azimut et à la fois pédagogique et volontairement un peu technique voire parfois condescendant, n’était pas de nature à rassurer l’inquiétude des français. Il a en quelque sorte poussé la dette de crédibilité devant lui, conditionnée aux résultats putatifs des rencontres du 18 février.

Patrice Leterrier

6 février 2009


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