Et si on parlait d’autre chose ?
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Pour paraphraser le regretté Jean d’Ormesson je dirais volontiers "C’est une chose étrange à la fin que le monde"… politique aujourd’hui en France.
Comme nous le rappelle le psychiatre Antoine Pelissolo "Nous avons vécu une sorte d’anomalie en étant protégés depuis un siècle contre les pires catastrophes parce que nous avons développé une technologie performante et que l’humanité n’a pas été frappée par de vraies catastrophes climatiques globales comme d’autres qui ont eu lieu dans des ères plus anciennes".
Mais aujourd’hui nous devons bien reconnaitre que ce paradigme de la toute-puissance de l’homme dominateur, possesseur glouton, boulimique de la nature le conduit à sa perte.
Or que voyons nous en cette période d’une pandémie qui n’en finit plus de rebondir ?
Au centre des débats politiques du moment, servilement relayés par les médias dociles, on entend le sempiternel et terrible refrain de la peur de l’autre incarnée par des surenchères à courte vue sur l’immigration.
Peut-on à ce point oublier les origines de l’ex-polonaise Maria Salomea Skłodowska plus connue sous le nom Marie Curie la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel, l’astrophysicien Hubert Reeves originaire de Montréal, le prix Nobel de physique Georges Charpak né à Doubrovytsia en Ukraine, le mathématicien polono-franco-américain Benoît Mandelbrot découvreur des fractales, le découvreur du bacille de la peste Alexandre Yersin originaire d’Aubonne en Suisse, le letton de naissance Anatole Abragam dont les travaux sur la résonance magnétique nucléaire ont révolutionné l’exploration médicale avec l’IRM, le généticien d'origine russe Boris Ephrussi pionnier de l'embryologie et de la génétique moléculaire, le mathématicien médaillé Fields Alexandre Grothendieck longtemps apatride, le biologiste, fils d’un pêcheur croate, Miroslav Radman dont le travaux sur l’ADN sont une référence…
Que dire aussi de Guillaume Apollinaire né en Italie et mort prématurément de la grippe espagnole comme d’autres aujourd’hui du Covid, du poète et peintre franco-marocain Tahar Ben Jelloun prix Goncourt 1987 pour La Nuit sacrée, de l’égyptienne, femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise, Andrée Chedid deux fois récompensée au prix Goncourt, du prix Nobel de littérature Gao Xingjian naturalisé en 1997 mais né à Ganzhou en Chine, ou encore de l’admirable auteur de l’insoutenable légèreté de l’être le Tchèque Milan Kundera naturalisé par François Mitterrand en 1981.
On trouve aussi dans le Dictionnaire des étrangers qui ont fait la France de Pascal Ory et de Marie-Claude Blanc-Chaléard, un florilège d’exemples comme le fils d'immigrants russes juifs Serge Gainsbourg, l’italien Ivo Livi dit Yves Montand, le fils d’arménien né dans un hôpital pour indigents Charles Aznavour, le biélorusse Marc Chagall naturalisé français en 1937, Léon Gambetta d’origine italienne, l’allemand Robert Schuman, le franco-espagnol Manuel Valls, Françoise Giroud d’origine ottomane, la belge Christine Ockrent, le fils de mineur polonais Raymond Kopa, l’américain Tony Parker, le rugbyman franco-marocain Abdellatif Benazzi, le handballeur serbe Nikola Karabatic, le père du stylo Bic l’italien Marcel Bich, la publiciste Mercedes Erra d’origine espagnole, le controversé franco-libano-brésilien Carlos Ghosn, des couturiers comme le très français mais allemand Karl Lagerfeld et l’italien Pierre Cardin….
Comment peut-on à ce point oublier que l’histoire de France est indissociable de ces multitudes d’apports de diversités qui constitue son ADN ?
Alors au lieu de débattre stérilement sur la hauteur du mur à construire pour éviter une invasion ne faudrait-il pas plutôt se décider à réinventer le logiciel des politiques pour ramener les français et en particulier les plus jeunes dans les urnes ?
Il est toujours dangereux de désigner un coupable et de punir un innocent, de se tromper d’objectif et de redoubler ses efforts.
Patrice Leterrier
24 novembre 2021